Jérémy Mansaré, c’est le nom du jeune qui a été torturé dans une église à Kakimbo, dans la commune de Ratoma (Conakry). Parti pour prier, il a été attaché, frappé pendant que d’autres le prenaient en photo, a appris notre rédaction. Les images ont été diffusées sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et WhatsApp.
« J’ai ressenti le besoin d’aller prier et discuter avec la sœur de ma petite amie parce qu’elle prie dans cette même église. Mais entre elle et moi, il y a eu des différends parce qu’elle n’est pas consente de la relation que j’entretiens avec sa sœur», a, d’abord, expliqué Jérémy.
Ce samedi-là, le 18 mai 2018, le jeune se rend très tôt à l’église. Mais dès qu’il est arrivé, il a été attaché par les gardiens de l’église, ligoté, frappé, puis jeté dehors faisant savoir qu’il était venu pour voler. C’est une scène que Jérémy n’arrive toujours pas à croire.
Il la raconte avec peine : « Je me rends là-bas, il était déjà 6h et quelque comme ça, pour éviter de croiser certaines personnes. Lorsque je tape à la porte, il y a le gardien qui me prend et commence à m’amadouer, pour me dire ‘’toi tu es un petit malin’’. Mais je prenais tout cela comme de la blague. Il a commencé à me ligoter les mains. Il m’a fait rentrer dans l’enceinte de l’église, et là je me rends compte que ça commence à devenir sérieux. Il a commencé à m’attacher les mains par derrière. Il me ligote les pieds et s’est mis à me tabasser. Pendant ce temps je l’entendais dire ‘’envoyez-moi des seringues’’. Sous le coup de la torture, ils m’ont fait avouer certaines choses. Ils m’ont demandé de reconnaitre que je suis voleur et que j’ai un groupe. J’ai été sauvagement torturé. Et lorsqu’ils le faisaient, ils me prenaient en photo. Le pasteur a filmé et les deux filles en question (Gabonaises, ndlr) c’est-à-dire la tante de ma petite amie et une autre Gabonaise. Et lorsqu’ils ont fini de me torturer, ils m’ont fait sortir de l’église et ont crié “au voleur”. Après ils m’ont mis à l’arrière d’une voiture de couleur noire et m’ont envoyé au commissariat. Et quand nous sommes arrivés au commissariat, ils ont dit que je ne suis pas un voleur. Moi ça m’a étonné. Si je ne suis pas un voleur, pourquoi m’avoir torturé ?
Après cela, ils ont appelé ma petite amie, parce que je leur ai dit qu’elle priait dans cette église. J’ai pour coutumes de prier là-bas, je ne suis pas un voleur. Lorsqu’elle a été appelée, elle a confirmé que je ne suis pas un voleur. C’est ainsi donc qu’ils m’ont amené dans un endroit et m’ont donné des habits de rechange. C’est à partir de là que j’apprends que mes photos ont été publiées sur le net. J’ai demandé à ce que justice soit faite par ce que c’est quand-même une atteinte à mon intégrité physique et psychologique.»
Le père de la victime a porté plainte à Wanindara. Voyant que l’affaire n’évolue pas, il saisit l’Etat-major de la gendarmerie à Kipé. Déjà, selon lui, les deux filles gabonaises, la sœur de la petite amie de Jérémy et une autre, sont en taule. Depuis la prison, ces deux filles auraient donné les noms de leurs complices, notamment ceux qui ont partagé les photos du jeune sur WhatsApp.
La pasteure de l’Eglise Reoboth International où s’est passé la scène, Victorine Ivonne, a reconnu que ses gardiens ont frappé le jeune Jérémy : «L’église se trouve dans ma concession. Il (Jérémy Mansaré, ndlr) était venu dans ma cour, mes gardiens l’ont arrêté. Ils l’ont frappé. Au petit matin, ils m’ont appelé. Quand je suis venue, je leur ai dit de ne pas le frapper, de l’amener à la police. Il a demandé d’appeler sa petite amie qui le protège et c’est elle qui va dire la vérité. Elle est venue et s’est présentée à la police. Mais la police a dit que c’est quelque chose qui n’avait rien. Il a été libéré. Il a été à la gendarmerie, on m’a convoquée, je suis allée me présenter. Ils ont dit que c’est un petit voyou, délinquant qui veut discréditer l’église. Et que l’église n’a rien à voir là-dans.»
Le médecin légiste, le Pr Hassan Bah, a été saisi dans cette affaire. Il a reçu le jeune. « Nous avons effectivement reçu le jeune. Il a eu des coups et blessures très importants au niveau de la région fessière. On a retrouvé des traces de tortures au niveau des avant-bras et aux chevilles. Ce qui est caractéristique de ces violences, c’est qu’on a retrouvé des traces de lien au niveau des deux poignets. Donc certainement ils ont utilisé une technique qui a consisté à rattacher les deux poignets aux deux chevilles tout en laissant le thorax bombé. Je crois que c’est très grave parce que ça pourrait entrainer des morts subites sur ces personnes-là», a-t-il expliqué.
La petite amie de Jérémy a décidé de ne plus prier dans l’église Reoboth International. Et le jeune est accusé d’être à la base du départ de la jeune fille. Mais elle confie avoir quitté de son plein gré à cause de certaines pratiques au sein de l’église : « Je suis partie de mon plein gré de l’église parce que je ne voyais rien dans cette église. C’est comme si les gens viennent là-bas pour montrer leurs habits ou encore leurs bijoux. Ce sont ces raisons qui ont fait que j’ai quitté l’église. »