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Tueries du 28 septembre : silence, le ministre Diané témoigne, dix ans après (entretien exclusif)

«Nous étions bastonnés avec des CROSSEs de fusil et tout le monde cherchait à se sauver comme il pouvait. Personne ne peut te dire qu’il a suivi systématiquement tout ce qui s’est passé ce jour au stade. Parce que Cellou Dalein a été pris d’abord à partie par certains militaires, Jean Marie, Sidya. Bref, tous les leaders qui étaient à la tribune. Moi, j’ai eu une côte cassée. Donc je suis sorti à partir du côté qui donnait sur l’autoroute Fidel Castro. Avec l’aide de certaines personnes, je suis directement allé à la polyclinique Fei-Tsui de la SIG Madina où j’ai été admis pour un premier temps. Ensuite, grâce à mes relations avec le Conseiller chargé de la sécurité de l’Ambassade de France, j’ai été admis au centre de santé qui était à l’époque à l’Ambassade de France pour recevoir des soins adéquats. Elhadj Tidiane Traoré, Dr Ballo, Cellou Dalein, Jean Marie et d’autres étaient partis à la clinique Pasteur pour y être hospitalisés»

Dans le cadre de notre dossier dédié au dixième anniversaire de la répression sanglante du grand rassemblement des opposants au stade du 28 septembre de Conakry, Guinéenews est allé à la rencontre du ministre d’Etat, ministre chargé des Affaires Présidentielles et de la Défense nationale. Qualifié par ses proches de ‘’boîte noire vivante’’ du RPG, le parti au pouvoir et de la Présidence de la République, cet homme taiseux, réputé pour sa grande discrétion, a décidé d’ouvrir, pour la première fois en 10 ans, son cœur à Guinéenews pour livrer ses témoignages sur cette récente tragédie de l’histoire sociopolitique de la Guinée.

Dans cet entretien qui suit, Dr Mohamed Diané qui a eu une côte cassée à l’époque, parle de ce qu’il a vu ce lundi 28 septembre 2009, de l’absence du président Alpha Condé à la manifestation et de la nécessité de rendre justice à toutes les victimes de ce massacre. Lisez !

Guinéenews.org : le 28 septembre 2009, le grand meeting des opposants au capitaine Dadis, chef de la junte à l’époque, a été violemment réprimé dans le sang par des éléments armés. En tant qu’acteur majeur de cette gigantesque mobilisation à l’époque des forces vives, que pouvez-vous livrer aujourd’hui au peuple de Guinée sur cette sanglante répression, dix ans après ?

Dr Mohamed Diané : … il faut rappeler que le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) a été l’un des principaux partis politiques qui s’est battu pour l’instauration de la démocratie dans ce pays. Et c’est dans ce cadre qu’en 2008, à la mort du général Lansana Conté, les militaires ont pris le pouvoir et tout le monde pensait qu’ils allaient organiser les élections et laisser les civils conduire le pays de façon démocratique. Malheureusement, nous avons constaté vers la fin que ces derniers voulaient confisquer le pouvoir. C’est pour cette raison donc que les forces vives de la nation guinéenne (partis politiques et organisations de la société civile, ndlr), se sont organisées pour mettre en place une stratégie afin de s’opposer à la confiscation du pouvoir par la junte. C’est ainsi que nous avons décidé d’organiser un meeting le 28 septembre 2009. Nous avons pris la décision de nous rencontrer ce jour chez l’honorable Jean Marie Doré à Donka. Le matin, nous nous sommes tous rendus à son domicile qui était notre point de départ. Et comme prévu, les leaders des forces vives ont pris le départ, à pied, de chez Jean Marie Doré. Il était 9 heures. De là, nous sommes arrivés au lycée 2 août où nous nous sommes heurtés au premier checkpoint tenu par les forces de l’ordre qui nous ont intimés l’ordre de rebrousser chemin. Après quelques chaudes discussions et avec l’aide de la foule de militants qui nous accompagnait, nous avons réussi à ouvrir une brèche dans ce barrage pour continuer notre marche jusqu’au grand portail de l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry.  A ce niveau également, il y avait un dispositif très impressionnant qui a tout fait pour empêcher les leaders de progresser. Mais puisqu’il il y avait une grande mobilisation des militants des partis et de la population, ce dispositif n’a guère résisté. Et nous voilà par la magie de cette foule au stade du 28 septembre. C’est avec beaucoup de difficultés que nous avons pu accéder à l’intérieur du stade. Dans la foule, on avait une certaine sensation d’avoir remporté une première victoire et ça grouillait dans les sens. Dans cette ambiance que les leaders ont rejoint la tribune pour livrer leurs discours. Ce jour, ce sont entre autres, Jean Marie Doré, Sidya Touré, Cellou Dalein Diallo et moi-même qui avions eu le privilège de nous adresser à nos militants et sympathisants. C’est pendant que les différents leaders se relayaient derrière le pupitre que des hommes armés ont fait irruption dans le stade. Ils ont commencé à tirer dans tous les sens. C’était entre 10 heures et 11 heures. Ce fut la débandade absolue dans la foule.

Guinéenews.org : pendant que tous les leaders avaient quasiment répondu présents à cette grande mobilisation ce jour, le professeur Alpha Condé, à l’époque président du RPG, était absent de Conakry. Qu’est-ce qui explique son absence ce jour parmi vous ?

Dr Mohamed Diané : effectivement le président (Alpha Condé, ndrl) était en mission à l’étranger ce jour. Vous savez que le RPG est membre de l’International Socialiste et chaque fois que cette organisation a des rencontres, le président Alpha Condé y participait. C’est à ce titre qu’il avait effectué ce déplacement à l’époque. Et partout où il passait, il profitait pour parler au nom des forces vives, au nom de l’opposition guinéenne.

Guinéenews.org : le président Alpha Condé était-il alors en mission particulière des forces vives ou de son parti, le RPG ?

Dr Mohamed Diané : compte tenu de son réseau de relations et de son carnet d’adresses à l’international, Pr Alpha Condé ne se privait jamais d’occasion pour sensibiliser et informer l’opinion internationale sur la situation qui prévalait à l’époque en Guinée.

 Guinéenews.org : l’irruption des hommes en arme a provoqué une débandade totale parmi la foule d’opposants qui avait pris d’assaut l’enceinte du stade du 28 septembre. Dites-nous comment dans cette indescriptible cohue, vous avez pu vous sauver ?

Dr Mohamed Diané : c’était véritablement le sauve-qui-peut. Parce que nous étions bastonnés avec des cross de fusil et tout le monde cherchait à se sauver comme il pouvait. Personne ne peut te dire qu’il a suivi systématiquement tout ce qui s’est passé ce jour au stade. Parce que Cellou Dalein a été pris d’abord à partie par certains militaires, Jean Marie, Sidya. Bref, tous les leaders qui étaient à la tribune. Moi, j’ai eu une côte cassée. Donc je suis sorti à partir du côté qui donnait sur l’autoroute Fidel Castro. Avec l’aide de certaines personnes, je suis directement allé à la polyclinique Fei-Tsui de la SIG Madina où j’ai été admis pour un premier temps. Ensuite, grâce à mes relations avec le Conseiller chargé de la sécurité de l’Ambassade de France, j’ai été admis au centre de santé qui était à l’époque à l’Ambassade de France pour recevoir des soins adéquats. Elhadj Tidiane Traoré, Dr Ballo, Cellou Dalein, Jean Marie et d’autres étaient partis à la clinique Pasteur pour y être hospitalisés.

Guinéenews.org : il est vrai qu’un vent de panique s’est emparé du stade à l’intervention des militaires. Mais est-ce que vous avez pu, dans ce sauve qui peut, constater au moins un cas de viol ?

Dr Mohamed Diané : comme je le disais tantôt, c’était la débandade, le sauve-qui-peut. J’ai, certes, vu des gens s’effondrer, mais je ne suis pas en mesure d’affirmer que j’ai vu des cas de viol. Je ne saurais donc le témoigner…

Guinéenews.org : malgré cette panique générale, est-ce que vous avez pu identifier ou dévisager au moins quelques militaires pendant leur assaut ?

Dr Mohamed Diané : Non ! Parce qu’il y avait certains même qui étaient cagoulés parmi eux. Il m’était difficile de prêter attention et d’identifier ces assaillants armés.

Guinéenews.org : cela fait dix ans que les victimes attendent, sans succès, la tenue du procès sur ce massacre. Que pensez-vous aujourd’hui de la lenteur enregistrée dans l’organisation dudit procès ?

 Dr Mohamed Diané : il y a malgré tout quelques avancées qui vont dans le bon sens. Il y a un comité de pilotage qui a été mis en place et un collège de juges pour enclencher la procédure judiciaire. Mais, c’est au niveau de la Justice et puisque la Justice est indépendante, je ne peux pas faire de commentaire là-dessus. Il est quand même important qu’on puisse organiser le procès parce qu’il y a eu beaucoup de victimes. Il faut que justice soit rendue à tous les gens qui ont subi des préjudices…

Entretien réalisé par Fidel Mômou, Sékou Sanoh et Camara Moro Amara

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