Pour contrer ses opposants et museler les médias récalcitrants, la junte est soupçonnée d’investir leur terrain de jeu qu’est internet. C’est désormais à la guerre comme à la guerre, comme le dit le dicton. Quand on sait que le recours à la rue par les forces vives se fait de manière concomitante avec le slacktivisme, ce militantisme de canapé, consistant à polluer la toile parfois de « fakenews », la restriction enregistrée ces derniers temps sur internet, ne pourrait être que l’œuvre des pouvoirs publics.
Le contraire nous surprendrait en tout cas. Car disposer d’une bonne connexion internet par ces temps qui courent en Guinée, c’est la croix et la bannière. Sentir donc un parfum de restriction imposée par le pouvoir de Conakry, dans ce bégaiement de l’internet, ne serait que de bon droit, pour tous les défenseurs de la liberté d’expression et d’information. Considérées par l’UNESCO comme « les piliers d’une société saine et démocratique sur lesquels repose la croissance sociale et économique. En ce sens qu’ils permettent la libre circulation des idées – nécessaire à l’innovation – et renforcent la responsabilité et la transparence. »
C’est le lieu de dire que les effets pervers de cette restriction affectent sérieusement les utilisateurs des plateformes de communication (Instagram, Facebook, Twitter, WhatsApp, Messenger etc), devenues incontournables en ce monde en proie à une grande révolution numérique. Certains journaux en ligne, faisant partie de la fine fleur du monde médiatique guinéen, ne seraient pas non plus en reste de cette censure qui ne dit pas son nom, et qui serait en train de s’abattre sur la presse.
On peut citer entre autres mosaiqueguinee.com, mediaguinee.com, actuguinee.com, guineenews.org, guinee7.com, africaguinee.com, visionguinee.com, guinee114.com, depecheguinee.com.
Le coup porté contre le Groupe Africvision de M. Sanou Kerfalla Cissé par des pandores qui auraient démonté les émetteurs et d’autres équipements appartenant à Sabary FM et à Love FM, au nom de l’ARPT, ne peut que conforter les soupçons nourris à l’endroit de « Big Brother », de vouloir régenter l’information, en réduisant drastiquement les marges de manœuvre de ses citoyens.
Histoire de faire taire les voix dissonantes dans la cité. En plus de la militarisation des quartiers chauds de la capitale depuis ce mercredi. Empêchant ainsi les opposants de manifester contre la gestion « unilatérale » de la transition.
Bien des gens pensent que c’est un coup dur qui est en train d’être porté à la démocratie, quand on sait que la rue demeurait jusque-là le seul exutoire pour les forces vives contre la junte.
A l’allure où va le train, le gouvernement devrait savoir raison garder, pour ne pas effacer d’un trait de plume la liberté d’expression et d’information, qui constituent des acquis hérités des anciens régimes.
Certes, certains professionnels des médias font parfois dans l’excès. En ne sachant pas se départir de la logique militante, dans leur façon d’informer.
Il serait donc nécessaire que la presse aussi puisse balayer devant ses portes, en contribuant à apaiser cette transition, au lieu de jouer les boutefeux.
Cela ne devrait cependant pas pousser la junte à user de la censure, en actionnant l’ARPT, comme son bras armé. La guerre des ondes et du cyberespace ne devrait pas viser les médias traditionnels et sociaux, tant qu’ils demeurent dans les clous du respect de la déontologie. Et n’entravent pas la sécurité nationale.
En tout état de cause, comme l’a dit Edwy Plenel « Le combat de la liberté de la presse est un levier et un levain démocratiques. En ce sens, il sera toujours inachevé, toujours en chantier, toujours en marche ».