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Comprendre la dette guinéenne (Par Mohamed Camara Économiste Consultant)

La réalisation des Objectifs de développement durable exige des investissements considérables, notamment dans l’infrastructure, le capital humain et la résilience au changement climatique. Or, dans les pays en développement comme la Guinée, les gouvernements ont souvent des moyens limités pour mobiliser des recettes publiques ou des investissements privés. Ils s’endettent pour financer leur développement.

La Situation de la Dette Publique au 31 mars 2022 se présente comme suit : Le stock de la dette publique et de la dette garantie au 31 mars 2022 se chiffre à GNF 64 157,923 milliards, soit environ USD 7, 203 milliards. Il est constitué de GNF 35 120,740 milliards soit USD 3,943 milliards au titre de la dette extérieure (54,74%) et de GNF 29 037,183 milliards soit USD 3,260 milliards au titre de la dette intérieure (45,26%). L’évolution du stock de la dette publique présente une tendance à la hausse par rapport au premier trimestre 2021, qui était de USD 6,549 milliards, due à la hausse de l’encours de la dette intérieure qui est passé de USD 2,535 milliards à fin décembre 2021 à USD 3,260 milliards à fin mars 2022.

Près de dix ans après l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, la Guinée, fortement touchée par la pandémie de COVID 19, a souscrit à l’initiative de suspension du service de la dette mise en place par les bailleurs officiels en 2020, mais pour autant, sommes-nous en mesure de craindre une nouvelle crise de la dette en Guinée à l’observation des chiffres susmentionnés ?

DETTE-CONDITIONNALITÉS-AUSTÉRITÉ observée en Afrique selon Comité pour l’abolition des dettes illégitimes BELGIQUE

En premier lieu, pour illustrer le lien entre la dette, l’austérité et les conditionnalités du FMI, Thialy Faye, expert justice fiscale d’Oxfam Sénégal, a apporté des éclairages depuis les pays du Sahel. Il a expliqué que 14 des 16 pays ouest-africains prévoient de réduire leurs budgets nationaux d’un montant total de 26,8 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, afin de combler en partie les pertes de 48,7 milliards de dollars subies en 2020 dans la région, des suites de la pandémie. Et que cette austérité a été encouragée par le FMI, à travers ses prêts Covid-19. Ces mesures d’austérité pourraient déclencher la pire crise des inégalités depuis des décennies, dont les femmes seront particulièrement touchées, en raison de leur très forte concentration dans les emplois précaires et dans le travail de soin non rémunéré. Il a également dressé un portrait alarmant de la situation dans la région, qui connaît une des pires crises de la faim au Sahara. Thialy Faye a terminé en formulant une série de recommandations (en plus de l’annulation des dettes sans les conditionner à des mesures macro-économiques), telles que taxer les grandes fortunes et les grandes entreprises, cesser de promouvoir l’austérité, promouvoir les impôts progressifs et aider à lutter contre les flux financiers illicites.

Ensuite, Yvonne Ngoyi, présidente de l’Union des Femmes pour la Dignité Humaine-RDC, a expliqué le fardeau que représente la dette pour les pays africains dans le contexte du Covid-19. Elle a rappelé qu’en 2020, le cumul des dettes publiques de tous les pays africains avaient atteint 1400 milliards de dollars. Elle a également évoqué la problématique de l’endettement privé à travers l’action des institutions de microcrédit. Ces dernières imposent des taux d’intérêt moyens de 25 à 30 % qui maintiennent les femmes, qui représentent 81 % des « bénéficiaires » de microcrédit, dans la pauvreté. Étranglés par la dette, les États consacrent davantage de moyens au remboursement de la dette qu’aux besoins nécessaires à la lutte contre la Covid-19. Yvonne Ngoyi a finalement souligné que des mouvements sociaux, des responsables officiels, quelques chefs d’États ainsi que le Président de l’Union africaine ont lancé plusieurs appels pour l’annulation de la dette publique des pays africains.

CAS DE LA GUINÉE :

Pour mieux comprendre pourquoi et comment s’est-on endetté ? Il faut voir l’histoire de l’aide dont notre pays a bénéficié. Cette dernière étant composé de prêt et de dons. Il est important de noter que tous les prêts obtenus par les responsables de la Première République étaient destinés à financer plusieurs plans de développement cités ci-dessous initiés par le gouvernement: 1 Le plan triennal de 1960-1963 ; 2. Le plan septennal de 1964-1971 ;3. Le plan quinquennal de 1973-1978 ; Le plan quinquennal de 1981-1985 ou de développement.

En rappel, à la prise du pouvoir par l’armée le 3 avril 1984, survenue à la suite du décès du Président Sékou Touré, les nouvelles autorités vont très vite s’orienter vers le libéralisme économique contrairement au premier régime qui était d’obédience socialiste. Du coup, elles vont entreprendre des négociations avec les organismes de Bretton Woods (Banque mondiale et Fond Monétaire International) qui aboutiront à de nombreuses et très profondes réformes d’ordre macro-économique et financière à travers un programme d’ajustement structurel (PAS) pour la période 1984-1993. Un véritable traitement de choc fut administré à la Guinée sous le couvert d’un « programme de réformes économiques et financières » (PREF). Sans mesures d’accompagnement efficaces pour en atténuer les effets sociaux, ce PREF eut des conséquences désastreuses sur la valeur de la monnaie, la disparition de l’épargne nationale de toute une génération, l’emploi, les prix des denrées de première nécessité et le patrimoine industriel. Un programme d’ajustement structurel entraînant un autre, le PREF I fut suivi pour la période de 1988-1991 par une « facilité d’ajustement structurel » (FAS) ou PREF II auquel succédera la « facilité d’ajustement structurel renforcé » (FASR) pour la période de 1991-1994.

L’adoption en octobre 2000, par le Gouvernement du document de stratégie intérimaire de réduction de la pauvreté (DSRPi) préparé sur la base d’une approche participative et l’accession en décembre 2000 de la Guinée au point de décision de l’Initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE) ont permis la conclusion en mai 2001 entre le Gouvernement et le FMI d’un nouveau programme de réformes couvrant la période 2001-2003. Le DSRPi reposait sur les 3 axes fondamentaux suivants : i) l’amélioration de la gestion des affaires publiques et le renforcement des capacités institutionnelles et humaines de la Guinée ; ii) l’accès plus accru des populations pauvres aux services de base ; et iii) la promotion d’une croissance économique soutenue et la création d’emplois rémunérateurs en faveur des populations les plus pauvres, en particulier rurales.

La Guinée a atteint le point de décision au titre de l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) en décembre 2000. Après plus d’une décennie, les Conseils d’administration du FMI et de la Banque mondiale ont respectivement approuvé l’allégement irrévocable de dette de la Guinée les 25 et 26 septembre 2012. La Guinée est ainsi devenue le 28ième pays membre régional à atteindre le point d’achèvement.

LES NOUVEAUX MODES DE FINANCEMENT DE L’ECONOMIE

1- LES BONS ET OBLIGATIONS DE TRÉSOR

Dans son discours de lancement officiel,  le ministre de l’Economie,  des Finances et du Plan, Dr Lancine Condé a tenu  a précisé aussi que « les obligations du trésor sont des titres de créances émis par le gouvernement pour des échanges longs. Elles portent des intérêts périodiques jusqu’à l’échéance le moment auquel les souscripteurs reçoivent un montant nominal équivalent à celui souscrit. Elles sont techniquement sans risque car garanties par la capacité de collecte des recettes de l’Etat.  Très souvent elles représentent la part la plus importante de la dette souveraine des pays. Cette émission des obligations du trésor consacre une nouvelle orientation de la politique d’endettement du pays dont la  finalité est de jouer à la dette son rôle de financement des efforts de développement du gouvernement. Elles  visent à mettre en place un nouvel instrument d’endettement conforme aux standards internationaux destinés au financement des projets prioritaires des secteurs structurants qui contribue à la réduction de la pauvreté. »

2- LES PRÊTS ADOSSÉS AUX RESSOURCES NATURELLES

L’accord cadre signé mercredi 6 septembre prévoit le financement par la Chine de 20 milliards de dollars d’infrastructures en Guinée. La somme sera progressivement décaissée entre 2017 et 2036. En échange, la Guinée accordera des concessions minières à des entreprises chinoises. « Les entreprises chinoises qui se verront attribuer des permis et des conventions minières aideront à rembourser ce grand programme de financement pour la Guinée », a déclaré l’ancien Premier Ministre Ibrahima Kassory Fofana.

3- LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉS

Dans le cadre de sa politique générale d’implication du secteur privé dans le financement et la réalisation des projets structurants, la République de Guinée, à travers l’Assemblée Nationale, a adopté une loi régissant les Partenariats Public-Privés (PPP). Dès son entrée en vigueur, elle abrogera la Loi L//97/012/AN8 appelée loi BOT (Build-Operate-Transfert) et la délégation de service public prévue par le code des marchés publics de 2012. L’objectif de cette nouvelle loi est de définir le cadre institutionnel et de déterminer les règles juridiques régissant la passation, le contrôle et la régulation des PPP conformément aux meilleures pratiques internationales. Elle couvre les contrats globaux comprenant : le financement, la conception, la construction ou transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’infrastructures.

PLUS DE PEUR QUE DE MAL!

Selon toujours le bulletin du premier trimestre 2022 : Les indicateurs de viabilité de la dette publique sont restés à un niveau modéré de risque de surendettement. Cependant, le portefeuille de la dette publique est exposé à des risques de refinancement pour la dette intérieure, de change pour la dette extérieure et de taux d’intérêt pour la dette publique.Le taux d’endettement est resté complètement en deçà du seuil communautaire de la CEDEAO de 70% ce qui donne en principe une marge éventuelle de manœuvres pour mobiliser des ressources de financement des infrastructures socioéconomiques de base. Le taux d’endettement est conforme au seuil de 35% de concessionnalité fixé par le FMI et la Banque Mondiale. Il est important de signaler que la Banque Mondiale a classé la Guinée parmi les cinq meilleurs pays au monde qui reçoivent les ressources de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour les questions de transparence dans la gestion de la dette publique. Les critères qui ont favorisé ce résultat résident dans la publication à temps du bulletin statistique de la dette avec une périodicité régulière, une accessibilité facile, une bonne couverture des instruments(dette intérieure et extérieure) et les informations les plus récentes. Ainsi, pour renforcer cette notation de la Banque Mondiale en matière de gestion de la dette, il est envisagé de :

  • accélérer le processus des décaissements des projets et programmes de développement en

vue d’améliorer le taux d’absorption ;

  • diversifier les instruments d’emprunt sur le marché intérieur pour financer les infrastructures, en privilégiant les émissions d’obligations du trésor, afin de minimiser les risques de refinancement ;
  • diversifier le portefeuille de la dette extérieure en devises pour réduire les risques de changes ;
  • former le personnel de l’utilisation efficiente du logiciel SYGADE.
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