Auteur : Aboubacar Fofana, chroniqueur de Guinéenews©, Victoriaville, Canada.
Dans un premier article publié récemment, nous nous étions livrés à un exercice de déconstruction de trois théories populaires présentées comme explicatives des causes du sous-développement de notre pays. À savoir : le commerce triangulaire, le découpage de notre continent entre les puissances coloniales et le néocolonialisme. Indiscutablement, nous avions réussi, avec les arguments qui étaient les nôtres, à démontrer que toutes ces théories souffraient d’incohérence indigeste et ne pouvaient être reçues comme ce qu’elles prétendent être et qu’à la fin des fins, il va falloir proposer un autre paradigme. Dans le présent article qui est la suite du premier, nous allons nous borner au même exercice en traitant cette fois aussi trois autres théories très répandues sur cette question, à savoir : la théorie de la gouvernance, celle du courant institutionnaliste et celle de l’aide extérieure.
Lire : Critique des théories sur les causes du sous-développement de la Guinée (1ère partie)
Quatrièmement : théorie de la gouvernance
Il y a une autre raison qui est fréquemment dénoncée. Il s’agit de la mauvaise gouvernance qui serait pour ainsi dire la cause des problèmes de notre pays. Or, nous pensons qu’il faut nuancer cette position : plutôt que d’être la cause des problèmes de la Guinée, la mauvaise gouvernance est simplement le problème de la Guinée. Cette nuance est d’autant plus évidente que l’ironie d’un philosophe qui, interrogé sur la cause de la mort d’un individu, répondrait « c’est parce qu’il vivait ! » ; ou bien la naïveté d’un médecin qui annoncerait à son patient qu’il a de la fièvre lorsque ce dernier lui demande pourquoi son corps est chaud. Pour dire les choses plus clairement, cela doit convoquer l’opinion publique à se demander quels sont les mécanismes qui nourrissent la mauvaise gouvernance en Guinée et quelles sont les motivations qui guident les mauvaises décisions de nos gouvernants. Cette crise de la gouvernance est-elle née du constat que les institutions de la République sont en train de perdre leur légitimité ? nousdonnerons notre point de vue sur ces questions dans d’autres articles à venir. Pour l’heure, finissons d’en découdre avec les autres théories.
Cinquièmement : théorie du courant institutionnaliste
Le manque d’institutions démocratiques dans notre pays serait-il une des raisons de notre enlisement économique ? Cette vision s’inscrit en droite ligne du courant institutionnaliste de l’approche du développement qui considère que la présence d’institutions fortes dans un pays soit un déterminant du développement et qu’au contraire, son absence conduise à l’appauvrissement du pays. En effet, certains auteurs soutiennent cette thèse selon laquelle la pauvreté d’un pays est la résultante de l’absence d’institutions capables de garantir des fondamentaux démocratiques que sont la liberté des individus sur les plans social et politique, le respect et la protection de la propriété privée, ainsi que le respect et l’application impartiale des lois. En vérité, nous partageons ce point de vue même si nousconsidérons qu’il revient à la Guinée, non pas d’avoir des institutions « démocratiques absolues » au vu de la subjectivité même de ce concept, mais des institutions capables de définir dans l’intérêt général et le consensus républicain les droits et devoirs des citoyens, en garantissant leur respect, tenant compte de l’histoire du pays, de sa culture et de ses aspirations propres. La démocratie à « l’occidentale », il faut l’admettre, même si elle a des défauts, reste néanmoins une référence pour l’émancipation de l’individu et la préservation de sa dignité. Nous savons par exemple que la Chine est aujourd’hui la deuxième économie du monde, mais elle est aussi un pays où les droits humains sont bafoués avec un système politique à Parti unique dominé par une oligarchie au pouvoir qui contrôle la vie de plus d’un milliard de chinois depuis trop longtemps.
Sixièmement : théorie de l’aide extérieure
Considérons la question de l’aide au développement. Est-il vrai que le développement de notre pays soit conditionné par l’aide publique au développement dont il bénéficie de la part de ses partenaires internationaux ? Dans un ouvrage intitulé « Dead Aid » (l’aide fatale), Dambisa Moyo, une économiste zambienne propose un autre regard sur l’aide étrangère en Afrique. Selon cette économiste l’aide publique au développement n’est pas seulement inutile à l’Afrique, elle lui est aussi néfaste. Car, elle condamne nos pays à sombrer dans une immaturité permanente, amnésie la confiance et le capital social, réduit l’épargne et l’investissement, encourage l’inflation, sape la compétitivité du secteur des exportations et déresponsabilise nos décideurs politiques. Ces derniers, plutôt que de rendre compte aux peuples qui les ont portés au pouvoir, le font maintenant aux contributeurs extérieurs. Il en résulte un manque total de leadership de nos dirigeants au plan international, une négligence abyssale des préoccupations des populations, et une irresponsabilité manifeste dans la gestion de la chose publique. Dès lors, l’aide publique au développement devient un cancer dont nous devons nous débarrasser très vite et prendre notre destin en mains. C’est un constat qui interroge la sociologie de notre pays, au-delà même des approches économiques et de la vision stratégique.
Post-scriptum
Cette deuxième partie étant faite, nous nous emploierons prochainement à clore le débat sur une dernière théorie qui noussemble être très importante à aborder, à tel point que le prochain article en sera consacré entièrement. À la suite de ce troisième article, d’autres articles suivront pour parler cette fois, non pas de théories admises sur les causes du sous-développement de notre pays, mais de proposition concrète, c’est-à-dire de la nécessité d’une théorie neuve, originalequi permettra de traiter autrement cette question.