« Nous avons un potentiel économique attractif qui se prête à l’économie marchande où il est possible d’investir et tirer de l’argent…»
L’ancien argentier du pays, Ibrahima Kassory Fofana, ministre d’État chargé des investissements et de l’établissement des partenariats public-privé et président du Conseil Présidentiel des Investissements et des Partenariats-Public-Privé, a accordé une interview paru dans le journal Madina Men. Dans cette longue interview, il porte un éclairage sur l’actualité économique de notre pays. Entre autres sujets abordés dans l’entretien, les résultats tangibles obtenus par suite de l’efficacité des PPP à travers notamment, le bouclage du financement pour la réalisation des projets hydroélectriques Kaleta, Souapiti et Amaria, la relance de l’usine Friguia-RusAl, le démarrage du projet Dian-Dian ainsi que d’autres enjeux national et stratégique pour la Guinée. Lisez !
Madina Men : Mr le Ministre d’Etat, quels sont les éléments contextuels qui ont prévalu à la prise en compte et surtout à la mise en œuvre de l’approche PPP (Partenariat Public Prive) en Guinée ?
« La Guinée a par exemple un secteur minier varié, un sous-sol riche, un sol fertile…. un potentiel énorme qui se prête à l’investissement privé. Les capitaux étrangers et internes y trouvent des opportunités d’investir directement…»
Kassory Fofana : Les éléments contextuels qui ont prévalu à la prise en compte des PPP en Guinée ne peuvent se comprendre si nous ne prenons pas en compte les grandes aspirations du pays en matière de développement économique. Pour y répondre, des ressources financières considérables sont nécessaires alors même que les modalités de financement du développement sont en train de changer au niveau mondial.
L’environnement mondial a changé avec la montée en puissance des firmes transnationales dont la puissance de frappe financière est supérieure aux Etats et aux institutions financières traditionnelles. De sorte que l’espace économique mondial est structuré par leurs activités et les flux d’investissement dictés par leurs stratégies d’implantation. De cette manière, elles sont devenues les créanciers du tiers monde parce qu’à la recherche des opportunités d’investissements.
Ce contexte change tout pour les Etats en matière de financement de développement. Le vieux modèle centré sur l’aide publique au développement et le financement des besoins restants par la dette extérieure laisse donc de plus en plus la place à un cadre dans lequel l’accent est davantage mis sur la mobilisation des ressources via les Partenariats Public Privé et les investissements privés.
A cette évolution singulière des modalités du financement, s’ajoute l’environnement interne (local) reflété par la structure de notre économie nationale. Nous avons un potentiel économique attractif qui se prête à l’économie marchande où il est possible d’investir et tirer de l’argent.
La Guinée a par exemple un secteur minier varié, un sous-sol riche, un sol fertile…. un potentiel énorme qui se prête à l’investissement privé. Les capitaux étrangers et internes y trouvent des opportunités d’investir directement.
Mais pour sceller ces opportunités d’investissements, il faut garantir des conditions de sécurité permettant aux privés de s’engager. Dans un contexte local marqué par un environnement institutionnel des affaires assez fragiles, il faut donc impérativement la garantie des Etats.
« Lorsque le président de la République a souhaité ma collaboration, je lui ai tout de suite assuré de ma disponibilité à creuser l’opportunité des PPP en Guinée…»
Le mariage « Public-Privé » parait à cet égard nécessaire pour sécuriser les privés à entreprendre à investir dans des pays à risques..
Outre ces éléments de compréhension globale, je vais vous faire une confidence, lorsque le président de la République a souhaité ma collaboration, je lui ai tout de suite assuré de ma disponibilité à creuser l’opportunité des PPP en Guinée !
Depuis, j’ai fait mon bonhomme de chemin sans toucher, perturber ou créer des problèmes à l’environnement institutionnel existant. Avec le recul, il s’avère que le PPP est une expérience profitable à la Guinée : notre exemple est suivi par les autres pays. De plus, quand tu regardes le flux des investissements en Guinée, ce n’est pas l’aide internationale qui finance l’économie, qui booste la croissance économique de ce pays, c’est plutôt le PPP !
Madina Men : Une question d’ordre stratégique par rapport au positionnement, des attributions de votre département qualifié de ‘’super ministère’’. Vos relations en termes d’harmonisation et de coordination dans la mise en œuvre des projets PPP avec les services des départements sectoriels. Il semble que vous « gérez » le gros lot du portefeuille des projets PPP. Comment ça se passe concrètement ?
« Notre positionnement dans l’appareil présidentiel est stratégique…»
Kassory Fofana : Le Conseil Présidentiel des Investissements et des Partenariats-Public-Privé que je préside n’a pas vocation à se substituer au gouvernement dans la mise en œuvre des programmes de développement. On ne gère rien ! On recherche pour le pays les opportunités d’investissements ; puis, on facilite aux investisseurs le travail en réduisant le circuit administratif. On met ensemble les acteurs afin de finaliser les dossiers plus rapidement. L’économie du temps est pour moi une priorité parce que ça coupe un peu la corruption.
A cet égard, notre positionnement dans l’appareil présidentiel est stratégique…C’est un plus, il permet de pouvoir réunir et parler avec différents acteurs y compris les départements sectoriels. Mais, je n’ai rien comme portefeuille que je gère moi-même. Je refuse de gérer quoi que ce soit, il appartient aux ministères techniques de gérer leurs affaires dans la conception et la mise en œuvre des projets.
Madina Men : Revenons sur ce portefeuille, vous êtes venus apporter un souffle nouveau à ce secteur stratégique du PPP. Mais à votre arrivée, quel était le constat et aujourd’hui, comment se porte le portefeuille, le volume des investissements, les projets en terme chiffré afin qu’on puisse se faire une idée ?
« En termes d’investissement avec la Chine, c’est un volume de 22 à 23 milliards dollars us globalement que nous avons à gérer sur le long terme…»
Kassory Fofana : Quand je suis venu, mon expérience des affaires internationales m’a permis de constater que le pays était encore tributaire de l’aide publique traditionnelle notamment avec la Banque Mondiale, le FMI (fonds monétaire international), l’UE (Union européenne), les bilatéraux. J’ai proposé au président et il a accepté, qu’il m’aide à travailler sur la diversification des partenariats afin que le pays s’oriente vers les Pays émergents ‘’BRICS’’ notamment la Russie, la Chine, le Brésil et l’Inde.
Ce choix s’expliquait par le fait que le centre de gravité de l’économie s’est déplacé vers ces pays. Il y’avait nécessité de réorienter la coopération vers ces pays avec un focus spécial sur la Chine et la Russie. Après deux ans de contacts soutenus avec ces pays, les résultats sont au rendez-vous.
Avec la Chine, nous avions conclu un package de 20 milliards de dollars négocié hors Souapiti au titre d’un cadre de coopération stratégique sans compter l’aide publique directe du gouvernement chinois en faveur de l’agriculture, du sport, de l’éducation etc. De sorte qu’en termes d’investissement avec la Chine, c’est un volume de 22 à 23 milliards dollars us globalement que nous avons à gérer sur le long terme.
Vous prenez la Russie, on a pu créer les conditions du redémarrage de l’usine de Fria, on a pu accélérer le processus de mise en exploitation de Djan-djan. Tous ces 2 projets démarreront en termes d’exploitation en 2018.
Madina Men : Parlez-nous de ce montage technique typiquement PPP dont le projet de barrage hydro électrique de Souapiti est (dit-on souvent) un modèle. En quoi c’est un modèle qui mérite d’être cité ?
« On a créé 2 compagnies. D’abord, Kaleta qui a été financé par la Guinée avec des emprunts de l’Etat. On s’est servi de ça pour créer une entité parapublique où l’investisseur chinois a pris des actions à hauteur de 49% dans Kaleta. Et 49% de ventes des actions de Kaleta ont permis à la Guinée de libérer ses 51% dans le capital de la joint-venture Souapiti. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un investissement d’un milliard cinq cent millions de dollars us (1.500.000.000) dont 85% devraient venir des actionnaires… »
Kassory Fofana : Le projet Souapiti est un modèle de montage technique unique ! Il constitue de mon point de vue une expérience unique en Afrique, même pour les Chinois. Il n’a coûté à ce jour en terme de débours pas un centime au gouvernent guinéen.
On a construit le modèle en tenant compte du potentiel existant. Des actifs énergétiques comme Kaleta ont été mis en portefeuille. Ce qui a servi de véhicule à la Guinée d’attirer le partenaire chinois à prendre des actions dans une nouvelle JVC (joint venture) Kaleta. L’argent de cette vente d’actions a servi à la Guinée de libérer sa côte part dans la JVC de Souapiti ; côte part nécessaire à la mobilisation du financement extérieur en termes d’emprunts.
En terme clair, on a créé 2 compagnies. D’abord, Kaleta qui a été financé par la Guinée avec des emprunts de l’Etat. On s’est servi de ça pour créer une entité parapublique où l’investisseur chinois a pris des actions à hauteur de 49% dans Kaleta. Et 49% de ventes des actions de Kaleta ont permis à la Guinée de libérer ses 51% dans le capital de la joint-venture Souapiti. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un investissement d’un milliard cinq cent millions de dollars us (1.500.000.000) dont 85% devraient venir des actionnaires.
Mais le plus intéressant dans ce montage est qu’à la fin, en terme de dette publique, c’est la société JVC Souapiti qui fera face au service de la dette, ce n’est pas le gouvernement. Le gouvernement donnera simplement la garantie souveraine pour l’emprunt d’Exim Bank de la Chine. Un emprunt qu’on doit signer dans les semaines ou mois à venir pour compléter le financement du projet. Mais déjà, ce projet est préfinancé par le partenaire chinois, en attendant qu’on obtienne l’argent de l’Exim Bank Chine. Vous avez suivi à la télé, les images de ce grand chantier dont le préfinancement a atteint déjà 350 millions de dollars sur le fonds des chinois.
Madina Men : C’est cette approche pilote de montage dans Souapiti que vous allez mettre dans le projet d’Amaria ?
«…Amaria, c’est 100% privé chinois…»
Kassory Fofana : Non, Amaria c’est différent ! Amaria c’est l’attraction de l’investisseur privé chinois. A titre de rappel, l’investisseur chinois dans Souapiti est une entreprise publique gouvernementale chinoise. Quant à Amaria, c’est 100% privé chinois. Les investissements dans Amaria, du point de vue PPP couvrent autant l’énergie que les chemins de fer, les industries, etc….Nous parlons d’un pacquage de 10 milliards de dollars américains globalement d’un investisseur privé. Voilà ce que les PPP apportent à la Guinée (rire !).
Madina Men : Au regard de ces projets (extrêmement importants) mais au financement faramineux et innovants, sans engagements du ministère des finances encore moins issu de l’aide publique au développement, de l’appui du l’UE, du FMI ou de la Banque Mondiale, on n se pose la question quant à la capacité d’endettement et de remboursement du pays. Qui va rembourser ? Comment on va faire pour rembourser et les garanties de l’Etat ?
« Amaria, c’est 100% privé. En revanche, dans le cas du projet public Souapiti, c’est le gouvernement qui assure la garantie souveraine…»
Kassory Fofana : Si vous prenez Amaria, les 8 à 10 milliards de dollars américains dont on parle sont entièrement privés. Par conséquent, le risque financier est pour l’investisseur, le gouvernement n’à rien à voir, si le projet échoue.
En revanche, dans le cas du projet public Souapiti, c’est le gouvernement qui assure la garantie de dernier ressort, celle souveraine. Mais elle n’est que facultative car le projet est viable, sa rentabilité est démontrée par des études de faisabilités crédibles. La garantie émise par le gouvernement n’est exercée qu’au cas où les choses vont mal, et dans ce cas précis les risques sont infinitésimales. Car, le plan de remboursement est gagé sur la rentabilité d’ensemble du projet .
C’est la raison pour laquelle, l’investisseur chinois prend le risque de prendre sur son compte la gestion de cet outil et de rembourser le service de la dette, en lieu et place de la Guinée.
Aussi, d’un point de vue commercial, l’énergie produite par les différents barrages ne se reposent pas seulement sur le marché guinéen, il y a le marché du voisinage (le Sénégal, la Gambie, la Guinée Bissau, etc.). Donc, ce sont par définition des projets hautement rentables.
Le plus intéressant dans cette affaire, c’est que ces réalisations, dans 25 voire 30 ans ont vocation à retourner dans le patrimoine national. Le tout revient à la Guinée à 100%. Voilà le PPP !
Madina Men : Concernant l’accord-cadre des 20 milliards de dollars avec les Chinois qui a défrayé la chronique de l’actualité, vous aviez promis des éclairages aux députés et aux Guinéens sur les contours de ce montage financier PPP. Expliquez-nous les détails concernant ce montage et surtout les modalités de remboursements ?
« Ce qui est inédit, c’est qu’à travers cet accord cadre, on crée des sources de richesses, donc de croissances qui permettent à la Guinée de faire face à ses dettes, sans recourir à ses ressources traditionnelles…»
Kassory Fofana : Toutes les dispositions ont été prises pour transmettre l’accord cadre à la représentation nationale. En ce qui concerne les remboursements, ils relèvent de la responsabilité du gouvernement qui va s’assurer de la viabilité économique du projet avant tout financement. Ce qui est inédit, c’est qu’à travers cet accord cadre, on crée des sources de richesses, donc de croissances qui permettent à la Guinée de faire face à ses dettes, sans recourir à ses ressources traditionnelles. On a encouragé les Chinois à investir dans les mines. Ils vont investir et nos royalties sur leurs exploitations, c’est-à-dire la part de taxe qui revient à la Guinée va nous permettre de rembourser les services de la dette créée par ces 20 milliards de dollars américains. La mouture de l’accord cadre est dans le circuit pour être transmise par voie officielle au secrétariat de l’assemblée nationale, comme promis.
Madina Men : L’autre question majeure qui revient souvent, c’est la capacité d’absorption. Vous avez eu une belle mention avec le PNDES (plan national de développement économique et social) à Paris (21 milliards d’euros). Si on ajoute les 20 milliards chinois, ça fait 41 milliards d’euros d’intension de financements. Sauf qu’on se plaint de cette capacité d’absorption, pointant du doigt, l’administration publique. Des reformes étaient en vue notamment, la mise en place de ce grand cabinet d’études ? Où en sommes-nous ?
« Dans 2 à 3 ans au plus, la Guinée aura une grande expertise jeune en mesure de formuler des projets à l’interne…»
Kassory Fofana : Oui ! C’est fait, on a transformé l’institution ACGP (administration et contrôle des grands projets) en Bureau Central des Projets. A date, 25 jeunes guinéens hautement qualifiés, recrutés sur le marché privé sont en formation en Côte d’Ivoire. J’avais été en Côte d’Ivoire, où j’avais négocié ce partenariat. Dans 2 à 3 ans au plus, la Guinée aura une grande expertise jeune en mesure de formuler des projets à l’interne. Et pour des projets de petites et moyennes tailles, on sera en mesure de faire les études de faisabilité complète.
Mais en attendant que cela soit effectif, on continue de s’appuyer sur l’expertise internationale notamment les cabinets privés d’ingénierie pour chaque projet.
Par exemple, lorsque vous prenez la voirie de Conakry, la construction des routes, il y a un cabinet français EJIS qui est en rapport avec le ministère des TP (travaux publics). Pour l’ACGMP (administration et contrôle des marchés publics), un cabinet chinois définit le contenu des programmes. Il appartient à ce cabinet, de suivre techniquement l’exécution de ces projets et d’attester de la sincérité des factures, de les présenter à l’administration financière pour être expédier à qui de droit.
A la différence des anciennes structures similaires, ces bureaux de contrôle sont complètement autonomes et responsables de la qualité des prestations chinoises et de leurs factures. Ces bureaux de contrôle des projets constituent un cadre approprié pour acclimater cette première génération de jeunes guinéens professionnels sur les chantiers. Des jeunes formés dans le domaine de l’ingénierie technique à l’image de ceux qu’on avait emmenés au Burkina Faso (en formation) lorsque j’étais ministre des Finances dans le domaine financier. En ingénierie, nous aurons une nouvelle génération de jeunes guinéens capables de prendre les choses en mains et de résoudre le problème de capacité d’absorption
Madina Men : Sur le plan juridique et institutionnel, où en-est-on avec la loi-cadre sur le PPP ?
« Les PPP, c’est un pacquage… »
Kassory Fofana : La loi PPP est passée à l’assemblée. On est maintenant au stade de sa mise en œuvre. C’est une loi qui a plusieurs composantes : développer les capacités internes, reformer les institutions, simplifier la règlementation, améliorer la gouvernance, notamment le dialogue avec le secteur privé. Il faut que les Guinéens apprennent de plus en plus à écouter le secteur privé dans la définition des stratégies, des politiques et des programmes de développements. Les PPP, c’est un pacquage !
Madina Men : Depuis plus de 3 décennies, on s’entend qu’après le désengagement de l’Etat que le secteur privé joue pleinement son rôle de « moteur de croissance de créations d’emplois ». Nonobstant les investisseurs étrangers, les privés guinéens trainent toujours les pieds. Alors, que faire avec l’approche PPP pour rendre davantage compétitif le secteur privé local et l’aider à faire face à cette forte demande qui arrivera dans les 5 à 10 prochaines années ?
« La capacité humaine demande à la fois qu’on investisse dans la formation et l’ouverture du pays vers sa diaspora qui a acquis de bonnes habitudes qu’elle peut mettre à la disposition du pays…»
Kassory Fofana : Nous sommes en train d’adresser les contraintes qui freinent le secteur privé. La loi PPP s’attaque aux contraintes institutionnelles et règlementaires. La loi sur le PPP améliore le cadre d’intervention des institutions en charge des programmes de développements en concertation avec le privé. Ça améliore globalement le cadre juridique et institutionnel du pays. Mais la capacité humaine, c’est la question de la formation et des compétences.
Elle demande à la fois qu’on investisse dans la formation et l’ouverture du pays vers sa diaspora qui a acquis de bonnes habitudes qu’elle peut mettre à la disposition du pays.
A côté de cette contrainte de ressources humaine, se pose aussi et surtout la contrainte financière. Comment accéder aux crédits ? Cette question pose nécessairement le débat sur la nécessité d’un cadre macroéconomique sain. Quand tu es dans un pays où l’inflation est à 2 chiffres, tu ne peux pas espérer développer le secteur privé interne parce que si l’inflation est au-dessus, ça signifie que les banques ne peuvent pas prêter à moins de 10% à 12%. Alors, quel est l’investissement (en dehors du commerce) qui peut supporter un remboursement à 15% ou 20% ? C’est impossible ! Sauf le commerce. Cette situation décuple les contraintes de crédit pour le secteur privé. C’est la raison pour laquelle l’assainissement du cadre macro est nécessaire pour que le coût de l’argent, soit le plus faible possible pour faciliter l’accès aux crédits
De plus, les initiatives en matière d’amélioration du climat des affaires doivent être accentuées de mon point de vue. Déjà, les efforts déployés dans le cadre de l’amélioration du classement du pays dans le rapport « Doing Business » atteste du travail opéré à ce niveau. Mais en dépit de ces efforts, le pays tarde à engranger les dividendes de cette politique du fait de la persistance de la corruption, de la lourdeur administrative, des tracasseries de tous genres, qui ont la vie dure et qui entravent l’attractivité du pays.
Mais le président de la République par son action bouscule les vieilles habitudes, et pousse directement d’aller vers les objectifs. C’est pour cela qu’on dit que la présidence est forte car beaucoup de choses s’y négocient. Résultat de cet activisme : La Guinée a gagné des places dans le « Doing Business ». Il est bien classé parmi les pays réformateurs du monde. Cela veut dire que les choses bougent…
« Quand tu n’as pas un environnement sain, tu ne peux pas avoir un secteur privé dynamique…»
Il y a enfin le système judiciaire. On est loin, très loin d’avoir réussi le pari. Même si quelques jalons sont placés, nous avons encore un système judiciaire qui laisse à désirer en termes de corruption. Tout ça, c’est un ensemble…C’est sur la durée qu’on les corrige. Tout est lié ; quand tu n’as pas un environnement sain, tu ne peux pas avoir un secteur privé dynamique. Sans cadre macro viable on ne peut pas promouvoir une croissance interne forte. C’est impossible ! Donc les difficultés sont réelles.
Madina Men : Justement, tout le cadre que vous décrivez avec ces gros PPP soulève la problématique du contenu local pour des privés guinéens très peu préparés. Comment s’y prendre efficacement ?
« La Guinée n’offre pas encore la qualité des services requis…»
Kassory Fofana : Ces gros investissements PPP ont justement comme avantage d’ouvrir à des possibilités de sous-traitances dans le cadre du contenu local. On y va lentement, c’est pour cela que dans les reformes, j’étais de ceux qui ont refusé que nous fixions des seuils à chaque marché dans le contenu local. La Guinée n’offre pas encore la qualité des services requis. Il faut que les Guinéens apprennent, forment des structure formelles en terme de société, qu’ils s’habituent aux règles de transparence afin qu’on puisse les insérer dans le tissu économique.
Madina Men : En terme de portage, est-ce que l’Etat ne pourrait pas aider ces PME (petites et moyennes entreprises) pour accéder à ces marchés de sous-traitance qu’offre le contenu local ?
Kassory Fofana Oui, c’est ce que nous faisons ! voyez-vous dans le secteur des mines, il y a tout un pan de formations actuellement qui est dispensé pour renforcer les capacités des populations et des PME. Qu’ils s’agissent des chauffeurs, menuisiers, chaudronniers, mécaniciens, etc…Il faut préparer la main d’œuvre guinéenne pour faire face à ce nouveau défi.
Madina Men : Mr le ministre d’Etat, avec ces gros volumes d’investissements drainés par ces projets PPP, quel est le regard que portent nos partenaires traditionnels notamment le FMI et la Banque Mondiale en lien avec l’équilibre du cadre macro économique ?
Kassory Fofana : Nos partenaires ne sont pas inquiets. Bien au contraire, ils sont contents que nous arrivions à impulser la croissance économique et à attirer autant d’investissements. Ce sur quoi, ils mettent l’accent, c’est de regarder avec un œil attentif, les équilibres pour ne pas que le pays qui a réussi à stabiliser l’économie, renoué avec la stabilité macroéconomique retombe dans les ténèbres du passé.
Madina Men : On sait que le pays sort de l’initiative PPTE, donc dans l’obligation d’avoir un endettement sain. Nos partenaires n’étaient donc pas inquiets, par rapport à notre solvabilité, la nouvelle capacité d’endettement ?
Kassory Fofana : Non ! Si on compare notre pays à nos voisins immédiats, la solvabilité ou la soutenabilité de notre dette extérieure est de loin en meilleure position que les autre pays de la sous région. C’est une évidence. On a de la marge qu’on a utilisée pour l’insérer dans le pacquage chinois.
Madina Men : En termes de perspectives, qu’est-ce qui se profil à l’horizon. Parce que pour le guinéen lambda, tous ces gros montants annoncés n’impactent pas son quotidien. Alors, demain sera-t-il meilleur ?
« La Guinée démarre peut être lentement mais sûrement…»
Kassory Fofana : Ecoutez, en économie juste à date, les indicateurs pour comparer ou pour juger des performances économiques, c’est le taux de croissance économique. C’est ce qu’on a appris à l’école. Alors, est ce que l’économie guinéenne s’accroît ? La réponse est oui ! Est-ce qu’elle génère de l’emploi ? La réponse est oui ! Même si cette création d’emplois n’est pas en corrélation avec les besoins d’emplois. Quand tu fais face à un pays qui est au-dessus des 40% de taux chômage et que tu as une croissance de 6 à 7%, ça ne se ressent pas.
Concrètement, le projet Souapiti, c’est plus de 1000 ouvriers aujourd’hui, 2000 demain. Quand tu prends le projet Amaria et tout le pacquage, on attend plus de 3000 à 4000 mille emplois. Avec la reprise de Fria, il y a plus 800 emplois dans cette phase de construction. Dans le projet de Russal à Dian-Dian, ce sont plus de 1000 emplois qui sont projetés.
Les 10 à 15000 emplois créés, comparés à une centaine ou de milliers d’attentes d’emplois, l’offre d’emploi demeure insuffisante par rapport à la demande colossale.
Je comprends donc les problèmes que rencontrent nos compatriotes. Je ne suis pas en train de me taper la poitrine pour dire que tout est réglé. Mais, je suis persuadé que la Guinée démarre peut être lentement mais sûrement ! Peut être insuffisamment mais certainement. Voilà le langage d’optimisme et de foi en l’avenir que je voudrais délivrer à l’endroit de chacun et de tous !
Interview realisée par Ibrahima Ahmed Barry, journaliste consultant pour Madina Men, partenaire de Guinéenews©