La sortie très remarquable du ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté, suite à la décision de son collègue de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation interdisant les manifestations dans le tout le pays et jusqu’à nouvel ordre, continue d’alimenter les débats à Conakry et à travers le pays. Aujourd’hui, cette réaction du ministre Gassama Diaby unanimement jugée de » courageux, honnête et patriotique » aussi bien dans les milieux politiques, sociétés civiles que chez les simples citoyens.
Comme le ministre Gassama, le juriste Mamady 3 Kaba et le président de la Plateforme des citoyens unis pour le développement (PCUD), ont aussi dénoncé cette interdiction.
Quant à Mamady 3 Kaba, professeur de Droit dans certaines universités à Conakry, a d’abord qualifié la sortie médiatique du ministre Gassama de responsable. « Il faut reconnaitre que l’intervention du ministre Gassama est républicaine, responsable. Qu’on soit membre d’un gouvernement ou non, dès lors qu’on est inscrit dans un régime démocratique, on est tenu obligé d’affirmer haut et fort les principes de cette démocratie. Nous ne voulons pas croire à une doctrine et renoncer à ses principes. C’est comme si on dirait qu’on n’était pas obligé d’être dans la démocratie. Mais dès lors que nous y sommes, nous sommes tenus de respecter les principes démocratiques. Ça c’est une exigence. Donc, que cela soit affirmé par un ministre de la République ou que ce soit un juriste, un analyste ou un citoyen, il faut bien dire que cela ne peut être que républicain, démocratique et responsable », a-t-il déclaré.
Comme le ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté, M. Kaba affirme que les manifestations sont un droit consacré par la Constitution. Par conséquent, toute interdiction générale est anticonstitutionnelle. « Il faut rappeler que l’un des principes démocratiques, c’est l’exercice des libertés individuelles et collectives. Donc, dans un régime démocratique, on ne peut pas interdire l’exercice de ces libertés individuelles et collectives, à moins que nous soyons dans un régime d’exception. Et pendant un régime d’exception, il y a une certaine restriction quant à l’exercice des libertés individuelles et collectives. Et même cette restriction ne peut pas porter sur ce que nous appelons le noyau dur des droits et libertés. Ça veut dire que quelle que soit la situation ou la période, il y a un noyau dur des libertés dont l’exercice ne peut être interdit. Et encore nous ne sommes pas dans une période exceptionnelle et que l’on veuille interdire l’exercice de ces libertés individuelles ou collectives, il faut dire que cela est antidémocratique, antirépublicain et donc pas responsable. Donc, ce n’est pas une mesure administrative unilatérale qui peut mettre en veilleuse une disposition constitutionnelle. Ça relève du paradoxe qu’on veuille interdire sur une période l’exercice des libertés individuelles ou collectives. C’est vraiment paradoxal. Et si un responsable, un ministre de la République affirme ce principe démocratique, cela ne doit être nullement vu comme une prise de position. »
Une manière pour le juriste de reconnaître la pertinence et l’audace du ministre Gassama par rapport à cette interdiction, d’autant plus que cela rentre dans sa mission de ministre de la Citoyenneté et des questions de droits humains. Donc le principe de solidarité gouvernementale ne peut lui être opposé.
« Nous devons faire très attention, sinon nos lois seront systématiquement violées et cela n’est pas conforme à la démocratie que nous sommes en train de construire. Et si encore une fois un ministre de la République rappelle ce principe, il faut dire que c’est responsable et républicain », a martelé le juriste.
Pour M. Abdourahamane Sanoh, président de la PCUD, membre des Forces sociales de Guinée, campe dans le même ordre d’idées. « Prendre une décision pour interdire l’exercice d’un droit constitutionnel, c’est violer la loi et notre Constitution « , a dénoncé le président de la PCUD avant d’accuser l’État guinéen d’avoir pris l’habitude de violer les lois de la République.
« Ce n’est pas étonnant que l’Etat guinéen se mette à violer les lois de la République, cela est une source de préoccupation qui pose beaucoup de problèmes de gouvernance dans notre pays. La loi est faite pour tout le monde, y compris l’Etat. Donc lorsqu’on est la puissance publique, on abuse de ses responsabilités de la mission de services publics, on se met à violer les lois, c’est qu’on ouvre la porte à toutes les possibilités de pouvoir aller dans ce sens là. Cela veut dire que si un citoyen viole la loi, c’est serait acceptable », estime-t-il.
Comme Mamady 3 Kaba, M. Sanoh salue le courage du ministre Gassama en dénonçant la décision du ministre de l’Administration: « […] Maintenant, le ministre Gassama, on sait que c’est un homme de valeur, qui d’abord, par rapport à son rôle, qui est chargé de la Citoyenneté dans ce pays, ce n’est pas du tout étonnant qu’il exprime son désaccord face à cette décision du ministre Bouréma Condé. On ne peut que le féliciter, se réjouir de la constance de son discours.»
Le ministre Gassama connu pour son franc-parler et sa constance sur ces questions de droits de l’homme et de démocratie, n’est visiblement pas prêt à abandonner ses convictions au nom du principe de solidarité gouvernementale.
Mais comme le disait un juriste » la solidarité gouvernementale est-elle supérieure à notre loi suprême, la Constitution du peuple de Guinée ? «