Pour aborder ce sujet à la fois sensible et triste, mais aussi, pénible et révoltant, nous n’aurons aucun commentaire à faire. Nous nous contenterons simplement de citer des propos que nous a rapportés Dr Thierno Sadou 1 Diallo en service à la médecine légale de l’hôpital national Ignace Deen.
Ce médecin, dans l’interview qu’il nous a accordée et que nous vous proposerons, nous dit avoir été profondément marqué par la réaction d’une vieille dame qui avait, sur réquisition des services de sécurité, conduit sa petite-fille dans leur service aux fins de consultation, pour une agression sexuelle dont elle a été victime de son quartier.
Au terme de l’expertise médicale, il a été demandé à la grand-mère de payer 50 000 GNF, représentant le montant prévu par l’administration, pour ce genre de prestations.
A la requête formulée, la vieille dame a apporté une réponse des plus cinglantes, mais bien fondée et pertinente. De l’avis de Dr Thierno Sadou, c’est un genre de rhétorique qui l’a beaucoup ému et dont lui-même et ses collègues ont tiré un enseignement précis sur la problématique de la prise en charge des frais de justice. A qui revient-il de les payer ? Est-ce la victime ou l’Etat ?
Il nous rapporte ici ce que cette humble grand-mère en a dit tout haut : « Je viens chez vous pour le malheur arrivé à ma petite-fille et vous me demandez un tel montant. Où vais- je gagner cet argent ? Ce qui est sûr, je ne peux pas vous payer. D’ailleurs, je préfère arrêter là mes démarches pour ce problème. Je vais retourner à la maison pour un arrangement avec l’auteur. Je vais abandonner la plainte et exiger qu’il me donne au moins deux sacs de riz pour la famille. Comme ça, nous avons de quoi manger pendant un certain temps et je ne suis pas soumise à des paiements comme celui que vous m’annoncez là. »
A la question de savoir pourquoi une telle réaction, elle rempile : « vous aussi, vous êtes des docteurs instruits, comprenez-moi. Nous sommes des victimes et on nous traite comme des coupables. Après ce sale problème sur ma petite-fille, on nous a dit d’aller nous plaindre à la police ou à la gendarmerie. Une fois là-bas, on nous a dit de payer, nous sommes venus chez vous, vous nous dites de payer. Vous ajoutez même, que d’autres examens seront nécessaires, mais dans d’autres services. Là-bas aussi, il faut payer. En cas de procès, malgré que nous soyons victimes, il nous faudra un avocat. J’apprends que même pour saluer un de ceux-ci, il faut commencer par cinq millions. Où je vais prendre cet argent, moi, une veuve, une pauvre vieille qui ne travaille pas, qui gagne difficilement de quoi manger. Autant donc faire comme je vous ai dit : rentrer chez moi, retirer ma plainte et demander que le violeur de ma petite-fille me donne du riz qui me permettra au moins de survivre un temps, même sans argent.
Vraiment, je ne comprends rien à tout ça. Demander de l’argent à la victime, partout où elle passe pour établir les preuves et chercher la justice ? Ça, c’est pas bon du tout, wallahi ! C’est comme si on nous punit une seconde fois, après le mal qu’on nous a fait. Pendant que le violeur, lui, il est tranquille. Certains même cherchent à lui trouver des excuses et à le défendre, pendant que nous, on continue de nous demander de l’argent par-ci, par-là, en plus de la honte que nous avons subie et des conséquences qui s’en suivent.
Je suis absolument contre le fait de demander de l’argent à une victime, surtout quand elle est pauvre. Il faut bien voir ça pour nous aider, sinon ils vont continuer de faire du mal à nos filles sachant qu’on ne peut rien contre eux. »
Ce plaidoyer est suffisamment éloquent pour justifier que l’Etat prenne en charge les frais de justice sur toute la ligne, allant de l’agression subie, au procès intenté.
Cette prise en charge doit couvrir tout le processus : la plainte, les expertises, les soins médicaux et psychosociaux, le jugement …
D’après nos informations, bien que jamais appliquées, ces dispositions sont effectivement prévues dans les textes.
C’est le moment pour les acteurs en charge de la protection du genre, de l’enfance et des personnes vulnérables de se bouger pour réactiver cette disposition.
Ce ne serait que justice rendue et protection assurée aux victimes d’agressions sexuelles et à leurs familles.