« Si l’argent payé par l’assurance avait été reversé à la compagnie, Air Guinée ne serait pas mort »
Intervenu ce matin sur les antennes de la Radio Espace, Antoine Cross, l’ancien DG d’Air-Guinée donne sa part de vérité sur le dossier. Dans cette interview, l’ancien pilote, parle de l’importance de la compagnie nationale et nie bloc l’idée de qualifier l’avion d’appareil pourri, d’épave, de compagnie criblée de dettes.
Air-Guinée représentait quoi pour le pays ?
« Air-Guinée, c’était tout. C’était la fierté nationale… Quand cette compagnie fonctionnait, elle rendait d’énormes services à la Guinée. C’est elle qui assurait tous les voyages Présidentiels. C’est cet avion qui transportait les étudiants guinéens qui étudient à l’étranger (dans les pays de l’est). Les artistes nationaux, les footballeurs guinéens, les pèlerins guinéens même ceux de la sous-région étaient transportés par Air-Guinée. J’ai fait trois fois les Etats-Unis avec ce Boeing 737, Abu-Dhabi… Partout on voyageait avec cet avion. On n’affrétait pas d’avion. Et lorsque la Présidence affrétait Air-Guinée… elle payait… C’était une fierté ! Partout où on partait, c’était avec Air-Guinée. On a eu les trois avions… »
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Avec tout ce que vous venez d’énumérer, comment en est-on arrivé à se débarrasser d’une telle compagnie ?
« C’est vrai, on a mis tous les maux sur la compagnie pour s’en débarrasser. Je vous apprends qu’Air-Guinée était la compagnie qui avait moins de dettes en son temps. On n’avait pas de dettes pratiquement. Les petites dettes qu’elle avait ne pouvaient pas emmener les gens à la vendre… Même l’argent de vente des deux premiers avions n’a jamais été reversé dans le compte d’Air Guinée ! … Le Boeing 737 a été vendu en 2002. On l’a vendu à un Guinéen pour ne pas que la compagnie disparaisse… Au fond, je n’étais pour la vente de cet avion. Je crois même que cela a valu mon limogeage… »
« L’avion a été acheté en 1982. Les instructeurs Irlandais étaient les premiers commandants sur cet avion avant les pilotes nationaux. C’était un avion flambant neuf. C’était un bijou. Il atterrissait à Boké, à N’Zérékoré, à Labé, à Kankan, à Kissidougou, à Faranah et bien sûr à Conakry. On avait un guide derrière la roue avant qui empêchait les graviers renvoyés de ne pas toucher le moteur et avait des systèmes sur le moteur qui chassait la poussière… On l’utilisait en Cargo. On avait une porte qu’on ouvrait pour les palettes… C’est un appareil très neuf avec des moteurs neufs. Cet avion n’avait même pas fait plus de 20 mille heures de vols… Ce n’était pas une épave comme on le raconte. L’avion avait déjà fait une révision capitale en Ethiopie. C’est moi qui faisait toutes ses révisions. »
Comment la cession a été faite, puisque vous dites qu’il était en bon état ?
« Je ne sais pas bien comment cela a été fait. Mais, c’est moi qui étais parti chercher l’avion en Israël. C’est moi qui l’ai déposé. C’est moi encore qui suis allé l’essayer après la révision. Je suis allé en Israël pour le vol d’essai. Le directeur général d’alors, Boubacar Sow qu’on appelait Bob Sow, était venu nous rejoindre en Israël afin de signer les documents de récupération de l’avion. C’est pendant qu’il était là-bas, qu’il y a eu la dissolution d’Air Guinée. Du coup, il n’avait plus rien à récupérer. Il a pris un autre vol pour retourner au pays. Il était parti réceptionner l’avion, mais c’est en ce moment que le décret a été signé ici à Conakry. Donc, l’avion était déjà à la disposition de FUTURELEC. J’ai ramené l’avion au pays au compte d’Air Guinée Express. A ma descente, on me tend un papier qui me nomme instructeur de la nouvelle compagnie (Air-Guinée Express). J’ai cassé mon contrat où je touchais plus de 6.000$ par mois … Je vous rappelle quand j’étais pilote ici, je touchais 470.000 GNF. Jusqu’en 2002, mon salaire était à 470.000 francs guinéens. Nous avions travaillé par patriotisme. Parce que ce pays nous a tout donné. On a dit que c’était pour la restructuration… qu’il y avait beaucoup d’argent qui devait rentrer dans la gestion d’Air Guinée. Mais le montant des salaires s’élevait à combien ?… Il y avait quelles dépenses ? Et puis quelle épave ? Une épave et je suis revenu avec… En vérité, si après l’accident qui a eu lieu en Sierra Leone, l’argent versé par l’assurance était reversé à la compagnie, elle ne serait pas morte aujourd’hui. Quand vous gagnez 2 millions de dollars comme assurance. Pourquoi ne pas payer un nouvel avion. Pire, il n’y a aucune indemnisation pour les victimes. Et bizarrement, on apprend après que cet argent a été versé dans le riz », apprend-t-on de l’ancien pilote et ancien DG d’Air-Guinée.