L’industrialisation galopante impacte de nombreux secteurs d’activités et les forgerons de la commune urbaine de Labé ne font pas exception. Autrefois incontournables dans les cuisines, les marmites traditionnelles peinent aujourd’hui à rivaliser avec les modèles industriels. Comment ces artisans s’adaptent- ils à cette nouvelle réalité ? La rédaction locale de Guinéenews est allée à leur rencontre.
Basés essentiellement à Sassé (secteur du quartier Mairie), en plein cœur du centre urbain de Labé, les forgerons et plus précisément ceux qui sont spécialisés dans la fabrication de marmites traditionnelles se font de plus en plus rares en moyenne Guinée. Néanmoins, la famille Kanté tente tant bien que mal à perpétuer ce savoir-faire ancestral.
Longtemps prisées pour leur robustesse et leur capacité à mieux conserver la chaleur, ces marmites sont aujourd’hui en perte de vitesse, face à la concurrence des marmites industrielles, souvent électriques ou mécaniques. Une évolution qui met à mal le métier de forgeron. « Les femmes préfèrent ce qui est joli, même si ce n’est pas solide. Mais d’autres préfèrent ce qui est résistant pour ne pas acheter tous les jours. Si vous prenez les nouvelles marmites, c’est vrai qu’il s’agit de marmites électriques mais ce n’est pas toutes les femmes qui savent s’en servir. C’est nos marmites qu’elles connaissent, car avant, c’est des marmites en terre cuite qu’elles utilisaient » rappelle Mamadou Samba Kanté.
Ce constat est partagé par El hadj Thierno Amadou Daka Diallo, le président de la chambre régionale du commerce, de l’industrie et des PME, qui estime que les artisans doivent innover pour s’adapter à la demande actuelle. « Il faut toujours bien faire son travail et se démarquer dans son secteur d’activité. Je vais vous donner un exemple : récemment j’étais à Dakar où j’ai croisé des forgerons de marmites. Ce n’est pas parce qu’il y a des marmites électriques en Guinée plus qu’au Sénégal ; mais c’est juste le travail qui est en train de faire la différence. Donc, ce que je vais conseiller aux forgerons de marmites de chez nous c’est de faire très bien leur travail en meulant bien, en limant et polissant très bien les marmites. S’ils font très bien, même si les gens achètent des marmites électriques, les forgerons aussi vont vendre sans difficulté » estime le président de la chambre du commerce.
Malgré tout, de nombreuses ménagères comme madame Binta Bobo Bah continuent d’utiliser ces marmites locales, faute de moyens ou par attachement à leur efficacité. « Moi j’ai toujours les marmites traditionnelles et c’est ce que j’utilise actuellement. Mais dès que j’ai les moyens je vais acheter les marmites électriques pour me reposer aussi. Vous savez, les marmites électriques facilitent beaucoup le travail. Il n’y a pas de nettoyage et ça réduit beaucoup les dépenses » souligne-t-elle.
De leur côté, les forgerons s’accrochent à leur métier, un savoir-faire transmis de génération en génération. « C’est mon métier depuis le temps de Sékou Touré. Depuis que j’ai abandonné l’école en 1962 à nos jours, c’est mon unique métier. Mais l’écoulement de nos produits est beaucoup ralenti actuellement. Avant la vente était très fluide, mais de nos jours, tu peux traîner longtemps avec une marmite avant de trouver un preneur. La clientèle se fait rare » ajoute Mamadou Samba Kanté.
Les marmites modernes sont majoritairement importées, accentuant la dépendance du pays aux produits étrangers. Pour préserver et valoriser le savoir-faire local, l’État devrait investir dans la formation des artisans et le développement du secteur.
Une initiative qui permettrait, non seulement de préserver un pan du patrimoine culturel guinéen, dynamiser l’économie locale, mais aussi, de réduire les importations et la consommation du courant électrique.