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Artisanat/Labé : à la rencontre des potières de Boussoura Mawdhé

Situé à 07 kilomètres du district de Missidé Douka qui est aussi à environ 20 kilomètres de la sous-préfecture de Diari, son chef-lieu,  Boussoura Mawdhé est l’un des rares villages de la préfecture de Labé où la poterie se perpétue de génération en génération. Étant la principale activité du village notamment des femmes, la poterie c’est-à-dire la fabrication des objets en terre cuite se fait toujours de façon purement traditionnel dans ce village comme l’a constaté sur place Guinéenews.

Dans le village, chaque famille à un petit coin habituellement à la devanture des cases, spécialement réservé pour la poterie. Sages et initiées, les femmes de Boussoura Mawdhé démarrent les opérations tous les jours dès après la livraison du repas de midi. Ainsi, elles consacrent une bonne partie de la journée dans la fabrication de divers articles principalement destinés à la commercialisation. C’est notamment les canaris qui sont toujours qualifiés de « réfrigérateur » traditionnel au Fouta Djallon.

En séjour de travail dans la localité, Mariama Korka Diallo, une sexagénaire en pleine activité nous a accueillis dans sa concession. Elle commence par nous retracer le processus de fabrication des objets. « Il faut d’abord qu’on cherche une terre spéciale qui sera par la suite pilée au mortier et mélangée avec de l’eau avant d’entamer l’opération de fabrication. Et il faut noter qu’il ne s’agit pas là de n’importe quelle terre. Là, il est question d’une terre qu’on trouve aux abords du fleuve Kassa (Diari). Chez nous ici, c’est uniquement cette terre qui peut être utilisée dans la poterie. Dans la journée, ensemble ici, on peut avoir 5 canaris car après la fabrication, on doit chercher du bois pour bien cuire les produits (canaris et autres). C’est cette cuisson qui marque la fin de l’opération », explique-t-elle.

« Tous les produits qu’on fait ici sont pratiquement destinés à la vente. Pour un grand canaris comme celui-là, on peut avoir 50, 60 voir même 70 000 GNF.  ça dépend des réalités du marché car parfois c’est en ville, parfois, c’est dans les villages environnants qu’on écoule nos produits. C’est nous-mêmes qui transportons les canaris sur la tête pour aller vers les clients », ajoute Mariama Korka Diallo.

A quelques mètres de cette première, on s’est retrouvé chez Idrissa Diallo, une autre vieille dame en pleine activité. « Je ne connais que ce métier qui est héréditaire chez nous. Mais on a assez de difficultés surtout avec le manque de route car même si on travaille, on a du mal à transporter les produits vers les villes. Ce métier nous rapporte beaucoup mais on a des problèmes de transport », renchérit cette autre.

En plus du transport, l’obtention de la matière première relève également d’un véritable parcours du combattant, selon Mariama Korka Diallo : « la grande difficulté c’est d’abord l’obtention du bois de cuisson et la terre qui est le principal produit. C’est vrai qu’il y a des difficultés dans la vente car c’est à pied qu’on transporte toutes les canaries mais c’est acceptable par rapport à la quête de la terre et du bois », soutient-elle.

Un calvaire confirmé par Aissatou Diallo qui pilote une équipe d’environ 7 potières : « il y a beaucoup de difficultés dans ce métier car c’est à pied qu’on part à la recherche de la terre. Une fois au village, on cherche à sécher la terre au soleil. Une fois sec, on la pille très bien avant d’aller chercher de l’eau pour procéder au mélange avant d’entamer le processus de fabrication qui finit par le séchage du produit. Après tout cela, on part à la recherche de bois pour venir cuire très bien les canaris. Voilà le processus. Par exemple, ce canari peut me prendre au moins deux jours. Parfois ça se casse lors de la fabrication, parfois à la cuisson et même à la commercialisation », déclare-t-elle.

Pour ce qui est des instruments utilisés au niveau de ce village dans la poterie, Aissatou Diallo parle d’au moins 5 objets purement traditionnels. « Pour ce qui est de ce travail, nous utilisons ici plusieurs instruments différents qui font des travaux différents aussi. Ces instruments sont régulièrement utilisés. C’est à savoir une assiette en terre qui nous sert de support, un bouchon en plastique mais pour la finition, une petite calebasse et un bois pour la régularisation des surfaces », rapporte Aissatou Diallo.

Selon elle, la poterie à Boussoura Mawdhé est également une activité réservée exclusivement aux femmes qui ont l’âge et la maturité nécessaire. « Les enfants ne peuvent se prêter à cela, ce n’est pas facile malgré que certains veulent essayer mais ils n’ont pas d’abord l’âge. Sauf qu’il y a certains d’entre eux qui achètent nos produits pour aller les revendre en ville. Mais pour l’instant, ils ne peuvent pas se lancer dans la fabrication, il y a beaucoup de travail dans l’opération. C’est seulement nous les dames qui pouvons supporter le processus », insiste Diallo Aissatou.

En plus des enfants, les hommes sont également mis à l’écart de l’opération pour des raisons qu’ils n’ont pas voulu trop détailler. « Parfois les hommes s’impliquent dans la vente mais les hommes ne peuvent pas entrer dans la fabrication. C’est uniquement les femmes qui sont dans l’opération parfois les hommes les accompagnent dans la recherche du bois de cuisson. Les hommes se sont même retirés de la vente. C’est juste comme ça qu’on a trouvé nos parents donc on le fait ainsi » renchérit Abdoulaye Sirifou Diallo, le chef secteur de Boussoura Mawdhé.

« La poterie c’est un art ancestral ici, on a trouvé nos parents dans cette pratique qu’on perpétue du jour au lendemain et c’est pratiquement la principale activité du village. Chacun fabrique de son côté. La fois dernière, ils ont initié un groupement de potiers ici, un blanc est même venu jusque ici et il nous a doté d’un four spécial pour la cuisson des canaris. Sauf que malheureusement, ça n’a pas fait long feu car le four n’a marché qu’une seule fois. C’est le manque d’accompagnement qui a fait défaut car les réalisateurs du four ne sont jamais revenus et finalement, c’est à l’abandon », déplore le chef du secteur.

A en croire nos interlocuteurs, ce n’est pas moins de 200 objets (canaris et autres) qui sont produits par mois rien qu’à Boussoura Mawdhé avec ces dames qui s’y donnent à cœur ouvert. Avec un léger accompagnement dans la recherche de la matière première ou le transport du produit fini, elles pourraient faire des miracles dans ce domaine qui si rien n’est fait risque de disparaître à petit feu.

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