Le virage à 180 degrés amorcé par la junte guinéenne, dans la gestion de la transition se poursuit sans discontinuer. A preuve cette adresse à la Nation que vient de faire le chef de l’État, le colonel Mamadi Doumbouya, à l’occasion de la célébration de l’AN 65 de l’accession de notre pays à l’indépendance. Dont la saveur et la teneur sont quasiment les mêmes que celles du speech onusien servi lors de la 78ème assemblée générale des Nations Unies, à laquelle le président avait pris part en septembre dernier à New York.
Sortie qui avait été perçue par maints observateurs, comme un point de bascule dans la conduite de la transition. A la grande déception d’une frange de l’opinion, qui s’est sentie doublée à droite par le « chevalier blanc ».
D’autant que cette dernière s’attendait à ce que la junte mette le pied au plancher, pour en finir avec la transition dans le délai imparti à cet effet. A savoir le chronogramme de deux ans, fixé d’un commun accord avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Cette abjuration du colonel se ressent dans son adresse à la Nation, prononcée à la veille du 02 octobre, marquant la célébration de l’An 65 de la fête de l’indépendance. Adresse dans laquelle, le président se garde de prononcer le mot transition.
Préférant axer plutôt son discours sur « le social, l’économie et le politique », cette trinité qui constitue dorénavant la priorité du CNRD. Qui entend ainsi profiter de ces festivités de l’indépendance, placées sous le sceau d’un retour aux sources, avec pour thème : « S’inspirer du passé pour construire l’avenir ensemble », pour jouer les VRP. En vue de faire passer la pilule auprès de l’opinion. Comme quoi, la priorité ne serait plus dorénavant la tenue des élections, devant sonner le glas de la transition. Mais plutôt le bien-être des populations, à travers la construction d’infrastructures. Des chantiers qui pourraient avoir ainsi un effet régulateur sur l’économie du pays. Ensuite suivra le volet politique.
Un triptyque en porte-à-faux avec le consensus de Washington.
Dans son discours, le président précise que « s’inspirer du passé pour construire l’avenir » est un défi qu’il faudrait relever à travers le renforcement du vivre ensemble. Cela devra passer aussi impérativement par « l’amorce d’un processus de développement économique. Et la mise en place d’institutions fortes qui nous ressemblent et qui nous rassemblent », selon le colonel Mamadi Doumbouya.
Le chef de l’État a profité de l’occasion pour flatter le peuple, magnifier la bravoure des filles et fils de la Guinée, qui ont consenti d’énormes sacrifices pour nous extirper du joug colonial.
Tout en conviant ses compatriotes à une synergie d’actions en faveur de la réconciliation, de la paix et de la quiétude. Afin de rétablir la confiance et renouer le fil du dialogue.
Cette sortie du colonel prouve que les discours « crève-cœurs » pour les opposants à la junte, se suivent et se ressemblent. Ces deux récents discours, comparés à la profession de foi du président, démontrent que le virage à 180 degrés est patent.
C’est comme si le colonel Doumbouya voudrait faire sienne cette assertion de l’empereur romain Auguste, je cite : « j’ai trouvé une Rome de briques, j’ai laissé une Rome de marbre ». Une option qui pourrait mener ipso facto à un glissement du calendrier de la transition.
C’est sans doute dans cet esprit que se situe la mobilisation du secteur bancaire pour la levée des fonds à hauteur de 5000 milliards de fg. Montant faramineux qui pourrait servir plus à bâtir des infrastructures, qu’à organiser des élections, au grand dam des forces vives.
Comme quoi, on est loin d’avoir fini avec janus, ce dieu romain de la transition, à deux visages.