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Débordés, les Guinéens des Etats-Unis s’organisent pour assister les « Nicaragua »

La filière Nicaragua a produit des milliers de Guinéens jeunes et non jeunes à demander l’asile aux Etats-Unis. Arrivés en majorité par la frontière mexico américaine, les Guinéens ainsi que les centaines de milliers de migrants originaires du monde entier notamment l’Amérique Centrale et du Sud, Haiti, Cuba, Chine, Afghanistan, Inde etc… les nouveaux arrivants sont parfois détenus pour les contrôles d’identité puis relâchés sous conditions sur le territoire américain s’ils peuvent démontrer qu’ils se présenteront à la suite des procédures bureaucratiques qui peuvent prendre des années.

La majeure partie des migrants s’installent dans les grandes villes de New York, Philadelphie, Atlanta où se trouve déjà une forte communauté d’expatriés guinéens certains établis depuis des dizaines d’années. Une partie des migrants continuent sur le Canada notamment le Québec francophone.

Les ONG guinéennes et africaines ont mis en place des structures d’urgence pour accueillir ces nouveaux arrivants.

A travers les réseaux sociaux, les groupes WhatsApp et autres bouche à oreilles, les migrants sont assistés dans la recherche de logement, les formalités administratives et l’acclimatation à la vie américaine.

Algasssimou Baldé est un des membres actifs de la communauté guinéenne de New York où il pilote plusieurs initiatives pour assister les migrants fraichement arrivés. Guinéenews l’a contacté depuis New York.

Monsieur Baldé vous êtes l’un des volontaires qui s ‘occupent de l’accueil  et de l’intégration de migrants guinéens dans la ville de New-York York. Avec cette importante vague de jeunes et moins jeunes qui sont venus via le Nicaragua et le Mexique, quelle est la situation actuelle à New York?

Algassimou Baldé: Depuis le mois de janvier 2023, avec notre compatriote Adama Bah – une dame très dévouée de l’ONG Afrikana, qui dès le départ s’est mise à la disposition de nouveaux arrivants au niveau de New York – nous essayons d’aider nos compatriotes. Nous rendons hommage à tous ces volontaires qui continuent toujours d ‘aider ces nouveaux arrivants.

Par rapport à la situation à New-York actuellement, nous n’avons pas des chiffres des arrivées officielles. Donc c’est juste une estimation que j ‘ai pu donner à mon niveau, et ce n ‘est pas officiel.

Voilà, moi, actuellement, j’ai estimé entre 5 000 et 8 000 Guinéens qui sont arrivés depuis décembre 2022 à aujourd’hui. Donc, depuis le mois de janvier, comme je le disais tantôt, nous sommes à la tâche pour les accueillir et faciliter leur intégration. Je vous avoue que ce n ‘est pas facile.

Et quelle est la description démographique de ces Guinéens qui sont arrivés récemment? Quelles sont les proportions de jeunes, moins jeunes, femmes, hommes? Ils viennent de quelle région? De l’intérieur? De la capitale ou des pays voisins?

Algassimou Baldé: La situation actuellement, si je m’attelle à ce que je vois sur le terrain, les moins jeunes sont les plus nombreux. L’âge varie entre 18 à 35 ans. Et les femmes, les femmes aussi viennent en deuxième position. Surtout les moins jeunes au niveau des femmes. De 18 à 30 ans.

Et aussi les couples, ceux qui viennent aussi en famille, nous avons reçu beaucoup de familles. Et comme ce sont les familles qui sont prioritaires au niveau de l’état de New York, elles sont logées  dans les hôtels-  cinq étoiles à quatre étoiles – à Manhattan.

Au niveau des régions, c ‘est la Moyenne Guinée qui est de loin la plus représentée suivie dans l’ordre par la  Haute Guinée,  la Basse Guinée et la Forêt.

Et quelle est l’attitude générale des autorités de New York vis -à -vis de ces nouveaux arrivants?

Algassimou Baldé: Là je peux dire que l’atttude des autorités américaines est vraiment bien. Je peux même dire très bien parce que depuis le mois de janvier 2022 jusque il y à trois mois de cela, avant que ça n’ait débordé, les autorités de l’état de New-York avaient mis une équipe en place au niveau du Port Autority – chargée des infrastructures d’accueil – équipe dirigée par Mme Adama Bah, qui est une de nos concitoyenne guinéenne  qui est arrivée à l’âge de neuf ans aux États-Unis.

Mme Adama s’est beaucoup intégrée et c’est elle qui dirigeait l’équipe chargée de l’accueil au niveau de la gare principale de New-York qui a accueilli les bus de nouveaux arrivants provenant du Texas et de la Californie.

Après quand ça a débordé, ils ont arrêté les bus qui venaient en trop grand nombre. Ensuite, ils étaient obligés d’ouvrir des centres d’accueil avec tentes couvertes de bâches. Donc c’est là-bas en fin de compte, qu’ils ont mis les gens dans les abris temporaires, dans les stades de football. Ils ont installé tout ça pour pouvoir absorber l’afflux des nouveaux arrivants.

Globalement, l’État de New-York a été là, et est toujours là. Ils sont toujours là par rapport à l’accueil, par rapport au logement, par rapport à la nourriture et surtout par rapport à la procédure administrative. Ils ont demandé au gouvernement fédéral d’augmenter le nombre d’agents de l’immigration au niveau de New-York depuis le mois de juin. L’état fédéral aussi a débloqué des fonds pour aider l’État de New-York  à faire face à tous ces nouveaux arrivants.

Donc en gros, on peut dire que l’état de New-York est à la hauteur des difficultés. Et le New yorkais moyen et l’américain moyen? Est ce qu’il est confronté directement avec ces gens? Quelle est l’attitude générale vis-à-vis de ce que certains peuvent considérer comme une « invasion » selon les dire de l’extrème droite anti immigrants?

Algassimou Baldé: Tout le monde essaie de faire face parce qu’aujourd’hui je ne vois pas une famille guinéenne au niveau de New-York qui n’a pas, reçu son lot de biens de première nécessité. Parce que tout le monde a reçu le sien. Comme on le dit, certaines personnes venues qu’on appelle « les nicaraguayens » et chacun essaie d’y faire face avec bonté,  les bras ouverts. Et comme on le dit, la situation n’est pas facile pour un départ.

Comme vous l’avez appris tantôt, la mosquée aussi dans le Bronx aussi a fait face à un afflux très massif. À un moment, on était à 200 arrivants qui étaient logés dans cette mosquée. Mais en finalité, toute la communauté s’est mobilisée pour faire face à ces nouveaux arrivants par rapport au logement, par rapport à la nourriture. Et vraiment, c’était vraiment génial cette solidarité.

Et donc on peut dire que la communauté guinéenne de New York s’est elle aussi mise à l’œuvre pour accueillir et intégrer ces nouveaux arrivants?

Algassimou Baldé: La communauté guinéenne s’est mise fortement à disposition, ça je peux vous le garantir. Elle s’est mise à disposition, que ça soit individuellement, que ça soit collectivement. Chacun s’y est mis. On a récolté des habits provenant de beaucoup de familles, on a récolté des sommes d’argent qu’on a distribué et surtout, même, même au delà de New-York, certaines personnes ont convoyé des habits à  New York pour accueillir, pour aider ces nouveaux immigrants. Donc franchement, ça a été un élan de solidarité.

Un peu comme comme les Guinéens savent le faire – la solidarité –  et quelles sont les difficultés principales que votre organisation rencontre.

Algassimou Baldé: Bon au niveau des organisations ici. D’abord, je tiens à remercier madame Adama, son organisation africaine. Ensuite, Pottal-fii-bhantal aussi est en train de jouer aussi un grand rôle et ça n’a pas commencé aujourd’hui au niveau.

Peux tu expliquer ça? C’est quoi Pottal-Fii-Bhantal? Une ONG guinéenne?

Algassimou Baldé: Voilà, elle a été créé en 2006 – 2007, au niveau des États-Unis, qui se bat pour l’injustice, qui est au service de la communauté aussi par rapport à tout ce qui est lié à la justice, aux affaires sociales, à l’intégration. Et voilà, comme vous le savez aussi, pendant à peu près treize ans, on s’est occupé du cas des victimes du 28 septembre 2009. Chaque année, on organisait des marches au niveau des Nations Unies. On faisait du lobbying au département State, aux Nations Unies, à la Maison Blanche. Et aujourd’hui, après treize ans, le procès a commencé.

Pour en revenir aux nouveaux arrivants, qu’est ce que peut être fait pour les nouveaux arrivants concrètement?

Algassimou Baldé: Voilà pour les nouveaux arrivants aussi. On essaie au niveau des plateformes (en ligne), on essaie de les aider à l’intégration à la vie américaine. Il y a une plateforme en ligne qui est ouverte pour leur expliquer comment ça se passe, où ils doivent commencer et surtout pour les aider au niveau des emplois, aux formulaires administratifs.

Pour avoir accès aux formulaires bureaucratiques pour pouvoir régulariser leur situation administrative pour être légal dans ce pays. Tout ce qui est lié à l’intégration totale, on essaie de s’y atteler aussi. Et ça n’a pas commencé aujourd’hui.

Et puis nous avons un autre groupe de volontaires aussi qui s’est levé il y a quelques mois de cela. Le groupe, le groupe des volontaires Wallan Mi Wallè (Aides moi Aides toi en langue pulaar)  au niveau de New-York aussi, qui s’appelle aussi à faciliter l’intégration des nouveaux arrivants. Et à cet effet même, on a même trouvé un emplacement, un bureau à Brooklyn où les gens vont – si je me trompe pas –  chaque mardi et chaque samedi ou chaque lundi, chaque samedi pour aller préparer leur formalités administratives. Et tous ces volontaires là, j’aimerais vraiment leur rendre hommage parce que c’est pas facile de se mettre à la disposition des autres.

Pour celui qui serait tenté de donner un coup de main à tous ces volontaires et organisations, qu’est ce qu’il peut faire? Comment peuvent ils vous contacter?

Algassimou Baldé: Pour ceux qui sont sur les différentes plateformes Pottal-fii-bhantal, Afrikana, Guinée, Asylum Guinée, Wallan Mi Wallè, mon numéro est là bas et ils peuvent nous contacter. Et vraiment on a besoin, de volontaires parce que la tâche est énorme, et là vous en êtes témoin.

Monsieur Bah, vous aussi nous vous remercions pour tout ce que vous faites aussi en étant au Canada. Vous êtes dans les différentes plateformes aux États-Unis ici, et vous contribuez vraiment, vraiment aussi à nous apporter des informations crédibles et surtout venant de sources fiables. Nous vous en remercions.

Le conseil que vous donnerez aux candidats potentiels? Bien entendu, vous ne pouvez pas leur faire venir, mais est ce que les candidats, les nouveaux arrivants étaient conscients des difficultés, des embauches, des chocs culturels auxquels ils font face? Parce que l’Amérique du Nord c’est un monde complètement différent de la Guinée.

Algassimou Baldé: Monsieur. Bah c’est pas facile. J’en ai été témoin, de beaucoup de nos compatriotes qui ont abandonné. Ils se sont retournés. Et c’est ainsi que logiquement, ceux là n’étaient pas prêts. Certains sont tombés malades. Et beaucoup se sont retournés. J’ai été en face aussi de plusieurs cas. En face à la situation très difficile. Beaucoup sont déprimés…

Pourquoi déprimés?

Algassimou Baldé: Parce que voilà ils n’étaient pas prêts. Et présentement, nous sommes en face de plusieurs cas aussi. Des personnes qui n’ont pas où loger dans ce froid glacial. Nous sommes à près de dix degrés. 20 degrés.

20 degrés Fahrenheit ? Soit -6  degrés Celsius sous zero, n’est ce pas?

Algassimou Baldé: 20 degrés Fahrenheit en effet. Et beaucoup dormaient dans les gares des trains. Et cette situation, franchement, moi ça m’a marqué. Et comme, comme on le dit souvent souvent, tu en parles de ces cas où  tu n’as pas de solution, tu n’as pas de solution et c’est difficile.

Donc il est important de passer le message aux candidats que ce n’est pas l’Eldorado. Ceux qui veulent suivre ce chemin, ils doivent savoir qu’il est parsemé d’embûches et le résultat final n’est pas garanti non plus, n’est ce pas?

Algassimou Baldé: Voilà, ce n’est pas comme si on cherche à décourager ceux qui veulent venir, mais on vous en prie, si vous voulez venir, soyez prêts, soyez prêts. Voilà!  Mais mettez à l’esprit que ça ne sera pas facile pour un départ . Comme toute chose dont tout un chacun entreprend, tout début est difficile, mais si vous êtes prêt mentalement dans la tête, vous pouvez surpasser cette difficulté. Et au bout de six mois, un an, vous allez voir le résultat de cette patience là. Mais si vous savez que vous n’êtes pas prêts, ne tentez pas parce que le départ est très très, très difficile.

Et l’ambiance politique actuelle? Il y a eu une campagne présidentielle qui s’annonce. Il y a des chances que Donald Trump, le candidat républicain puisse passer et il a été très clair que pour lui, l’immigration et les nouveaux venus il va fermer la porte. Alors, quel conseil donnez vous aux gens? Est ce qu’il y a une garantie que l’accueil positif qui est là ne va pas changer avec une nouvelle administration?

Algassimou Baldé: Euh… Sur ce plan, je peux pas être affirmatif, mais ce que je sais, dans ce pays là, chacun a sa chance. Chacun en a d’autres qui ont eu la chance au temps du premier mandat de Donald Trump, d’autres ont eu leurs papiers, d’autres ont été rapatriés, d’autres aussi ont traversé par le Canada.

Donc, comme vous savez, tout est dans la main de Dieu. Et moi je crois en Dieu. Je crois que toute personne, toute personne a son étoile dans ce monde là. Quelle que soit la personne en face, tu auras ton destin, tu seras en face de ton destin et tu auras ce que Dieu a promis pour toi.

Merci Mr Baldé pour avoir pris votre temps et éclairer la lanterne de nos lecteurs.

Algassimou Baldé: C’est moi qui remercie Guinéenews.


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