Kérouané zone minière de diamant, est l’une préfecture de la haute Guinée, située au sud-est de Kankan et à 850 Km de Conakry. Elle enregistre ces derniers temps, un taux de scolarisation assez faible. Malgré l’appui du gouvernement et ses partenaires en vue de rehausser les indicateurs en matière de performance, l’abandon scolaire pour les mines d’or, les mariages précoces, l’orientation des enfants vers les foyers coraniques, à cela il faut ajouter un manque criard en enseignants sont toujours restés un souci pour les autorités de l’éducation de cette préfecture.
Dans cette interview accordée à notre reporter, Mamady Camara dit Doudou, directeur préfectoral de l’éducation de Kérouané fait un état des lieux du fonctionnement de l’école à Kérouané.
Guinéenews : pour commencer, pouvons-nous connaître la situation d’ensemble de l’éducation à Kérouané ?
Mamady Camara : la situation scolaire à Kérouané se présente de la façon suivante. Au point de vue infrastructure nous avons 208 écoles élémentaires et dix écoles secondaires. Pour les 208 écoles élémentaires, nous avons un effectif de 22 380 élèves. Pour les dix collèges, il y a 3 380 élèves. Ces écoles-là au niveau élémentaire et secondaire sont regroupées en 8 DSEE, une dans la commune urbaine de Kérouané les autres DSEE (délégation scolaire de l’enseignement élémentaire) se trouvent dans les communes rurales de Banankoro, Damaro, Komodou, Linko, Soromaya, Kossankoro et Sibiribaro. Voilà comment se présente la physionomie de l’éducation à Kérouané.
Guinéenews : quel est le nombre d’enseignants en situation de classe, tant au niveau préscolaire, primaire et secondaire?
Mamady Camara : au niveau élémentaire, nous avons au total 320 enseignants pour les 208 écoles. Au secondaire, nous avons 178 pour les dix écoles secondaires. Parmi les dix écoles secondaires, il y a deux lycées, un lycée-collège à Banankoro et un lycée à Kérouané centre.
Guinéenews : par rapport aux besoins en enseignant, quel est la situation de la DPE de Kérouané ?
Mamady Camara : en Guinée, le besoin se pose partout dans les écoles par insuffisance d’enseignant. Cette insuffisance est corrigée par les gestionnaires d’école par deux manières. Premièrement: s’il y a trois enseignants dans une école élémentaire, il y a une autre école qui est fermée par manque d’enseignant, on prend le troisième pour aller ouvrir l’école fermée.
La seconde mesure, la totalité des enseignants de l’élémentaire sont formés à la méthode de gestion des classes multigrades aux différents niveaux. Cela nous aide à boucler le besoin en enseignant.
Quand il s’agit du secondaire, il s’agit là de faire en sorte qu’un professeur puisse enseigner deux ou trois matières pour un même niveau ou plusieurs niveaux. Le professeur de français pour charge complémentaire, on peut lui affecter l’instruction civique, l’histoire ou la géographie. C’est comme ça, on procède à la réduction des besoins en enseignants dans nos écoles.
Guinéenews : il y a des enseignants, une fois mutés à l’intérieur du pays, refusent de rejoindre leurs postes, cependant, ils reçoivent leur salaire. Est-ce que Kérouané est aussi victime de ses cas ?
Mamady Camara: Kérouané est en tête dans ce domaine. Cette année, on a mis à notre disposition 5 enseignants au niveau élémentaire. Aucun d’eux n’est venu. 11 enseignants, au secondaire, seulement deux se sont présentés. On a remonté leur situation à la hiérarchie, jusqu’ici, ces enseignants n’ont pas rejoint et on ne connaît pas où ils travaillent. Les enseignants qu’on mute remuent ciel et terre pour qu’on les maintienne à Conakry ou qu’on les envoie ailleurs.
C’est pourquoi on procède à la sensibilisation dans les communautés pour prendre les enseignants communautaires en charge. Il n’y a pas une seule commune rurale qui n’a pas plus de dix contractuels.
Guinéenews : sur le plan local, quel bilan faites-vous de vos activités depuis que vous êtes à la tête de la direction préfectorale de l’éducation à Kérouané?
Mamady Camara : aujourd’hui, on peut s’estimer très heureux malgré que nous ayons à faire à des difficultés qui empêchent normalement le fonctionnement de l’éducation. On a mis les bouchées doubles avec les cadres de la DPE, DSEE, les chefs d’établissements pour que l’enseignement soit meilleur. On a organisé les candidats en groupe de travail. Ces groupes de travail nous ont permis de rehausser le niveau d’enseignement, l’apprentissage de nos élèves. On a organisé des parrains pour surveiller ces groupes dans les quartiers à Banankoro, à Damaro et à Kérouané centre.
Nous avons organisé la sco-olympiades entre les candidats entrés en 7ème année. Cette sco-olympiade nous a permis de faire un pourcentage de 42 % à l’entrée en 7ème ensuite au bac nous avons 56 % contre 26 % pour la nation. Cela a été fouetté par un fils ressortissant de Kérouané qui a donné une moto au lauréat de chaque option.
Guinéenews : de votre arrivée à maintenant les effectifs scolaires ont-ils augmenté ou diminué?
Mamady Camara : c‘est là où le bât blesse. C’est que l’enseignement général a vraiment un adversaire sur le terrain qui est le foyer coranique. Les parents pensent qu’en envoyant leurs enfants dans ces foyers coraniques qu’ils sont beaucoup plus proches de Dieu que d’aller à l’enseignement général. Ils sont en train d’affaiblir l’enseignement général sur le terrain, en oubliant que le français est la langue de l’administration. Ce qui fait que le pourcentage est en train de baisser.
Guinéenews : l’accès à l’éducation est un droit fondamental pour construire son avenir. Or, dans beaucoup de nos villages, de nombreux enfants sont encore exclus du système scolaire, faute de moyens des parents. Est-ce qu’actuellement l’éducation à Kérouané a un partenariat extérieur avec des organismes tel que l’UNICEF, PAM, PLAN GUINÉE ?
Mamady Camara: Aujourd’hui, l’UNICEF prend en charge les deux communes de convergence Banankoro et Damaro, de la formation des élèves jusqu’à l’encadrement de l’enseignant, toutes ces activités sont supervisées par le DSEE. On a constaté dès que le programme alimentaire mondial (PAM) s’est retiré le taux de scolarisation ne faisait que dégringoler. Selon les enquêtes menées par la même institution à travers la république précisément dans notre région, il a été prouvé que 51 % de la population de Kérouané est en dessous de seuil de la pauvreté. Après cette enquête, le PAM est revenu à Kérouané pour encore fouetter les indicateurs de performances de l’éducation à Kérouané. 87 écoles sont prises en charge par le PAM et les 25 autres écoles sont prises en charge par la direction nationale de la cantine scolaire. Au bout de la pérennisation du PAM à Kérouané, l’effectif va grandir et l’effectif des candidats aux examens va grimper.
Guinéenews : pour cette année 2019-2020, on a constaté que le département de l’enseignement a doté les directions préfectorales de l’éducation des manuels et fournitures scolaires. Qu’en est-il de ceux-là qu’on vous a donnés ?
Mamady Camara : on a salué très vivement l’arrivée de ces fournitures. Quand tu dis un bon enseignant, il faut que tu fasses le choix des matériels didactiques, des supports d’illustration. Les documents nous permettent d’illustrer bien les notions à véhiculer aux enfants. Et c’est la première fois qu’on envoie des livres de littérature pour les classes de 11ème 12ème et terminale qui permettent au professeur de français de mieux illustré leur notion.
Guinéenews : aujourd’hui nombreux sont des jeunes élèves qui font la ruée dans les mines d’or à Siguiri et à Mandiana. Au point d’élever le taux d’abandon scolaire. Est-ce que Kérouané est frappé par ce phénomène ?
Mamady Camara : bien sûr, c’est l’un des problèmes à Kérouané, beaucoup abandonnent les études pour aller s’approvisionner dans les mines d’or et ce n’est pas seulement ça, même sur place, beaucoup de filles sont retirées de l’école pour un mariage précoce et cela assaille les jeunes dans leur éducation scolaire.
Guinéenews : pour freiner cette déscolarisation surtout des filles, quelle appréciation faites-vous de l’apport des communautés de Kérouané ?
Mamady Camara : pour lutter contre ça, nous passons par la sensibilisation sur la scolarisation de la jeune fille et l’UNICEF nous appuie dans ce domaine à travers le projet »fille fière » qui s’opposait à la déscolarisation des jeunes filles.
Guinéenews : pour garantir à chaque enfant un environnement propice à l’apprentissage, il faut la rénovation de certains bâtiments, or la majeure partie des établissements scolaires souffrent de dégradation poussée, certains villages n’en n’ont presque pas. Quelles sont les dispositions que l’État envisage pour le cas de Kérouané ?
Mamady Camara : aujourd’hui, il n’y a pas un district qui n’a pas son école, on avance vers les secteurs. Compte tenu des difficultés les communautés construisent sur fond propre des écoles pour que les enfants restent à leur chevet, mais le plus souvent ces écoles ne sont pas dans les normes pour ça, on a identifié ces gros secteurs qui n’ont pas d’école, on a fait la carte des postes et on les propose au gouvernement, mais la construction de ces écoles arrive difficilement.
Donc du point de vue rénovation, il faut rendre hommage à l’honorable Amadou Damaro Camara, qui a renouvelé totalement le premier bâtiment construit en 1952 ici à école primaire Koya Amara Camara, également beaucoup ont emboîté ses pas dans le même cadre, dont il faut citer Youssouf Traoré, GL Sidiya Camara et l’honorable Djènè Saran Camara. À Sibiribaro et à Soromaya les fils ressortissants n’attendent pas l’État pour construire l’école.
Guinéenews : au-delà d’équiper les enfants, est-ce que l’autorité scolaire a pensé plus largement dans la dynamique positive d’aider les populations ?
Mamady Camara : oui, on est dans la dynamique d’aider les populations en matière d’éducation, si ça ne tenait qu’à nous, tous les villages posséderaient leurs écoles, leurs enseignants. Notre souhait est que toutes les écoles construites à Kérouané soient fonctionnelles.
Guinéenews : vous venez de sortir d’une grève des enseignants qui a empêché la progression normale du calendrier scolaire. Quelle solution envisagez-vous pour compenser les heures perdues ?
Mamady Camara : Aucune école n’a été fermée, la grève n’a pas entassé le fondamental du déroulement des cours. À l’heure-là, la grève est achevée, les cours ont repris et les grévistes, tous ceux qui ont accusé 10 jours ou 30 jours ont fait un engagement auprès de leur chef d’établissement, directeur d’école pour rattraper les heures perdues.
Guinéenews : la résolution de la crise entre le gouvernement et les syndicats de l’éducation a été le paiement des primes d’incitation dont malheureusement l’encadrement ne fait pas parti. Quelle analyse faites-vous par rapport à cette situation ?
Mamady Camara: Pour cette première étape, l’encadrement n’était pas concerné, mais le ministre a été clair, il dit que » les encadreurs doivent aussi bénéficier de rehaussement de leurs primes de fonctionnement. Du ministre jusqu’aux directeurs d’école, en passant par les inspecteurs disciplinaires, les IRE, les DPE, les DSEE, les proviseurs. C’est cette analyse qui est sur le tapis d’une commission interministérielle concernant les primes de fonction.
Guinéenews : est-ce que dans ce cas certains de vos cadres ne sont pas frustrés ?
Mamady Camara : oui, ceux-ci n’ont pas compris parce qu’ils n’ont pas été à la rencontre du ministre pourtant, on leur a restitué pour dire que pour cette première étape, cela concerne les enseignants et que le tour des encadreurs arrivera aussi.
Guinéenews : pour terminer, quelles sont vos perspectives pour 2020-2021, pour relever le taux brut de scolarisation et obtenir des bons résultats aux différents examens nationaux 2020 ?
Mamady Camara : je vais terminer par dire que l’éducation est l’affaire de tout le monde. À ce niveau, chacun de nous doit s’impliquer, si le parent joue son rôle à la maison, l’élève réside avec nous 6 heures pendant les 24 heures.
L’ambition que nous avons, c’est de maintenir le cap.
Guinéenews : avec quelle stratégie vous espérez atteindre ces objectifs ?
Mamady Camara : le renforcement des capacités, renforcer les visites rapides des cadres de la DPE dans les écoles. Renforcer les sco-olympiades et les groupes de révision.Guinéenews : merci, monsieur Mamady Camara