La manifestation de l’opposition prévue ce mardi 30 octobre n’a pu avoir lieu. Cellou Dalein Diallo et ses collègues de l’opposition ont été empêchés de sortir de Dixinn. Au final, ils ont décidé de s’asseoir dans la rue, à quelques mètres du domicile privé du chef de file de l’opposition. Mais ce sit-in n’a duré qu’environ une demie heure, car tout le monde a été surpris par des bombes lacrymogènes. Aucun n’a pu résister au gaz et les gens se sont empressés de rejoindre le domicile de Cellou Dalein. Peu après, Cellou sort à la recherche de son épouse. Celle-ci était entrée dans une maison d’à-côté. De retour à son domicile, le chef de file de l’opposition a accordé une interview à la presse.
Dans son intervention, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) s’est dit satisfait du « succès » de la manifestation : « Je pense que la manifestation a réussi et je tiens à féliciter tous ceux qui ont répondu à ce mot d’ordre, en s’exprimant d’une manière ou d’une autre. En restant chez soi, on s’est exprimé. En essayant de sortir, on s’est exprimé. Je suis très satisfait du succès de notre manifestation, parce que l’objectif c’est d’attirer l’attention des Guinéens, de la communauté internationale sur la violation flagrante de la loi fondamentale et des libertés essentielles dans notre pays. Ça c’est une réussite. »
Accusé d’avoir toujours accepté de signer des accords, Cellou Dalein soutient qu’il ne souhaite pas voir le pays être géré par des accords alors qu’il y a des lois qui ont tout prévu : « La multiplication des dialogues et des accords politiques est une illustration éloquente de la crise qui sévit en Guinée. Les dialogues politiques sont rares. C’est en période d’exception qu’on les fait. Avec le régime d’Alpha Condé, il faut tout le temps des dialogues. Mais pourquoi ? On a l’impression que c’est l’opposition qui le souhaite. Non. C’est parce que le gouvernement ne respecte pas les accords, ne respecte pas les lois, le calendrier électoral. Quand on se retrouve, il reconnait qu’il n’a pas fait ce qu’il devait faire et il s’engage à le faire à une échéance donnée. Malheureusement, il ne le fait pas. Voilà la source de la crise. Nous ne souhaitons pas que notre pays soit géré par des dialogues politiques ou des accords politiques. Nous souhaitons que notre pays soit géré conformément aux dispositions de la loi fondamentale et des autres lois de la République. Malheureusement, M. Alpha Condé est incapable de respecter la loi. »
Il y a une semaine, son véhicule a été criblé de « balles réelles ». Des agents de la police judiciaire se sont rendus à son domicile pour faire des analyses balistiques. Cette « préoccupation » de la justice est une gêne pour Cellou car il y a 97 personnes qui n’ont pas eu droit à la justice : « Je ne sais pas si cette police est scientifique ou non. Il y a des officiers de police judiciaire qui sont venus ici… ça me gêne un peu parce qu’il y a 97 autres qui ont été abattus à bout portant, qui n’ont pas eu droit à la compassion du gouvernement, qui n’ont pas eu la moindre enquête judiciaire. Aucun criminel, aucun responsable de police n’a écopé même d’une sanction administration. Lorsque c’est moi, on dit que c’est la police scientifique, les experts en balistique, c’est la police judiciaire, c’est la justice. Je suis gêné, parce qu’il y a 97 autres. »
Face aux forces de l’ordre, Cellou Dalein a débouté sa jaquette et a exposé sa poitrine. Il dit avoir fait ce geste pour leur demander de tirer sur lui : « […] Parce qu’ils veulent me tirer dessus, moi je leur donne ma vie. Ils n’ont qu’à me tuer. Si c’est pour l’instauration de la démocratie, pour la réconciliation des Guinéens, l’instauration d’un Etat de droit soucieux de la sécurité, de la légalité de tous les citoyens, je suis un bon sacrifice pour ça. Avant moi, beaucoup ont déjà donné leurs vies. 97 personnes. Et moi aussi, je serai fier si c’est moi qui devais être le sacrifice pour la libération du peuple de Guinée. »
Sur les ondes de certaines radios, le général Ansoumane Camara, dit Bafoé, a affirmé que ses agents sont venus sécuriser Cellou Dalein afin d’éviter le scénario de la semaine dernière. Mais pour le président de l’UFDG, ce sont les forces de l’ordre qui sont la source de l’insécurité : « Je ne suis pas en insécurité. La source d’insécurité, pour le peuple, pour moi, c’est le général Bafoé et ses hommes, c’est Alpha Condé et son gouvernement. Moi je suis en sécurité, parce que je suis auprès de la population, je jouis d’une confiance totale, d’une crédibilité sans faille et la population est à mes côtés. C’est elle qui me protège. Ce ne sont pas les forces de l’ordre qui constituent pour moi une source d’insécurité. »
Suite aux tirs sur son véhicule, Cellou dit n’avoir pas reçu de réactions d’Alpha Condé et qu’il n’en a pas cherché : « Je n’ai pas eu de réaction d’Alpha Condé. Je n’en ai pas cherché. Je sais que c’est une dictature. Je sais qu’il se réjouit du succès de son expédition de Kindia pour vandaliser la maison de ma belle-mère. Et ici aussi je suis sûr qu’il s’en réjouit. »
Le jour de la « tentative d’assassinat » sur sa personne, il a reçu l’appel du président de la République. Il n’a pas pris l’appel et n’a pas répondu au SMS que le chef de l’Etat lui a envoyé : « Oui je confirme. Et je n’ai pas à me justifier. »
Une rencontre est prévue demain mercredi entre les leaders de l’opposition pour annoncer d’autres actions.