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Une société à bâtir et non des élections à organiser : chronique d’une sortie de crise 1

En l’état actuel de la désorganisation politique et institutionnelle de la Guinée, il n’y a pas besoin d’organiser des élections présidentielles. L’urgence devrait être ailleurs, organiser la vie collective d’êtres humains qui partagent un même espace géographique. Tenant compte des expériences historiques communes et du caractère multiculturel du pays, il s’agira de savoir comment faire société. Constituer un NOUS et l’incarner dans des dispositifs institutionnels efficaces comme l’État. En l’absence d’une telle réflexion sur les conditions de possibilité d’une vie commune, sans ce questionnement sur la manière dont les populations en Guinée veulent vivre ensemble, ce sont les idées d’élections et de démocratisation du pouvoir politique que celles-ci veulent favoriser qui perdent leur sens. Malheureusement, on s’est accoutumé à parler d’élection, de démocratisation et d’alternance alors que la société guinéenne comme telle n’a pas encore vu le jour.  Les élections sont devenues l’enjeu démocratique par excellence alors que la relation entre gouvernants et gouvernés n’a jamais été fondée sur le contrat moral qu’est censée traduire entre autres l’existence d’une société politique, où l’exercice du pouvoir est organisé selon des règles communes contraignantes sur les comportements. Ainsi, au lieu de se battre pour l’organisation d’élections crédibles et transparentes, la classe politique guinéenne servirait dignement l’intérêt de la population si elle se décidait pour la première fois de son histoire à relever les défis éthiques de la vie commune.  Ce serait le meilleur hommage qu’elle pourrait rendre aux personnes qui ont payé de leurs vies l’anarchie historique du politique en Guinée.  Comment s’y prendre ?

Deux conditions préalables

Si la classe politique veut être sérieuse et s’engager à fonder une véritable société, elle devrait tout d’abord renoncer à l’organisation des élections présidentielles à venir.  Le temps de favoriser l’émergence des conditions institutionnelles qui rendront possible la tenue d’élections véritablement démocratiques. De sorte que ne se poseront plus les interminables questions de la crédibilité de la liste électorale et la confiscation du pouvoir. Ce débat de fond devrait s’accompagner d’une négociation pour une sortie de crise qui verrait Alpha Condé abandonner le pouvoir. Ce qui semblerait impossible ! Mais tout dépendra de la créativité de l’opposition et de la manière dont elle veut négocier avec le président et ses hommes de l’ombre. Dans le rapport actuel de force physique, le radicalisme serait un mauvais conseiller et le refus de courtiser les personnes proches du président, une erreur stratégique. Si on veut jouer la carte d’une sortie pacifique de la crise, il ne faudrait pas éviter d’élargir le cercle de la négociation aux hommes d’influence et surtout d’offrir au président des garanties quant à une vie normale après le pouvoir. C’est ce que commande aussi une vision réaliste d’un départ négocié du pouvoir. Elle pourrait ne pas aboutir, mais l’opposition et même le FNDC ne perdront rien à l’essayer. Le défi sera ici de mobiliser toute l’intelligence et les collaborations nécessaires pour faire valoir auprès du président et certains de ses conseillers la nécessité de sauver le pays d’un risque d’embrasement, qui pourrait emporter à la fois les tenants du pouvoir et leurs protagonistes. Ces conditions remplies, s’ouvrira alors le débat sur la fondation politique de la vie commune en Guinée.

Pour un gouvernement de fondation

Pour conduire ce débat, on pourrait compter sur la mise en place d’un gouvernement de fondation et non de transition. Car ce dont il s’agit n’est pas le passage d’une condition à une autre, d’un régime autoritaire à un régime démocratique par exemple, mais de commencement. Partir de zéro, parce que précisément tout en Guinée, jusqu’aux relations humaines, est à construire. De même, l’idée de fondation rappelle l’urgence d’un point de départ inébranlable qui fait tenir un ensemble. Pour une société humaine, qui aspire à vivre sous les rapports de la justice et de l’égalité, ce point de départ devrait prendre la forme d’un contrat moral et politique. C’est ce dernier qui institue un État en en faisant un agent au service d’un intérêt public…

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