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Zone de Libre Échange Continentale Africaine : La Charrue avant les bœufs?

Aujourd’hui 07 juillet 2019 lors du sommet de l’union Africaine à Niamey, le Nigéria, célèbre membre réticent face au Zlec, a finalement ratifié l’accord par la signature du Président Muhammadu Buhari. Le Bénin, le Gabon, la Guinée Équatoriale ont également signé, ce qui porte le nombre de ratifications à 27 pays sur 55 membres de l’union Africaine.

D’après le site d’information de www.rfi.fr le Président Issoufou du Niger, hôte du sommet, aurait exprimé sa satisfaction en ces termes :

« L’entrée en vigueur de la zone de libre-échange africaine est l’évènement le plus important dans la vie de notre continent depuis la création de l’OUA et sa transformation en union africaine »

Pour président de la Commission de l’UA c’est « un rêve, un vieux rêve qui se réalise… » selon son compte Twitter.

C’est le 21 mars 2018 que 44 pays africains ont lancé la Zlec à kigali, nous rappelle Vanessa Exama, analyste en formation à l’école de politique appliquée de la faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Sherbrooke au Canada.

Dans un article publié le 7 novembre 2018 dans la revue perspectives monde intitulé : « La Zlec un accord pour une économie africaine prospère? »

Vanessa, sur l’impact attendu du ZLEC poursuit en écrivant ceci : « On estime que seulement 16 % du commerce des pays d’Afrique se fait avec d’autres pays du continent, loin derrière l’Asie (autour de 50 %) et l’Europe (près de 70 %) (3). En enlevant les droits de douane ainsi que les frais reliés à ceux-ci, on attend d’ici à 2022 une augmentation du commerce intra-africain s’élevant à 60 %. C’est ce qu’affirme Albert Muchanga, commissaire au Commerce et à l’industrie. »

Quels sont les bénéfices d’une Zone de Libre Échange à l’échelle de l’Afrique?

Théoriquement, une zone de libre échange est supposée être à l’avantage du consommateur final.

Ce dernier jouirait des effets de la diversité de l’offre commerciale à sa disposition et d’une certaine manière, bénéficier d’une optimisation des prix.

En libéralisant les échanges, les membres de l’union Africaine signataires du traité instituant la Zone de Libre Échange du Continent Africain, ont pour ambition de permettre au producteur manufacturier guinéen par exemple, d’avoir un accès au marché des pays signataires, exempt de contraintes prohibitives.

En d’autres termes, l’industriel guinéen devrait pouvoir vendre sa marchandise au Niger ou au Rwanda, sans qu’il ait à subir des droits de douanes.

Pour les entreprises africaines, la ZLECA présente une opportunité en terme de marché, de 1.2 milliards d’âmes.

D’ailleurs selon l’institut national français des études démographiques dans le cadre d’une étude publiée en septembre 2017 et rapportée par le journal Le monde  , la population africaine pourrait se situer au double de ce qu’elle est actuellement, à 2.5 milliards de personnes en 2050.

Potentiellement Donc, les entreprises africaines pourraient réaliser des économies d’échelle (production importante à des coûts moindres) en initiant des investissements importants destinés à satisfaire une clientèle exponentiellement accrue.

Si l’idée est séduisante, il n’en demeure pas moins vrai que la réalité des économies africaines présente des caractéristiques peu reluisantes, qui conduisent beaucoup d’experts économistes, à émettre des réserves sur la concrétisation rapide des bienfaits du libre-échange au niveau continental.

L’Afrique manque d’infrastructures adéquates

Le président Abdel Fattah Al Sissi n’a pas su bien dire lorsqu’il a déclaré, lors du sommet, ceci : « Il faudra lever les obstacles qui nous empêchent de parvenir aux objectifs visés.»
Oui, des obstacles il y en a. Un des plus importants demeure les infrastructures.

En considérant un pays comme la Guinée, avant que nos marchandises ne puissent atteindre le Sénégal, le Mali, le Libéria et autres pays limitrophes, inutile de dire que c’est le parcours du combattant.

Des efforts sont certes entrepris en ce moment pour réhabiliter nos routes; mais il va falloir redoubler la cadence, consacrer plus de moyens pour construire des ponts et viaducs dignes du 21ème siècle, afin d’améliorer la compétitivité de notre économie, et de nos économies africaines en général.

Il est certes intéressant de s’appuyer sur les bailleurs de fonds pour le financement des grands projets d’infrastructure. Mais les délais d’instruction des demandes de financement longs et obstrués parfois trop souvent par la faiblesse de la capacité d’absorption de nos États, rendent les choses compliquées.

Ce sont ce types de situations qui ont par exemple conduit à des retards de plusieurs années dans la concrétisation du tronçon Tombo Moussoudougou de la 2×2 voie à conakry aujourd’hui terminé depuis des années, heureusement, pour ne citer que cet exemple parmis tant d’autres.

Les budgets nationaux de développement doivent être encore davantage mis à contribution dans le cadre de projets transnationaux pour construire des autoroutes, des chemins de fers et autres ports.

Ce n’est qu’ainsi que le consommateur tchadien pourrait apprécier la saveur des ananas de Guinée.

Il y a aussi le problème des autres types de barrières non-tarifaires tels que les visas

Dans un panel récent organisé par la Mo Ibrahim foundation Governance Week End, tenu en avril 2019 à Abidjan, le Milliardaire Nigérian Aliko Dangoté, partageait avec Mo Ibrahim et l’audience, les différents obstacles auxquels le Groupe Dangoté fait face dans son expansion africaine.

À la question de savoir pourquoi avoir construit des usines de ciment dans 14 pays africains en lieu et place de 5 endroits stratégiques, posée à Aliko Dangoté par Mo Ibrahim, ce dernier a répondu qu’il y a plusieurs raisons qui ont présidées à ce choix au premier rang desquelles « La difficulté à se mouvoir… »

Monsieur Dangoté a donné l’exemple de son usine de ciment logée non loin de la ferme du Président Obasandjo à Abéokuta au Sud du Nigéria. Cette usine est à 25 km du Bénin.

Monsieur Dangoté stipule que le Bénin ne lui permet pas de vendre son ciment  sur son territoire et préfère importer de Chine. « Ce n’est pas un problème de ciment chinois moins chère que le nôtre. Le problème est ailleurs et il faudrait demander au president béninois quel est-il » .

Et Dangoté de poursuivre en affirmant que c’est l’un de ses principaux plaidoyers auprès de Vera Songwe la dirigeante de la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique basée à Addis-Abéba : « Vera pouvez-vous s’il vous plaît vous assurer que les marchés régionaux fonctionnent bien avant de se concentrer sur l’échelle du continent? »

« De nos jours, pour prendre du ciment du Nigeria au Togo, cela nous prends une semaine sur une distance d’un peu plus de 280 km environ… a cause des douanes. On dort à la frontière… à cause notamment de la corruption…»

Ces propos de l’homme le plus riche d’Afrique traduisent la réalité d’une intégration régionale en panne.

Le témoignage du terrain de Aliko a conduit Mo Ibrahim a dire que « nous parlons d’intégration économique, nous célébrons des signatures à Addis alors que concrètement, cela ne fonctionne pas sur le terrain… »

Oui c’est cela la réalité des aventures d’intégration régionales. Les barrières politiques représentent un frein important.

Pour mieux illustrer son postulat selon lequel la mise en œuvre réelle et efficace des politiques fait défaut, Monsieur Dangoté a pris l’exemple du Passeport de l’union Africaine qu’il a le privilège de détenir. Ce passeport ne lui sert pas à grand-chose car malgré son statut connu de tous, il doit prendre 38 visas sur 55 pays membres de l’union Africaine. « le passeport de l’UA m’a servi en Afrique du Sud. Mais lors d’un voyage en Angola sur invitation du Président, il a fallu qu’on me délivre un visa à l’aéroport sur mon passeport africain… » un témoignage qui a eu le dont de provoquer des éclats de rires retentissants dans la salle.

L’Afrique doit vraiment faire le saut politique afin de régler une fois pour toute le problème des visas. Dangoté a d’ailleurs partagé en ce sens un plaidoyer qu’il a fait au premier ministre malien sur la question des visas « Monsieur le premier ministre, ces gens qui créent des problèmes chez vous au Nord, pensez vous qu’ils traversent les frontières aériennes? Il n’ont pas besoin de visa pour se mouvoir de zone en zone… »

Au regard de ce qui est mentionné plus haut, il y a lieu de conditionner la réussite ultime de l’avancée politique du jour, à un surcroît d’intégration au niveau politique avec des États qui accepteraient de faire le sacrifice de certains attributs de souveraineté aux quels ils sont attachés.

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