La procédure en cours contre les détenus politiques croupissant dans les géôles de la maison centrale risque de se tenir sans les avocats. En tout cas, Maître Mohamed Traoré a annoncé le retrait de ces collègues et lui-même, ainsi que la décision de leurs clients de ne plus répondre aux questions qui leur seront posées dans les conditions actuelles.
Invité de l’émission les Grandes Gueules de la radio Espace Fm, Me Traoré informe que « de commun accord avec nos clients, nous avons décidé de suspendre notre participation à toutes ces procédures-là, pour éviter de contribuer à ce qu’on appelle la chronique d’une condamnation annoncée. » Et d’expliquer que « nous sommes des avocats, c’est vrai notre mission fondamentale. C’est d’assurer la protection des citoyens, la défense des citoyens en conflit avec la loi. Mais lorsque nous nous rendons compte que nous servons plutôt en tant qu’avocats de caution à des simulacres de procès et à une parodie de justice, pour ne pas être complice du mauvais fonctionnement de la justice dans certains dossiers précis. Le mieux, c’est de se retirer et laisser ceux qui sont en charge de gérer ces dossiers, de gérer comme ils l’entendent. »
Ce n’est pas la seule annonce faite par l’avocat ce matin. Me Traoré a aussi déclaré que « nos clients ont décidé eux aussi de ne plus se prêter à ce jeu ». Et de poursuivre « que dans un procès, il y a des signes annonciateurs qui permettent de comprendre ce qui pourrait être l’issue finale. Aujourd’hui, ce à quoi nous assistons, ce n’est pas exactement des décisions de justice en réalité. Ce sont des décisions à caractère politique. » Rétorquant aux journalises qui parlent de sanction de la part de la justice, que cette dernière « est décidée à faire mal dans certains cas. Or telle n’est pas sa vocation ».
Procédure contre l’opposant Alpha Condé, l’histoire bégaie
Si cette double décision semble importante, elle n’est pas une première dans l’histoire politique de la Guinée. Et le précédant invoqué est tout sauf anodin. « Ce n’est pas la première fois que cela arrive dans ce pays. Il vous souviendra qu’en 2000, lors du procès de monsieur Alpha Condé, actuel président de la République, lorsqu’il a compris qu’on s’achemine vers sa condamnation, il a tout simplement dit que sa soif inextinguible de procès n’altère pas son jugement au point de croire qu’il peut obtenir une justice impartiale, et équitable. Ses avocats se sont retirés et lui-même a décidé de ne plus parler. Cela veut dire tout simplement que lorsque nous sommes dans un procès à relent politique, il ne faut pas s’attendre à des décisions de justice… », rappelle l’avocat.
Revenant à l’actualité, Me Traoré dénonce des manquements dans la procédure. « …Alors qu’on nous parle de stockage, de fabrication, de détention d’armes et de munitions, ces personnes ont été entendues à l’enquête préliminaire. Jusqu’au moment où je vous parle, personne ne nous a montré les armes qui ont été les armes qui ont été stockées, les armes qui ont été fabriquées ». Répondant à propos des images montrées à la télévision nationale, « qu’il y a des armes qui sont stockés dans certains locaux de la DPJ, de façon générale, lorsqu’on arrête des gens on leur fait porter ces armes là pour dire que ce sont les armes qui ont été saisies. Ce sont des pratiques qui sont très courantes. »
Et de préciser que : « pour ce qui est du cas Ousmane Gaoual, Etienne Soropogui, chérif Bah et autres, nous étions à l’enquête préliminaire du début à la fin. Jusqu’au moment où ils ont été déférés, aucune arme n’a été présentée au parquet, alors que dans les conditions normales, les personnes déférées doivent l’être avec en même temps que ce qu’on appelle les pièces à conviction. A ce jour, il n’y a aucune pièce à conviction… » Puis, de citer le cas Foniké Menguè dont la requalification des charges en vue de sa condamnation « comme la goutte d’eau qui a fait couler le vase ».
Joint dans le souci de recouper ces informations, le président du tribunal pour enfant qui gère le dossier promet de répondre à notre sollicitation après le constat qu’il ferait sur la décision annoncée par l’avocat.