En dépit de son indépendance déclarée, la commission électorale nationale indépendante (CENI) est dépendante à tout point de vue. Constitué de politiques connus et d’autres acteurs dits apolitiques mais dont l’impartialité fait toujours débat, l’organe de gestion des élections a encore tout à prouver quant à la probité de ses membres.
La CENI dans sa forme actuelle existe en Guinée depuis plus de dix ans. Mais contrairement à ses principes fondateurs, l’institution elle-même a été tout sauf stable. Ses membres ont été changés maintes fois, pendant que sur papier, les commissaires sont inamovibles durant la période pour laquelle ils sont élus. Certains même se sont vus renvoyés de la CENI, sans aucune forme de procès. Parce que tout simplement les politiques dont l’institution dépend en réalité en ont décidé ainsi.
En témoignent le nombre d’anciens commissaires et présidents que la CENI a connus. Sans oublier que pour la plupart, ces changements sont intervenus pour résoudre des crises politiques.
Financièrement, l’institution a toujours été dépendante. Même la mobilisation du budget des élections est parfois difficile. A plus forte raison celui du fonctionnement dont la mise à disposition dépend des humeurs et autres considérations partisanes.
Individuellement pris, les commissaires ne perdent jamais de vue leur fragilité et leur vulnérabilité vis-à-vis des politiques qui les désignent et leur donnent les moyens de subsistance. Surtout que pour certains, pour ne pas dire la majorité, ils arrivent à la CENI, de nulle part. Donc leur statut de commissaire les propulse d’une précarité chronique à un certain confort, sans aucune forme de transition.
D’où le premier réflexe qu’un membre de la CENI développe, qui serait celui de faire en sorte de rester le plus longtemps possible au sein de l’institution. Ce qui fait qu’il n’éprouve aucune difficulté à choisir entre l’indépendance que lui confère le statut de commissaire, et le fait de saisir l’opportunité de sortir de la pauvreté. La seconde option prend le dessus de façon quasi-automatique.
Il faut manger d’abord. Le devoir républicain de servir la nation vient après. Même le sentiment de redevabilité vis-à-vis des partis mandataires est en réalité relégué au second plan. L’appât du gain est trop attirant pour que le choix soit cornélien.
Ainsi, conscients de cette forte tentation chez leurs collègues, selon certaines indiscrétions, les présidents qui se sont succédé à la tête de la CENI en ont fait un moyen pour faire fléchir certaines positions ou une arme pour abattre les rares qui opposent une certaine résistance.
Et dans leur majorité, ces derniers, y compris les commissaires venus de l’opposition, tombent dans le piège. C’est ainsi que certains droits comme les véhicules de fonction, les missions à l’étranger et certaines activités primées sont confondus à des privilèges.
Dans le même sillage, les marchés de prestations entrent en jeu. Poussant des commissaires à oublier momentanément leur serment. Et à se livrer à une sorte de course à l’enrichissement, avec des procédures de passation de marchés sur fond de surfacturation et de corruption…
Des implications financières et matérielles avec des ramifications et répercussions qui rendent impossible l’indépendance de l’organe guinéen de gestion des élections dans sa forme actuelle.