El hadj Ibrahima Baldé, collégien de 23 ans, a rejoint sa dernière demeure ce vendredi 19 octobre 2018 au cimetière de Bambéto, dans la commune de Ratoma. Il a été tué par balles le mardi dernier à l’occasion de la deuxième journée ville morte organisée par l’opposition guinéenne. Les éléments de la Brigade Anti-Criminalité (BAC 4) sont accusés d’avoir tiré sur l’élève de 9ème Année.
En contrepartie de la marche pacifique prévue jeudi, l’opposition a décidé d’organiser une marche funèbre ce vendredi pour Ibrahima Baldé. A la grande mosquée de Bambéto, où s’est tenue la prière mortuaire après celle du vendredi, il y avait du monde. D’un côté, il y a des femmes qui pleurent, meurtries par le nième meurtre du jeune, de l’autre, des jeunes révoltés par les nombreux « assassinats » de leurs amis sans qu’il une justice pour eux.
« En Guinée, la sacralité de la vie est remplacée par la banalité », lance un marcheur, rappelant de passage la Constitution guinéenne en son article 5 : « La personne humaine et sa dignité sont sacrées. L’Etat a le devoir de les respecter et de la protéger… »
Pour les partisans de l’opposition, cet article est quotidiennement « violé » par l’Etat guinéen, car « nous avons perdu 96 collègues depuis le 3 avril 2011 ». Plus loin, un autre tient une pancarte sur laquelle il est écrit : « J’ai droit à la vie ». Il s’écrie : « Pourquoi nous tuent-ils comme des poulets ? »
Avant l’arrivée de Cellou Dalein Diallo au cimetière, un jeune, perché sur un minibus, tente d’encourager les militants de l’opposition de sortir manifester le mardi prochain. Mais il a été tout de suite arrêté par un autre : « Celui qui nous parle de mardi ici on va finir avec lui. La manifestation commence tout de suite. Moi, c’est mon fils (son neveu, ndlr) qu’on enterre ici aujourd’hui. » Le responsable d’un mouvement des jeunes de l’axe Hamdallaye-Kagbelen soutenant l’UFDG, le console tout en lui demandant ne pas se laisser emporter par la colère.
Un autre jeune se montre plus vexé, et dénonce une politique de Cellou Dalein trop pacifiste face à la violence dont les militants de l’opposition sont victimes. « Comment est-ce qu’il (Cellou Dalein, ndlr) peut s’asseoir jusqu’on perde la mairie de Kindia ? Là-bas des gens sont allés saccager le domicile de sa belle-mère. Face à la violence, il faut la violence. »
A l’entame de son intervention, Cellou Dalein rappelle que c’est la 96ème victime depuis l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé. 96 personnes tuées, dit-il, par des gendarmes et des policiers : « C’est la 96ème personne que les gendarmes et les policiers qui sont recrutés, formés, payés, équipés pour assurer votre sécurité, se permettent d’abattre. »
Puis il qualifie le régime d’Alpha Condé d’impitoyable et demande à ses ùilitants de poursuivre la lutte : « Nous sommes dans un régime impitoyable qui tue ses citoyens. Il faut qu’on continue à lutter pour faire partir Alpha Condé parce qu’il n’est pas digne de la fonction présidentielle. On veut un président de tous les Guinéens, qui assure leur sécurité, qui respecte leur dignité, qui trouve du travail pour sa jeunesse et qui travaille pour l’unité et la fraternité du peuple de Guinée. Alpha Condé veut transformer les contradictions politiques en contradictions ethniques. Les Guinéens ne l’accepteront pas. Nous sommes des frères. Nous sommes tous des Guinéens. Nous refusons la division. C’est la division pour régner qu’Alpha Condé est en train d’instaurer. Je vais vous demander de rester mobilisés pour le mardi. Aujourd’hui, c’est un jour de deuil. »
Manifester mardi ? Les jeunes ne veulent pas en entendre parler. Ils estiment que mardi, c’est trop loin : « Non ! Non ! Non. Aujourd’hui ! Aujourd’hui ! »
Stoppé par ces slogans, Cellou Dalein Diallo a été obligé de changer de discours : « Alors attendez, je vais répondre. Qu’Allah accueille le défunt dans son paradis, qu’il nous éloigne de ces mécréants qui sont en train de tuer les gens. Qu’Allah éloigne Alpha Condé de nous définitivement. Qu’Allah confie les destinées du pays à celui qui en est capable, qui va protéger la jeunesse, les citoyens, etc. »
Avant même le départ de Cellou Dalein, un taximan a payé les frais de son impatience. Car, ayant forcé le passage dans une foule compacte, avant même la fin de la marche funèbre, les jeunes, déjà sur les nerfs, ont saccagé le taxi. Le chauffeur en est sorti indemne.
Pendant que le cortège de chef de file de l’opposition quittait le rond-point de Bambéto, les jeunes ont commencé à brûler des pneus, empêchant ainsi la circulation des engins roulants.