En effet, Aissatou Sira Baldé, l’auteur du roman « D’un Fouta Djaloo à l’autre » (Pensée Universelle), avait 90 ans. Elle a été inhumée le vendredi dernier dans sa ville natale de Labé. Elle fut la première guinéenne à publier un roman. Le journaliste – écrivain et critique littéraire guinéen, Mohamed Salifou Keita, auteur du livre encyclopédique, « Littérature Guinéenne » (Editions Tabala – Book Emissaire, Paris 2006), dont elle était proche, rend hommage à cette pionnière de la plume guinéenne au féminin.
Au premier abord, l’existence d’Aissatou Sira Baldé, s’est déroulé auprès d’un père enseignant, feu Shaikou Baldé, ancien gestionnaire de l’Institut Fondamental d’Afrique noire en Guinée. Cette femme généreuse aux regards pétillants d’intelligence, était une ancienne normalienne de Rufisque (Sénégal).
Pour mieux connaitre Aissatou Sira Baldé de Labé, et la faire découvrir d’avantage à la nouvelle génération, il eût été convenable d’entrer dans les lignes de force de son ouvrage « d’un Fouta Djaloo à l’autre »
Remarquer de passage l’orthographe de son titre, elle n’hésite pas à bousculer sur son passage les principes de l’alphabet peuhl. Elle accumule toutes les caractéristiques d’un génie créateur. Un roman en quatre volumes, c’était plutôt rare pour une débutante, surtout chez nous en Afrique.
Dans cet ouvrage, la guerre tribale, la chefferie traditionnelle, la polygamie, l’amour étriqué des adolescents, sont des images croustillantes qui dressent le panorama culturel du Fouta à travers une famille conservatrice. Aissatou Sira allie le réalisme à l’imaginaire.
Apparemment, le temps est suspendu par la guerre. Cette guerre est une source d’espoir pour les vaincus. C’est aussi une source d’alliance : (…) Il n ya hélas pour toi aucun lien d’alliance entre ton pays et le mien. Provisoirement, vous devenez nos esclaves (…)
Si cette alliance est un bonheur pour ladite famille, elle sert aussi les intérêts naissants de certaines captives et « bonnes » à la recherche de leur délivrance.
La beauté de ce roman ? C’est que, les héros sont des innocents qui bouleversent les mœurs, et les émotions mineures. Avec ces émotions, ils semblent transformer les comportements dans le village.
Avec beaucoup plus de sensibilité, Aissatou Sira, a recours au discours intérieur. Fascinant, ce roman permet au lecteur averti de saisir les contours d’une certaine tradition dans la société guinéenne du XVIII Siècle.
Il n’y a rien d’excessif dans ce roman, même s’il prend des dimensions légendaires.
« Substantiellement, je rends hommage à certains Almamys de la Guinée qui ont refusé de vendre des compatriotes aux marchands d’esclaves » Soulignait-elle en Mars 1986, lors de son passage dans l’émission littéraire Papier plume Parole de la télévision guinéenne.
Il y a de cela trente deux ans !
Loin de s’emballer dans les vraisemblances, elle raconte un monde vécu et s’efforce de faire observer quelle a reçu une éducation transparente à la mesure des convulsions d’un Fouta Théocratique à la prime naissance d’une mutation certaine.
S’adonnant aux charmes introspectifs, elle fait valoir son identité, à travers une promesse faite à son père, qui avait mis sa confiance de feu en sa première progéniture.
« C’est elle qui ravivera la flamme de la littérature » avait-il pensé. Elle se souvient des vicissitudes qui ont encombré sa vie. Discrète, tendre, elle passe pour être l’une des dépositaires du flambeau littéraire allumé par ses grands parents. Le nom de son grand père Tierno Aliyyu Buuba- Ndiyan, est évocateur. Pour en savoir plus, il suffit de lire le livre d’Alpha Ibrahima Sow, « Le Filon du bonheur éternel ».
Femme de dialogue, elle était loin de la quête d’une affirmation excessive. Fervente de la Francophonie, (avant l’heure) et à l’instar du poète Leopold Sédar Senghor, avec une conviction assumée, elle affirmait sans ambages que le métissage culturel est l’avenir du monde de demain. Dotée d’une langue particulière, sa sobriété justifiait naturellement sa réussite dans les belles lettres.
Voila, on ne peut plus claire sur cette œuvre littéraire qui appartient désormais à la postérité. Elle figurera toujours dans les textes encyclopédiques de la Guinée.
A travers elle, Aissatou Sira Baldé de Labé, n’est pas morte, son nom est dans le souffle incandescent de la nourriture spirituelle, car elle sèmera à tout vent.
Correspondance spéciale de Mohamed Salifou Keita,. Journaliste et Ecrivain. Critique Littéraire pour Guinéenews.org.