Alors que la pandémie de la COVID-19 fait ravage à travers le monde, on a l’impression que le gouvernement guinéen tarde à prendre les mesures draconiennes pour éviter la propagation du coronavirus sur le territoire national. Dans une société allergique à la distanciation sociale, où une grande majorité de la population vit dans une effarante promiscuité, on peut se demander si la fermeture de l’Aéroport international est une mesure suffisante. Et même, jusqu’où les appels du gouvernement à respecter les mesures élémentaires d’hygiène seront crédibles aux yeux d’une population qui, abandonnée par « l’État », s’est longtemps accommodée des conditions de vie insalubres. Plus inquiétant ces dernières semaines, certains partis politiques n’ont pas fait preuve d’exemplarité lorsqu’ils ont tenu des assemblées ordinaires alors que le gouverneur de la ville de Conakry venait d’interdire les rassemblements de plus de 100 personnes.
On voit mal comment les autorités politiques peuvent sensibiliser la population si elles se discréditent en adoptant des comportements contraires aux mesures sanitaires de base. En ce sens, comment ne pas fustiger l’attitude du ministre du budget qui, au lieu de se mettre lui et son personnel en quarantaine, se défend de ne pas avoir été en contact avec la personne infectée à la COVID-19. Un minimum de sérieux et de responsabilité de part même du président aurait exigé un confinement obligatoire du personnel du ministère du budget et des dispositions sanitaires pour la ville de Kouroussa où séjourne actuellement le ministre Dioubaté. N’est-ce pas une preuve que les acteurs politiques eux-mêmes ne prennent pas au sérieux la gravité de la situation ?
Il faut espérer que l’expérience tragique de l’épidémie d’Ébola serve de leçons, et que l’Agence nationale de sécurité sanitaire mette à contribution les infrastructures disponibles pour contenir les risques d’infection à la COVID-19. Mais parce qu’actuellement l’heure est à la crise post électorale, il faudra alors que les populations prennent conscience de la gravité du Coronavirus et qu’elles se responsabilisent autant individuellement que collectivement. Dans cette perspective, les médias publics et privées auront un rôle essentiel à jouer comme organe principal d’informations et de sensibilisation. En privilégiant la communication en langue nationale. On pourrait aussi souhaiter que les sites d’informations en ligne mettent à la disposition des citoyens des capsules vidéos sur la réalité et la menace que représente la COVID-19 en mettant l’accent sur les mesures individuelles nécessaires pour se prémunir.
Il ne faut pas attendre que le gouvernement prenne ses responsabilités. Déjà, il faudrait recommander, au niveau des associations et des collectivités du pays, la cessation de tout rassemblement public : prière commune (fermer Mosquées et Églises), baptêmes, funérailles, mariages, visite des malades, les discussions dans les bars à café, etc. Présentement, on devrait envisager à réduire l’affluence dans les marchés publics : au lieu d’aller en famille ou en groupes d’ami.e.s, comme c’est souvent le cas, une seule personne pourrait s’y rendre pour se procurer les condiments nécessaires. Évidemment, dans un pays pauvre comme la Guinée où il n’y a aucun filet social, encourager le confinement volontaire représentera un défi titanesque. Pour beaucoup de ces hommes et femmes qui vivent de leurs commerces, comment penser au confinement, alors qu’il n’y a aucune mesure d’aide de la part de « l’État » ? Surtout pour ces familles qui vivent dans des cours communes à Conakry, n’est-ce pas une utopie de parler de confinement volontaire ? Le dilemme dans notre société est majeur : santé ou travailler ? Santé ou sociabilité ?
Mais, c’est dans ces temps de crise que l’état déplorable de la société guinéenne saute brutalement aux yeux. Les gouvernements successifs ont été indifférents à l’exigeante question de la justice sociale, et par cette indifférence ils ont contribué à la construction d’un État devenu une fabrique de la misère et de l’indigence. Ainsi face à une pandémie comme la COVID-19, le gouvernement actuel apparaît démuni parce qu’en fait les ressources financières ont été instrumentalisées à des fins politiques. Mais face à cette triste réalité, les populations doivent inventer des manières de faire et des techniques de vivre pour pallier à la démission entretenue des responsables politiques.