Comme l’on pouvait s’y attendre, l’éternel débat entre pros et anti Sékou Touré refait surface à l’occasion du quarantième anniversaire de la disparition du premier président de la Guinée indépendante. Cette fois, c’est parti d’une description politique et économique faite du régime d’alors par des dignitaires déchus de la première République. Ces derniers étaient en audition après leur arrestation suite au coup d’Etat du 3 avril 1984. Dans des éléments audios transcrits et transmis à Guinéenews par l’association des victimes du camp Boiro, Damantang Camara, ancien ministre, ancien Président de l’Assemblée Nationale), Abdoulaye Touré (Abdoulaye Touré, ancien ministre des Affaires Extérieures) et Moussa Diakité, ancien ministre et membre du Bureau Politique National du PDG RDA) ont fait une présentation peu glorieuse de Sékou Touré et son régime. Ce qu’un ancien Directeur Général du commerce intérieur et du PDG n’entend pas de cette oreille. Dans un entretien téléphonique accordé à notre rédaction, Ismaël Condé, transfuge du PDG devenu président du PRPAG (parti de révolution populaire et africaine de Guinée, oppose une opinion totalement contraire aux versions de ses trois (3) camarades d’alors. Lisez !
Guineenews.org : monsieur Ismaël Condé, bonjour
Ismaël Condé : bonjour
Guineenews.org : vous êtes reconnu comme l’un des fidèles héritiers politiques du président Ahmed Sékou Touré. Quels sont vos sentiments à l’occasion du quarantième anniversaire de son décès ?
Ismaël Condé : à l’occasion du quarantième anniversaire de son décès, mes sentiments sont dominés par la douleur, la peine d’avoir perdu un grand ami. J’ai eu l’insigne honneur d’être estimé de lui, de bénéficier pendant un certain temps de sa confiance. Pour cette raison, c’est le côté de ma douleur. Mais je suis très fière aussi parce qu’à ce quarantième anniversaire, l’histoire confirme que le président Ahmed Sékou Touré a toujours eu raison. L’élection actuelle au Sénégal en est une illustration. Ça a été d’abord un référendum et non une élection comme l’ont dit les politologues sénégalais eux-mêmes. C’est le rejet de la continuité et la misère comme certains le savent, notamment par l’immigration clandestine des jeunes sénégalais. C’était aussi le rejet de la corruption, du détournement face à autre chose que cette misère et ses conséquences de désespoir et de désolation. Donc en ce quarantième anniversaire, ce sont ces sentiments-là que je ressens avec la domination des sentiments de fierté et d’orgueil national. Constatant que l’histoire ne fait que donner raison au président Ahmed Sékou Touré et à la révolution africaine. On n’oublie pas que le PASTEF à travers son élu se propose de créer ou de contribuer à la création d’une monnaie africaine, donc la sortie du franc CFA. Autant de choses qui illustrent la validité, l’actualité de la pensée ou des idées du président Ahmad Sékou Touré.
Guineenews.org : comme vous nous tendez la perche, on va rester un moment sur l’actualité Sénégalaise. Il y en a, par contre, qui estiment que ce qui vient de se produire au Sénégal, c’est plutôt l’héritage institutionnel des anciens dirigeants en l’occurrence le premier président, Senghor qui n’était pas sur la même longueur d’onde que le président Ahmed Sékou Touré ?
Ismaël Condé : j’entends des gens dire que le Sénégal est démocratique, il y a ceci, il y a cela. Ce sont des histoires à mon avis. On se rappelle que quand des violences ont éclaté suite à la volonté de Maky Sall de faire reculer la date des élections. Dans ce contexte, il y a eu des morts au Sénégal… Et avant, il y a eu combien de morts lors des élections, lors des manifestations politiques ? et on oublie l’histoire d’Oumar Blondin Diop, cet étudiant superbement intelligent, ce génie qui a lutté contre le régime de Senghor mais qui a fini comme on le sait. Il a été tué en prison. Donc quand des gens se mettent à dire que le Sénégal est un modèle de démocratie, ce sont des histoires. La démocratie occidentale est inadaptée à nos réalités et inadaptables à nos pays, comme le président Ahmed Sékou Touré l’a dit du reste, il faut que nous trouvions notre propre démocratie. La démocratie française s’est inspirée des coutumes et de l’évolution spécifique du peuple français. Pourquoi pas au niveau de l’Afrique ?
Guineenews.org : mais on a beau avoir des réalités différentes les unes des autres, les principes démocratiques fondamentaux restent les mêmes de façon générale. Ce sont des élections organisées de façon transparentes avec à la clé le respect des résultats issus des urnes. Ce qui n’est pas forcément une réalité partout dans nos pays, non ?
Ismaël Condé : je suis d’accord avec vous que l’universel existe. A travers la particularité c’est l’universel qui s’exprime et à travers l’universel aussi, c’est la particularité. La manifestation de l’universel est la particularité. Donc nous sommes pris par la mentalité occidentale et c’est normal. Il y a combien de temps que ces gens-là nous dominent, nous soumettent à leurs doctrines. Mais vous n’avez pas à me dire que l’élection en France, c’est la même en République Populaire de Chine. Ce n’est pas leur démocratie en Chine. Mais il y a la démocratie. Et à ce que je sache, la démocratie en France n’a pas exactement la même force qu’en Espagne ou en Italie bien que ces pays soient frontaliers avec la France. Je crois qu’il ne faut pas exagérer sur le principe de l’universel pour dire que tout le monde doit se plier au même dénominateur commun des valeurs occidentales. Du reste, les occidentaux eux-mêmes reconnaissent que les pays africains sont des pays avec leurs spécificités. En 1992, au moment des mutations multipartites-là, Jacques Chirac lui-même dans un numéro de Jeune Afrique a dit : « ce n’est pas en copiant les occidentaux que les Africains résoudront leurs problèmes, notamment l’unité nationale. Ces problèmes sont spécifiques en raison de la présence dans chaque pays d’ethnies différentes ». Donc je ne sais pas, ce qui poussent encore des africains à défendre l’idée selon laquelle la démocratie occidentale qui nous a été imposée, c’est cette démocratie-là qu’il faut observer….
Guinéenews.org : mais avant le multipartisme, et antérieurement au colonialisme, les différentes communautés qui étaient organisées en royaumes ou empires, il y avait aussi des confrontations. Et cela n’épargnait pas forcément les vies humaines.
Ismaël Condé : ça c’est votre façon d’apprécier l’histoire. Moi, je dis que bien avant les blancs, les africains ont vécu en harmonie à travers les différentes composantes de leur société. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de conquête entre les différents empires, entre les différents royaumes. Et cela a existé partout…
Guineenews.org : mais ce n’était pas pour épargner les vies humaines là-aussi ?
Ismaël Condé : mais la guerre, c’est quoi ? C’est s’entre-tuer…
Guineenews.org : alors, pour revenir à notre sujet, des anciens proches collaborateurs à Sékou Touré, en l’occurrence Damantang Camara, Abdoulaye Touré et Moussa Diakité interrogés pendant leur détention après la prise du pouvoir par l’armée en avril 1984, ont fait des témoignages qui ne sont pas favorables au régime à son responsable suprême d’alors. Soit, ils ont attesté de l’implication personnel de ce dernier dans la gestion des geôles comme le camp Boiro où il y eut beaucoup de morts, parfois par torture, ou ils ont remis en cause la viabilité de son système économique. Qu’en pensez-vous ?
Ismaël Condé : je m’étonne que d’anciens dignitaires aient tenu des propos de ce genre. Et aujourd’hui, avec ce qu’on peut faire de l’intelligence artificielle, je pose la question de savoir si ces enregistrements existent. De toutes les façons, je ne voudrais pas ramener l’histoire de la Guinée au problème du camp Boiro. Je vous disais entre-temps que moi-même j’ai fait le camp Boiro. Donc je crois que l’histoire de la Guinée doit dépasser ce niveau-là. Ce que ces gens-là disent, ce sont des histoires. Permettez-moi de vous dire qu’en 1984 il y avait deux ans, et même trois que j’étais directeur général du commerce intérieur. Donc j’avais sous mon autorité directe et ma responsabilité totale la gestion des entreprises d’Etat qui existaient. Donc au 3 avril, quand le coup d’Etat se faisait, il y avait au moins deux mois que le parti avait organisé comme d’habitude, une conférence économique. C’était pour constater la vérité de la gestion de chacune des entreprises industrielles, commerciales, de service, les banques, etc.
Guineenews.org : qu’est-ce qui en avait résulté ?
Ismaël Condé : laissez-moi continuer. Donc on était en pleine conférence économique quand le président Ahmed Sékou Touré est mort et quand une semaine après sa mort il y a eu coup d’Etat. Quand j’entends les gens dire que les entreprises étaient déficitaires, l’économie était branlante j’ai fait un mémo. J’ai vu des ministres membres du nouveau gouvernement pour leur dire, cessez de mentir. Prenez tous les bilans qui se trouvent à, la présidence. On était en pleine conférence économique quand le président est décédé. Tous les bilans des entreprises sont déposés sur la table à la présidence qui avait déménagé entre-temps face à l’actuelle HAC. Vous allez constater que ce que vous dites n’est pas vrai. Si vous voulez, appelez un cabinet d’audit étranger pour lui passer ces documents de bilan. Il va vous dire la vérité. Surtout que vous devez comprendre que l’orientation socialiste qui est pour la satisfaction fondamentaux des peuples n’est pas la même chose que l’orientation capitaliste. Le capitalisme est à la recherche exclusive du profit… Tout le monde est convenu, même dans les pays capitalistes, que, premièrement, la Guinée était le pays le moins endetté du monde quand le coup d’Etat se produisait. C’est quelque chose que vous pouvez vérifier, en voyant le niveau d’endettement de la Guinée en 1984.
Guineenews.org : mais à côté, le niveau de vie n’était pas enviable non plus, non ?
Ismaël Condé : qu’est-ce que vous en savez. Peut-être que vous n’étiez même pas né encore ou que vous étiez tout petit…
Guineenews.org : oui, mais c’est des choses qui nous ont été rapportées par des témoins de l’époque aussi ?
Ismaël Condé : ceux qui vous l’ont raconté, je m’excuse, ce sont des gens haineux, ou qui n’ont jamais partagé l’idéologie de la révolution. Parce qu’il est clair que si c’est 96% qui ont voté le non pour l’indépendance, il y a eu ces 4% ou 5% des Guinéens qui ont voté le Oui et qui ne se sont jamais satisfaits de la proclamation de l’indépendance guinéenne et qui ont continué à espérer que le colonialisme revienne. Et ils ont évolué dans ce sens. Permettez-moi de vous recommander un livre dans ce sens. C’est le livre de Pierre Péan, l’homme de l’ombre, publié par les éditions Baillard en 1990. A la page 271 ou à partir de cette page, vous pouvez lire la citation que je vous donne. « au début des années 1959, quelques jours après que la Guinée est admise à l’ONU, en dépit de l’obstruction de la France, Focart, avec l’aval de De Gaulle entreprend de punir Sékou touré qui par son attitude, a dangereusement compromis les chances de la communauté. Il est désormais présenté comme un communiste doublé d’un mythomane. Pendant plus de 10 ans, les complots vont se succéder aux complots pour tenter de renverser celui qui a osé défier le Général De Gaule… Et la phrase conclutive, toujours citation : « l’attitude de la France vis-à-vis de la Guinée n’a pas été étrangère à l’écroulement de ce pays et aux malheurs qui en résultèrent »… Donc je crois que vous les jeunes, vous devriez faire une lecture objective de notre histoire. Et je voudrais contribuer à cette lecture objective…
Guineenews.org : Pour aller dans ce sens, vous évoquiez l’idée pour la Guinée de dépasser des situations comme le camp Boiro. Je mets cela au compte d’un lourd passif sociopolitique et économique que le pays traine. Alors, comment… ?
Ismaël Condé: Moi je pense que c’est votre analyse. La Guinée ne traîne aucun passif lourd. La Guinée traîne un passé de fierté, d’orgueil et de modèle vis-à-vis de tous les pays, surtout les pays africains… Ce lourd passé, c’est dans les mots. Si non, la réalité, sur le plan du sport, il y a Hafia qui a remporté combien de fois des victoires. Les ballets nationaux à travers le monde entier… Ensuite, le lourd passé dont vous parlez, en ce temps-là, l’école était gratuite…
Guineenews.org : Restons un instant sur Hafia et les ballets. Je remarque qu’après, ils sont restés pratiquement l’ombre d’eux-mêmes. Ça n’existe quasiment plus. En tout cas comparé à ce que c’était avant.
Ismaël Condé: Oui, ça c’est le poids des réformes à partir du 3 avril 1984. Le passif dont vous parliez, je pense que c’est le passif de la révolution …
Guineenews.org : Justement, non. D’accord il est en parti celui de la révolution, mais il a continué d’exister jusqu’à maintenant parce que quand nous voyons le niveau de développement de notre pays, que ce soit sur le plan infrastructurel, sur le plan culturel ou l’épanouissement personnel en quelque sorte, nous-nous rendons compte qu’il y a beaucoup à faire. C’est en cela que je parle de lourd passif.
Ismaël Condé: Vous avez raison, mais il faut expliquer les choses. C’est à partir du 3 avril qu’on a tout détruit en Guinée ici. C’était un pays industrialisé. Il y a des blancs, des occidentaux qui trouvaient que la Guinée avait la meilleure industrialisation, une industrialisation intelligente. Cette production sur place de tout ce qu’on pouvait importer. On importait par exemple la cigarette, produire la cigarette sur place. On importait le ciment, produire le ciment sur place. On importait le tissu, produire le tissu sur place, à Sanoyah. Tout ce qui pouvait être transformé ici, c’est construire des usines pour cette transformation. A Dobola, une ville entourée de zones de production d’arachide, on a implanté une huilerie. A Mamou, on a implanté une conserverie pour les productions fruitières du Fouta. Il y a SIPAR qui existait à Labé pour la transformation des fleurs et d’essence d’oranges, etc. donc au 3 avril, on a dit que c’était la dictature. On a dit que l’économie était branlante et qu’il fallait tout détruire. Je vous répète que j’étais le directeur général du commerce intérieur en 1984. Malgré ce que ces gens-là ont dit, l’école était gratuite pendant le régime de la révolution du primaire à l’université. La santé était gratuite à tous les niveaux. Cela par l’organisation de l’économie. Personnellement, j’étais très révolté quand j’ai vu ces allures de privatisation. On a basé l’application des programmes de l’ajustement structurel sur un faux bilan de la révolution guinéenne, sur une fausse image de la Guinée.
Guineenews.org : Mais est-ce que de ce point de vu il n’y a pas une part de responsabilité que la révolution doit endosser, en ayant failli à la préparation des mentalités pour ne pas qu’il y ait une interruption brutale comme ce qui s’est passé?
Ismaël Condé: Vous ne pouvez jamais maitriser l’hypocrisie. D’abord l’hypocrite se fait passer pour votre ami, il a la langue mielleuse, comme on le dit. Et l’hypocrite signe toujours par la perfidie. Sinon, on était très bien organisé, sur tous les plans. Mais quand des gens qui prétendent être des révolutionnaires organisent un coup d’Etat, sur instruction de leurs maîtres étrangers, qu’est-ce qu’on peut faire? La mort du président Sékou Touré, à mon humble avis, n’est pas naturelle. Elle est venue au bout d’un complot contre le régime guinéen et contre sa haute personne. Donc le coup d’Etat du 3 avril 1984 a été la manifestation de la dernière phase du complot permanent que le PDG a toujours dénoncé. Donc parler des mentalités… C’est pourquoi à la déclaration de la mort du président, personne ne croyait. On était tellement attaché à cet homme, et malgré tout ce qu’on a dit du président et de la révolution, aujourd’hui, quand l’anniversaire de sa mort arrive, c’est presque toute la Guinée qui se mobilise. Malgré la campagne de dénigrement de ceux qui resteront toujours ennemis de Sékou Touré et de la révolution guinéenne.
Guineenews.org : Il y en qui soutiennent que ce que vous qualifiez de perfidie et de trahison était plutôt du fait que sous la première République, il n’était pas permis aux gens d’exprimer librement leurs positions, au risque de payer cela au prix de leur vie?
Ismaël Condé : non, les gens exprimaient librement leur position. Je suis un exemple de cela, personnellement…
Guineenews.org : mais vous étiez du système, vous n’étiez pas contre le système ?
Ismaël Condé : tout cela, c’est pour intoxiquer la jeunesse. Dire qu’on n’avait pas la possibilité de parler librement. Dans ce cas, il faut passer par les armes ? permettez-moi de vous dire que j’ai connu beaucoup de personnes parmi les exécutants du coup d’État du 3 avril. Des gens que je prenais pour des amis qui font partie de cela. Pas plus tard que la veille de l’enterrement du président, dans la nuit du 29 au 30 mars, au palais du peuple, comme on venait se recueillir devant le cercueil, c’est l’un des comploteurs-là qui est venu me prendre la main, en me disant, Ismaël on va monter ensemble.
Guineenews.org : c’était qui ?
Ismaël Condé : je ne dirai pas son nom… donc, c’est pour vous dire que tout ce qu’on raconte-là comme quoi les gens n’avaient pas la liberté de prendre la parole, il y avait réunions continuellement. Si vous voulez, le président a toujours dit que le PDG ne réprimera jamais la libre expression. Me ce que le PDG réprimera, c’est toujours la trahison, c’est la perfidie, c’est l’hypocrisie. Il y a des gens ; même au niveau du bureau politique national et du gouvernement, qui n’avaient pas leur langue dans leur poche. Permettez-moi de vous dire que quelques fois on m’a appelé au conseil du gouvernement, à des réunions du bureau politique national. Souvent le président a été mis en minorité. Alors contrairement à ce que les gens disent, le président était démocrate. Il ne prenait jamais seul une décision. Je me rappelle la dernière fois, tout le monde en a ri. On a fait passer au vote un sujet, et le président a posé la question de savoir quels sont ceux qui sont pour ? Presque tout le monde a levé la main. Et on savait qu’il avait développé un argumentaire dans le sens contraire. Après il demande, quels sont ceux qui sont contre ? Il y a Béhanzin qui faisait beaucoup rire, dit: il y a lui et lui. Et lui et lui là, c’est Sékou Touré et Lansana Béavogui. Alors je retiens ça. Les gens pêchent beaucoup avec le président Ahmed Sékou Touré en le dépeignant comme un sanguinaire, un autocrate…
Guineenews.org : Pour terminer, malheureusement cela n’est pas perceptible, comparativement au niveau de développement infrastructurel et même sur le plan de l’épanouissement, des mentalités sans oublier la cohabitation harmonieuse. Qu’est-ce qu’il faut pour changer cet état de fait et amorcer le développement souhaité dans ce pays ?
Ismaël Condé : vous posez un diagnostic totalement faux. Dans le régime du PDG, il y avait l’harmonie entre les Guinéens, il y avait la solidarité entre les Guinéens, l’ethnocentrisme n’existait pas ou il était contenu. La preuve de cela, je me suis marié au Fouta…
Guineenews.org : Les gens continuent de se marier entre communautés différentes, mais est-ce que ce n’est pas là, l’arbre qui cache la forêt?
Ismaël Condé : non, il y a d’autres faits. C’est du temps de la révolution que le barrage KinKon a été construit. C’est du temps de la révolution que le barrage Tinkisso a été construit. Ensuite, c’est du temps de la révolution que le goudron a atteint Nzérékoré, à ce que je sache. Et en dehors des usines réalisées que les militaires ont détruit après le 3 avril 84, il y a eu d’autres réalisations. Air Guinée existait avec 13 avions en bon état. On a liquidé la société navale, avec 3 bateaux. Comment on peut dire que le bilan de ce régime était négatif. On était approuvé et applaudi partout. Après le 3 avril, on vient tout supprimer. On détruit tout. Il n’a pas été question de privatiser mais de détruire. Ainsi, Entag a été détruite, l’usine de production de textile de Sanoyah a été détruite. Quand j’ai entendu dire que les entreprises n’étaient pas rentables. Mais le défi de la rentabilité, si une entreprise n’est pas rentable, le défi ce n’est pas de rendre rentable ? Mais au lieu de rendre rentable, on supprime. Comme je le dis souvent, le malade on le soigne, mais on ne le tue pas. Donc la situation actuelle est venue avec les mesures politiques et économiques appliquées à partir du 3 avril 1984. Permettez-moi de vous dire que j’ai été, un certain temps, directeur du bureau d’études de la présidence sous le général Lansana Conté. Et je ne faisais que continuer un travail du temps de la révolution parce que c’est en 1982 que le président Ahmed Sékou Touré avait créé le bureau central d’études des projets à la présidence de la République. J’étais un des chefs de division de ce bureau central. Je me rappelle encore la collaboration de Thierno Hassane Sow, chef de la division travaux publics infrastructures. Je me rappelle le doyen Cellou Diallo. Paix à leurs âmes. Tous les deux sont décédés. J’étais le chef de division du domaine de l’agriculture. Damou Sacko, paix à son âme, était notre coordinateur. C’est pour vous dire que je connais parfaitement le dossier de la privatisation. Je connais beaucoup de dossiers relatifs à la vie politique nationale. Après le coup d’Etat, ils ont supprimé ce bureau central d’études des projets. C’est en octobre 1985 que Conté a pensé reconstituer le bureau. C’est ainsi qu’il m’a fait appel pour reconstituer ce bureau central qu’il a appelé bureau de suivi. Et c’est dans ce cadre-là que beaucoup de dossiers me sont passés entre les mains. Donc je ne parle pas en fonction des sentiments. En plus, c’est le moi de carême. Il faut être proche de Dieu. Il ne faut jamais mentir. Je peux me tromper, mais je crois que je n’ai jamais menti sciemment, je n’ai jamais déformé sciemment. Je ne me suis jamais laissé envahir par quelque subjectivisme que ce soit, surtout pas la haine. Parce que je crois que je ne le lisais pas plus tard qu’hier, dans la sourate 5 du saint coran, intitulé Almayda (la table servie). Au verset 8 de cette sourate, Dieu recommande aux hommes: « que la haine contre un peuple ne vous incite pas à l’injustice. Pratiquez l’équité. Là est plus proche de la piété. Craignez Allah car Allah est parfaitement connaisseur de ce que vous faites».
Donc en ce saint mois de carême, dans le cadre de notre interview-là, davantage je me suis déterminé à ne jamais mentir et à ne jamais tromper. Et la jeunesse que vous formez, il faut vous sortir, pour la partie qui est dans la tromperie, il faut sortir de là. Votre avenir, c’est dans votre union. Sans considération ethnique, sans aucune autre considération. Surtout sans la haine qui est un petit sentiment qui ne permet pas à l’homme de s’épanouir, parce que la haine fait haïr, une tautologie, elle fait détester, et gratuitement. Ça c’est de l’injustice. Donc moi, je suis de plus en plus confiant parce que je vois de plus en plus de jeunes qui franchissent cette barrière ethnique pour être ensemble. Et c’est ça l’avenir du pays. Et c’est ce que le PDG a réussi pour que nous allions à l’indépendance, pour que nous réussissions notre indépendance.
Guineenews.org : un mot pour fin ?
Ismaël Condé : voilà, la renaissance de la Guinée est entre les mains de la jeunesse. Elle doit s’affranchir de tout ce qui est exclusivisme, de tout ce qui est haine. Le haineux n’a pas confiance en lui-même. Il faut aimer pour être aimé.
Merci