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Le « péril peul » d’Alpha Condé : rêve ou réalité ?

Dans sa communication à Coyah, localité essentiellement soussou, le candidat désigné du RPG-Arc-en-ciel prévient que si les Coyakas votent pour M. Dalein, leurs enfants deviendraient des étrangers en Guinée.  En analysant ces paroles, on peut en déduire que le candidat Alpha Condé veut faire croire que symbolisant le pouvoir peul, du fait qu’il soit lui-même peul de naissance, M. Dalein risque de gouverner le pays exclusivement en faveur des peuls. Un discours d’une rare gravité de la part d’un chef d’État qui ethnicise ainsi à fond la campagne politique, en évoquant à Coyah, le « péril » peul.

L’histoire connaît cette forme de rhétorique, plus dangereuse que bénéfique pour la cohésion au sein des peuples entre eux, utilisée pour diaboliser un adversaire. Au 19ème siècle, certains intellectuels et politiques occidentaux parlent du « péril jaune », une référence à la montée en puissance des asiatiques, surtout des chinois et des japonais,  qui risquent par l’effet conjugué de leur nombre et de leurs performances économiques de dominer le monde occidental en mettant en danger sa civilisation. Aujourd’hui encore, le président américain, Donald Trump pour cacher son impuissance à enrayer le Coronavirus qui fait ravage aux USA et dont il vient lui-même de se remettre à peine après avoir été atteint récemment, parle du « virus chinois », comme pour désigner les méfaits de la Chine pour le monde.

Cependant, les peurs répandues dans le but de se protéger du « péril jaune » sont fausses. Parmi les principes qui guident les relations internationales de la Chine, la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États occupent une place centrale. Et dans les théâtres de conflits dans le monde (au moyen orient, en Afrique et ailleurs), les puissances occidentales sont les plus impliquées, la Chine étant plus présente dans les opérations de maintien de la paix et le Japon ayant renoncé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale à construire une armée combattante.

Bref, le péril représenté par la Chine aux yeux de certains, est considéré par beaucoup comme une chance de rééquilibrage du monde et d’espoir. Cela illustre qu’un pays auparavant en difficulté peut s’en sortir et atterrir dans la cour des grands. Ainsi, voire le péril dans une nation ou dans une de ses composantes est plus un aveu d’impuissance et un signe de peur qu’une réalité apparente.  Depuis plus d’un siècle qu’on en parle, la montée en puissance des forces asiatiques n’est pas encore pour l’instant une menace pour la paix mondiale.

En Guinée alors, existe-t-il donc un « péril peul » ? Ce prétendu péril est plus le fruit d’une campagne politique mal gérée et d’un état d’esprit « défaitiste » que de la réalité. Il n’existe en Guinée aucun « péril peul »pas plus qu’il n’existe de « péril soussou, malinké ou autre ». La configuration géographique et démographique de la Guinée est telle qu’aucune ethnie ne peut prétendre avoir le dessus sur les autres. Aucune ethnie n’a donc le pouvoir de se propulser elle seule comme une force autonome, déconnectée de la réalité, aussi forte soit-elle, et de prendre durablement le dessus sur les autres.

Autrement, comment comprendre qu’Alpha Condé puisse avoir des partisans dans d’autres régions du pays à part la Haute Guinée, et Dalein la même chose en dehors de la Moyenne Guinée. Même la déplorable mécanique ethnique qui caractérise le combat politique en Guinée a des limites. Les alliances et contre-alliances sont nécessaires pour conquérir le pouvoir politique et aussi pour le l’exercer ou le conserver. Sans cela ni Sékou Touré ni Lansana Conté n’auraient eu la longévité politique qui fut la leur.

Vouloir réduire le combat politique à la diabolisation des adversaires est une « faillite stratégique » qui peut coûter chère à son auteur. En effet, même en politique, et contrairement aux obédiences machiavéliques, la fin ne doit pas justifier tous les moyens. Semer les graines de la division sociale ne permet pas de construire une société apaisée, il s’agit alors d’un moyen injustifiable pour se maintenir au pouvoir mais aussi pour le conquérir.

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