Suivre les cours à l’université Général Lansana Conté de Sonfonia n’est pas chose facile, du moins en cette période de la rentrée universitaire. Les effectifs pléthoriques en ce mois de novembre constituent un véritable problème, obligeant les étudiants à suivre les cours debout ou dans les couloirs. Par manque de table-bancs, c’est à même le sol que les étudiants prennent les cours ou parfois à coude-à-coude dans les rangées. Les derniers arrivés se casent sous les premières tables ou sont relégués sur les dernières marches de la salle. La situation dans cette université n’est pas reluisante depuis l’ouverture.
Créée en 2005 par l’arrêté no 2005/104/MESR/CAB/DRH/ sous l’appellation Université des Sciences Humaines-Juridiques et Economiques de Sonfonia-Conakry et rebaptisée plus tard du nom du 2è Président de la République de Guinée, l’Université Général Lansana Conté qui compte quatre facultés devrait accueillir en temps normal 23.000 étudiants pour décongestionner l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. Mais hélas ! Treize ans après, cette université à chaque rentrée, est plus surchargée que prévue. C’est vrai. Des grands espoirs des années 2000, beaucoup n’ont pas été déçus. L’institution a vécu, s’est développée, n’a cessé d’affirmer son autorité et son rayonnement. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. L’Université Général Lansana Conté de par la qualité d’enseignement, ses infrastructures attrayantes est à chaque début d’année universitaire débordée et surpeuplée.
Ainsi, le premier problème, tout au moins le plus évident, se trouve posé par le rythme, de plus en plus accéléré, de l’accroissement des effectifs des étudiants qui désirent tous fréquenter ce temple de savoir. Malgré les efforts des autorités universitaires pour canaliser ce flux d’étudiants, les amphis ne désemplissent pas. Les locaux sont devenus trop étroits, l’encadrement de plus en plus difficile, la gestion de plus en plus lourde en ce premier trimestre. Les difficultés s’accumulent, mettant à rude épreuve un personnel administratif souvent réduit dont la capacité n’est peut-être pas allée de pair avec l’augmentation numérique. Conséquence directe : les cours sont perturbés pendant les premiers mois.
Les étudiants et les enseignants désemparés
« Nous sommes plus de 200 étudiants en deuxième année. Certains camarades sont parfois obligés de prendre les cours debout tout simplement parce que les places ne suffissent pas. Nous sommes obligés de faire avec», révèle un étudiant de 2è année lettres qui sera suivi par un autre « Moi je suis au département des sciences juridiques. Après chaque cours, je fais les photocopies pour étudier. Cette méthode fait que je ne rate rien. Je suis au même niveau que ceux qui ont la chance d’avoir de la place assise pour suivre des cours ». Pour cette autre étudiante que nous avons rencontrée dans les locaux de la faculté des lettres, l’université Lansana Conté de Sonfonia est convoitée par les étudiants. Tous veulent y entrer pour étudier… Le flux d’étudiants que reçoivent cette université publique, crée la surcharge dans les salles de cours. « Ces trois dernières années, l’université Général Lansana Conté est débordée. Il y a plus d’étudiants que de places. Je ne sais pas… Mais tous les étudiants courent vers cette université. Tout le monde veut y avoir accès. Et cela pose des problèmes», ajoutera cette étudiante en économie.
Même son de cloche au niveau des enseignants qui ne savent plus que faire face à cette réalité. « Ces derniers temps, la rentrée est compliquée dans notre université qui accueille subitement plus d’étudiants que prévu. Regardez ! Certains n’ont même pas de place pour suivre les cours. Mieux vaut arriver en avance dans cet amphithéâtre pour espérer avoir la place assise…Il y a beaucoup de monde debout. C’est dommage ! Et ça dure assez longtemps. En rentrée universitaire encore, la faculté des lettres a accueilli un nombre d’étudiants plus que sa capacité. Ça commence à être récurent et problématique. Il y a moins d’enseignants et de locaux pour accueillir ce flux d’étudiants qui nous assaillent chaque année en cette période. Cette année par exemple, il y a environ 20% d’étudiants en plus », précise Alpha M. D. professeur au département des sciences juridiques avant de continuer : « Cela fait maintenant quelques années que nous constatons ces effectifs pléthoriques dans les amphithéâtres en pareille période. Près de 5.000 étudiants pour seulement 4.500 places assises prévues. C’est dommage la situation que nous vivons en ce moment », regrettera-t-il avant de s’interroger. « Quel avenir se dessine pour notre université et nos étudiants ? Quelles solutions pour sortir de ce cycle infernal dans lequel nous vivotons à chaque rentrée universitaire ?»
A l’université Général Lansana Conté de Sonfonia, et les étudiants et les enseignants désemparés s’interrogent. Pour ces acteurs de l’éducation, l’enseignement supérieur a quelques problèmes de réglages. Il est confronté à de sérieuses difficultés au niveau des orientations. Les étudiants sont encore réticents pour aller à l’intérieur du pays. Tous veulent rester à Conakry. Et plus particulièrement à l’université Général Lansana Conté de Sonfonia. Notre interlocuteur conclura en interpellant les gouvernants. «Pour l’heure, l’enseignement supérieur interpelle fortement parce que la situation y est inquiétante. Les effectifs pléthoriques dans les amphithéâtres de cette université à chaque début d’année, nous perturbent des cours pendant au moins deux mois. C’est un sujet qui doit préoccuper nos autorités. L’avenir du pays en dépend. Et si on n’y prête pas attention, attendons-nous aux conséquences désastreuses ».
Que disent les autorités du ministère de l’Enseignement Supérieur ?
Rencontré, le Recteur de l’Université Général Lansana Conté, le Pr Ahmadou Oury Koré Bah, explique cette situation par le fait que certains étudiants affectés dans les autres universités refusent d’y aller. Ils préfèrent s’inscrire à Sonfonia. En attendant donc d’être acceptés, ils s’introduisent dans les amphithéâtres. « A chaque rentrée universitaire, nous sommes confrontés à ce problème…Vous savez, les nouveaux étudiants orientés dans les autres universités, plus particulièrement à l’intérieur du pays, n’acceptent pas d’y aller. Ils veulent rester à Conakry à Sonfonia. Dès l’ouverture donc, ils se précipitent ici pour négocier leur inscription. Et au lieu d’attendre s’ils ils seront acceptés ou pas, ils vont tout droit dans les amphithéâtres pour suivre des cours. Ainsi dans les salles vous constatez la présence et de ceux qui sont orientés, c’est-à-dire qui sont sur la liste du ministère et ces étudiants veulent coûte que coûte s’inscrire pour ne pas aller là où ils sont orientés. Nous avons pris des dispositions pour les extirper du lot. Nous avons sur notre liste 4.500 étudiants orientés dans notre université. Ce sont eux là qui resteront. Pas plus », tranche Pr Ahmadou Oury Koré Bah.
A la question de savoir pourquoi tous les étudiants veulent s’inscrire à Sonfonia, pense que c’est parce que l’université Général Lansana Conté a de meilleures options et de meilleurs professeurs. « Nous avons les meilleures options et les meilleurs enseignants dans notre université. Tous les parents souhaitent voir leurs enfants étudier ici…Mais nous sommes sereins. Nous n’accepterons pas d’inscrire un étudiant qui n’est pas orienté ici. La semaine prochaine (à partir de ce lundi 18 novembre Ndlr), les effectifs seront dégonflés. Nous allons faire le tri. Nous allons vérifier à partir de la liste du ministère. On ne se laissera pas influencer par qui que ce soit. Les dispositions sont déjà prises», insiste Pr Oury Bah.
Au ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, les langues se délient. Dans les couloirs de l’immeuble KPC à Almamya, dans la commune de Kaloum, on apprend que ce dossier concernant le nombre pléthorique des étudiants dans les amphithéâtres est pris au sérieux. Les dispositions seraient en train d’être prises pour résoudre une fois pour tout cet épineux problème. « Le ministère est au courant du flux d’étudiants qui se ruent sur Sonfonia. Tout le monde sait que cette université ne peut pas absorber la quantité d’étudiants qui s’y présentent chaque mois d’octobre ou novembre. Les efforts sont en train d’être faits. Et l’Etat continuera dans ce sens pour améliorer la situation. Mais je vous apprends que partout dans les universités en Afrique et même dans certaines d’Europe, c’est le même problème. Les amphithéâtres sont surchargés. Ce n’est pas seulement la Guinée. De toutes les façons, le ministère est conscient de cet état de fait », rassure A. Cissé, un cadre rencontré au rez-de-chaussée de l’immeuble KPC où siège actuellement le ministère. Il a accepté de parler sous le couvert d’anonymat pour éviter la colère de ses chefs hiérarchiques. Selon lui, il n’a pas reçu l’ordre de parler aux journalistes.
Les responsables de l’Université Général Lansana Conté, selon leurs dires, sont à chaque rentrée universitaire confrontés à ce problème. Ils font face à chaque fois, aux étudiants attirés par les infrastructures y compris la qualité de l’enseignement et les parents qui refusent de voir leurs enfants partir étudier loin d’eux.