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Culture: Djéli Kani Diawara des Ballets africains de Guinée réclame justice et réparation

 »Je vous l’ai déjà dit à l’entame, et je suis très frustrée du fait que nous soyons mes amies et moi, soyons les anciennes ou ‘’rescapées’, exclues de la liste de tous les bénéficiaires des avantages octroyés aux anciennes gloires. Nous nous engagerons toujours à servir la patrie et nous prions Dieu que justice soit dite et faite.’’

Encore et constamment à la recherche de nos acteurs du secteur des arts, de la culture et des sports, afin de s’enquérir de leur actuel état, votre rubrique ‘’ Que sont-ils devenus ?’’, pour un ballet au compte des grandes dames des grands ballets nationaux guinéens, qui s’entame, atterrit au domicile de Madame Djéli Kani Diawara, sis au quartier Lambanyi.

Artiste, danseuse d’alors du Ballet national Djoliba et de l’actuel Ballets africains de Guinée, Djéli Kani Diawara a bien voulu se prêter à cette interview.

Notre invitée est née en 1957 à Conakry et précisément au quartier Madina Dispensaire, dans l’actuelle commune de Matam. Djéli Kany Diawara est la fille de feu Sourakhata et de feue Foulématou Conté. Mariée, elle est mère de 3 enfants dont 2 filles et 1 garçon.

Pour son cursus scolaire, à cause de ce théâtre, elle a freiné ses études au niveau du primaire à l’école de Touguiwondy (5ème année).

Djéli Kani Diawara est fonctionnaire à la retraite au compte de son département de tutelle et actuellement contractuelle au niveau des Ballets africains de Guinée, où elle continue de prester malgré le poids de l’âge.

Dans cet entretien, découvrez l’artiste et très bonne lecture.

Lisez l’interview.

Guinéenews : encore sociétaire des Ballets africains de Guinée, transfuge du ballet national Djoliba, dites-nous comment vous êtes arrivée dans ce métier d’artiste et racontez-nous votre parcours ?

Djéli Kani Diawara : J’ai très tôt eu l’amour de ce métier d’artiste. C’est depuis mon quartier de Boussoura, dans l’actuelle commune de Matam, que j’ai commencé le théâtre. Progressivement et à travers mes prouesses, j’ai été recrutée au sein de la section du 5ème arrondissement et plus tard de la fédération de Conakry 2 au niveau de l’ensemble instrumental. Et c’est de là, que j’ai été retenue au sein du ballet national Djoliba.  Je me rappelle encore de ce jour car, j’ai été reçue par plusieurs aînés qui m’ont conduit et tenu les bras vers cette ascension.

Au temps du régime du feu Général Lansana Conté, la fusion faite entre le ballet national Djoliba et les ballets africains, m’a permis d’intégrer finalement les ballets africains de Guinée. En bref, je résume mon parcours.

Guinéenews : nous venons de perdre un éminent artiste en la personne de feu Hamidou Bangoura (paix à son âme), ex-Directeur des Ballets africains de Guinée. L’inquiétude plane au sein du milieu culturel pour la continuité et la survie de cet illustre grand ballet fondé par feu Fodéba Kéita. Qu’en dites-vous ?

Djéli Kani Diawara : Personnellement, je n’ai aucune inquiétude à ce sujet. Un adage de chez nous dit en langue vernaculaire susu, ‘’ Géya mu toma géya khambi’’. Littéralement traduit en français, ‘’ il est difficile d’apercevoir une montagne derrière une autre’’. Au fait avant feu Hamidou Bangoura, il y’a eu plusieurs successeurs à la tête des Ballets africains de Guinée, entre autres feu Italo Zambo, que feu Hamidou Banfoura a remplacé. Ils étaient là à trois pour diriger techniquement les Ballets africains. Il s’agit des regrettés Italo Zambo, Kémoko Sano et Hamidou Bangoura. Après le décès de Italo Zambo, personne ne croyait et ne pensait revoir ces Ballets africains sur pied. Heureusement avec fermeté et le désir d’assurer la continuité, nous nous sommes mis à l’œuvre.

En ce moment, depuis le décès de Hamidou Bangoura, nous observons encore le deuil et nous sommes pratiquement au ralenti. Il y a d’autres raisons qui expliquent ce fait aussi, c’est celle de ne pas avoir une salle de répétition. Nous répétions auparavant à Touguiwondy, avant que la maladie ne s’empare de feu Hamidou Bangoura. Il s’était entouré d’autres artistes tels Mouctar Touré et Mohamed Cissé, qui assuraient la relève, ainsi que Mama Nana Cissé, qui est de la vieille garde des Ballets africains et qui assure présentement et provisoirement, la direction des Ballets africains de Guinée. Actuellement pour resserrer les rangs, nous organisons quotidiennement des réunions de retrouvailles. J’ose croire que les Ballets Africains reviendront très bientôt sur scène.

Guinéenews : vous aviez vécu le temps et connu cette icône de la culture guinéenne en l’occurrence feu Italo Zambo. Que retenez-vous de cet ambassadeur de la culture africaine de Guinée ?

Djéli Kani Diawara : feu Italo Zambo était une bonne personne. Son niveau social et son leadership étaient déterminants. Il trouvait à tout prix en compagnie de sa femme Rose, des contrats de prestations à l’étranger pour les Ballets africains de Guinée. Il avait un carnet d’adresse bien fourni et ce qui facilitait à tout moment nos voyages pour des prestations vers l’extérieur. Nous regrettons sincèrement sa disparition.

Guinéenews : parlant de l’homme (Italo Zambo) sur le plan artistique, comment le décrivez-vous ?

Djéli Kani Diawara : C’est un artiste au talent inégalable. Il recelait tous les atouts artistiques et surtout, il était un comédien du genre du jamais vu. Il savait improviser et faire rire tout un public. Le numéros ‘’Tiranké’’ des Ballets africains en compagnie des regrettés Jeanne Macauley, Kokassaly et Salifou Yéli Khokhou (Paix à leurs âmes) est un chef d’œuvre.

Guinéenews : tout ce temps passé au sein des différents Ballets nationaux énumérés, aviez-vous tenu un rôle d’actrice principale dans des numéros précis ?

Djéli Kani Diawara : au niveau du Ballet Djoliba, j’ai tenu le rôle d’actrice principale dans le numéros ‘’Wouloukoro’’. Il est arrivé aussi, que j’ai pu me substituer à plusieurs rôles d’actrice principale au sein des Ballets africains de Guinée. J’ai joué dans ‘’Tiranké’’ pour remplacer nos aînées au palais du peuple, et qui étaient déjà à la retraite au sein des scénarios. Je continue toujours à jouer d’autres rôles dans ces ballets en jouant au doundoun. Au niveau de la danse et dans l’ensemble, je participe à tous les niveaux.

Guinéenews : plusieurs années passées au sein de ces Ballets nationaux. Vous avez effectué assez de voyages à l’étranger et certainement vous retenez un plus beau et un mauvais souvenir qui vous revient sur le parcours. Peut-on en parler ?

Djéli Kani Diawara : Comme vous le dites, j’ai plein de beaux et mauvais souvenirs sur le parcours. Le plus beau que j’ai retenu, s’est passé aux Etats-Unis. Tout d’abord, il faut affirmer que c’est une nation libre et démocrate. A chaque visite dans ce pays, nous avions produit des spectacles au sein d’un collège dont j’oublie le nom. Des cours théoriques et pratiques de danses sont dispensés aux élèves. J’aime les enfants et à chaque occasion, je reviens avec un petit cadeau comme ce bibelot, ou ce petit trophée placé dans cette bibliothèque en face de vous.

Pour le plus mauvais souvenir et qui soit et difficile à relater, est bien le fait que nous soyons exclues mes amies et moi (Marie Touré et moi), parmi les récipiendaires des distinctions honorifiques, ainsi que de la liste d’octroi par le gouvernement des 5.000.000 FG aux anciennes gloires du secteur des arts, de la culture et des sports. Quand j’y pense, ce sont des larmes qui coulent sur mes joues.

Je suis très déçue par ces actes posés par nos dirigeants de l’époque. C’est un mauvais souvenir, dont je n’oublierai jamais tant qu’il y a pas réparation.

Guinéenews : plus de 40 ans au service de la nation dans le domaine de la culture au sein de ses différents ballets nationaux. Vous avez évoqué des frustrations, et qu’est-ce qui vous retient encore au sein des Ballets africains ?

Djéli Kani Diawara : Suite à ces différentes frustrations, j’avais décidé en ces moments douloureux de tout abandonner. C’est grâce à l’intervention de mes amies, collègues des temps reculés, que je me suis abstenue pour ne pas rendre le tablier. J’avoue que l’amour et la passion pour la culture ont joué aussi son rôle dans un coin du cœur.

Guinéenews : quels profits, durant toutes ces années, avez-vous pu tirer pendant votre longue présence au sein de ces ballets ?

Djéli Kani Diawara : Des avantages, j’en ai eus au sein de ces ballets. J’ai beaucoup voyagé, et j’ai découvert plusieurs autres cultures et connaissances à travers les pays visités. C’est dommage aujourd’hui, que je sois encore en location, malgré les efforts que j’avais fourni pour l’achat d’un terrain afin de construire. Malheureusement, avec tous les matériaux de constructions fournis sur place, ce domaine m’a été détourné par un membre de ma famille. Je rends grâce à Dieu, et je suis toujours en location avec ma famille, mes enfants et petits-enfants.

Guinéenews : peut-on connaître actuellement quelles sont vos sources de revenus ?

Djéli Kani Diawara : Je vous informe que je suis fonctionnaire à la retraite au compte du département de tutelle. Je bénéficie donc de ma pension, ainsi que du revenu de mon statut de contractuel, au sein des Ballets africains. Ce sont principalement les sources de revenus, qui me permettent de soutenir ma famille.

Guinéenews : au vu de la création et de la prolifération de nombreux ballets privés en Guinée, quels parallèles pouvez-vous établir entre votre époque et celle d’aujourd’hui sur le plan artistique ?

Djéli Kani Diawara : Il faut oser affirmer qu’il y a une grande différence entre ces deux époques, tant sur le plan de la danse et des objectifs préalablement visés. Aujourd’hui, tout se monnaye et l’argent compte beaucoup. Pendant notre temps, nous avions dansé pour la patrie et autres différences entre nos époques, ce sont ces multitudes formes de danse, que nous avions toujours puisées à la source, pour valoriser notre identité culturelle. La génération actuelle a vraiment du talent, et je conseillerai de s’agripper à nos véritables rythmes, coutumes et mœurs.

Guinéenews : nous assistons aujourd’hui à l’immense exportation de nos instruments traditionnels (Balafon, bolon, tamtam, et autres…). Quel est votre avis sur ce sujet étant une actrice du secteur traditionnel de notre culture ?

Djéli Kani Diawara : Cette exportation de tous ces instruments n’est pas bénéfique pour le pays. C’est bon d’échanger entre culture et ne pas évoluer à vase clos. Le problème qui se pose, cette exportation nous retourne toujours en arrière et finalement ces exportateurs, n’auront plus besoins de nos prestations. Ce qui explique d’ailleurs aujourd’hui la rareté des contrats de prestations vers l’extérieur.

Guinéenews : avant de clore cette interview, vous avez certainement un message à l’endroit de nos différents lecteurs de Guinéenews ?

Guinéenews : je vous l’ai déjà dit à l’entame, et je suis très frustrée du fait que nous soyons moi et mes amies étant les anciennes ou ‘’rescapées’, exclues de la liste de tous les bénéficiaires des avantages dit-on octroyés aux anciennes gloires.

Nous nous engagerons toujours à servir la patrie, et nous prions Dieu que justice soit dite et faite.

 Entretien réalisé par LY Abdoul pour le compte de Guinéenews.

 

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