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Unités industrielles à l’abandon : SIPAR de Labé, le parfum perdu de la Guinée

Après avoir travaillé pendant 27 ans à la Société Industrielle des Plantes Aromatiques (SIPAR) de Labé, Elhadj Mamadou Habib Fady Diallo a accepté de partager ses souvenirs de cette unique parfumerie que la Guinée détenait. Créée pendant la période coloniale et nationalisée après l’indépendance, la SIPAR était l’une des plus grandes unités industrielles de la Guinée. Située entre les quartiers Nadhel et Safatou à l’ouest de la commune urbaine de Labé, cette usine, à l’arrêt depuis 2002, ressemble aujourd’hui à une reine déchue comme l’a constaté Guinéenews sur place.

« La SIPAR est l’héritière de la CAP, la Compagnie Africaine des Plantes à Parfum, qui avait son siège à Casablanca. Lorsque l’entreprise a été nationalisée, elle a été rebaptisée SIPAR. Ainsi, la SIPAR a évolué jusqu’en 1984 l’année à laquelle elle a été nationalisée. La Banque mondiale a financé la rénovation de l’entreprise. C’est ainsi que les choses se sont faites. L’entrepreneur chargé de la rénovation était TECOTEX, une société française. Lorsque l’État a mis l’usine sur le marché, cette entreprise a soumissionné. Ils ont pris 51% des parts, les actionnaires de Labé ont pris 39% et le gouvernement a gardé les 10% restants. C’est de la sorte que se composait le capital de l’entreprise. Nous avons évolué de cette manière », explique Elhadj Habib Fady Diallo.

La base fondamentale de la production de cette parfumerie était le Karoukaroundin, scientifiquement appelé Leptopterna-senegambica.  » En quantité industrielle, il se développe entre Dalaba et Mali. Pendant la saison des pluies, nous ne pouvions même pas maîtriser toutes ces fleurs, car cela représentait près de 400 hectares », affirme El Hadj Mamadou Habib Fady Diallo, ancien employé de la SIPAR de Labé.

L’abandon de cette parfumerie attriste le doyen qui ne cache pas ses regrets. « Je suis désolé de voir cette entreprise mourir ainsi même s’il y a un repreneur. Mais il souhaiterait avoir un soutien, un associé pour relancer l’entreprise, car c’est un bijou. Le Karoukaroundin, nous sommes (le Foutah) les seuls producteurs au monde. Le Karoukaroundin ne pousse qu’au Foutah. Le kilogramme se vend à 1 500 dollars. C’est l’acheteur ou le client qui fixe le prix. Ils ont donc haussé le prix à 1 000 dollars. C’est avec ce prix que nous avons fermé l’usine en 2000 », regrette-t-il.

Pour le fonctionnement de l’usine, l’administration de la SIPAR était soutenue par des bailleurs étrangers, selon le doyen.  » Nous recevions de l’argent de démarcheurs européens pour le fonctionnement de l’usine, puis nous procédions à la production. Ensuite, nous envoyions les produits finis, ils les revendaient, nous renvoyaient l’argent et nous payions les travailleurs. »

Puis de poursuivre : « nous avons décidé de ne pas être appelés une parfumerie sans présenter de parfum. Nous importions des bases parfumées de Bulgarie. Nous avions suffisamment de bases parfumées que nous mélangions avec de l’alcool provenant de Koba, de l’eau distillée que nous produisions sur place, et avec le fixateur que nous faisions venir de Conakry. Il y avait une formule. Nous procédions à la préparation, à la décantation et à la finition. Ensuite, nous mettions le produit dans des flacons que nous avions commandés. Nous les déposions dans les dépôts pharmaceutiques, car le gouvernement les obligeait à recevoir notre production », déclare El Hadj Habib Fady Diallo.

Il convient de signaler que depuis 2002, la seule Société Industrielle des Plantes Aromatiques de Guinée est fermée. Depuis, à part le président Alpha Condé, qui avait annoncé en 2015 la réhabilitation en vain de l’usine, personne ne parle de la parfumerie de Labé qui est dans un état d’abandon total. Pourtant, les fleurs, notamment le Karoukaroundin, continuent de se développer en abondance dans la région. L’autre menace à laquelle la SIPAR est confrontée actuellement est l’envahissement de ses terres par les riverains.

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