Pour que la mayonnaise puisse prendre, durant cette transition, afin de permettre au président Mamadi Doumbouya de débarrasser la Guinée des scories du passé, il va falloir composer avec une classe politique chatouilleuse. Un exercice d’équilibriste auquel le colonel devrait pouvoir s’essayer, pour ménager les susceptibilités des uns et des autres. L’essentiel étant au final, de mener le pays vers un régime civil, démocratique.
Après avoir déroulé le tapis rouge au colonel Doumbouya, pour avoir mis fin à un système démocratique qui commençait à virer à la tyrannie, une frange de la classe politique commence déjà à tailler un costard au colonel. L’accusant de tous les péchés capitaux.
Les bisbilles autour de la mise en place du Conseil national de transition (CNT), risque d’ouvrir le bal à cette discorde, tant souhaitée par des oiseaux de mauvais augure, entre la junte et cette classe politique frustrée. Qui n’est autre que l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (ANAD). Mouvement politique dirigé par Cellou Dalein Diallo, dont le soutien au putsch du 5 septembre n’avait jusque-là pas failli.
Cela était de bonne guerre, quand on sait que c’est le colonel Doumbouya qui est venu lever la chape de plomb sur l’opposition la plus irréductible au régime d’Alpha Condé.
Tout en restant à jamais reconnaissant au colonel pour acte héroïque, digne de Spartacus, Cellou et ses alliés commencent toutefois à s’indigner de leur sort. Après avoir ruminé leur colère, ils se disent haut et fort, victimes des humeurs du ministre du MATD, Mory Condé. Qui aurait réduit leurs sièges de commissaires à une « portion congrue », au profit de l’ancienne majorité présidentielle. Les plus radicaux de l’alliance, dont Fodé Oussou, vont jusqu’à récuser le ministre, pour le rôle d’organisateur des élections, qui est désormais dévolu à son département. Une sorte de pare-feu destiné à prévenir d’éventuels torts que pourrait causer le MATD, à l’ANAD, dans la perspective des joutes électorales à venir.
Même si certains observateurs parlent d’un mauvais procès fait au ministre dont la bonne foi ne serait pour le moment pas remise en cause. Du moins jusqu’à preuve du contraire. En ce sens que le président de la République l’aurait félicité pour le travail abattu dans la mise en place du CNT.
L’autre hantise que la classe politique, du moins les séniors, a du mal à chasser, depuis un certain temps, est cette question de rajeunissement, que d’aucuns appellent de tous leurs vœux. Afin de mettre exit les vieux, accusés d’avoir dévoyé la politique.
Des velléités qui commencent à provoquer une levée de boucliers chez les personnes visées par cet âgisme. Le leader de l’UFDG qui vient de donner le ton à cette protestation, n’est pas allé de main morte pour dénoncer les mauvais génies du colonel. Qui seraient à la manœuvre, en vue d’écarter certains candidats à la future présidentielle.
Ce sont là autant de cris du cœur qui devraient interpeller le colonel. Qui, il faut dire vrai tient pour le moment le gouvernail, sans fausse note. Pour le reste, il lui revient de ménager la chèvre et le chou. Un exercice d’équilibriste, qui lui a permis de rebaptiser l’aéroport de Conakry du nom de Sékou Touré et de rendre à la famille de l’ancien président les villas de Bellevue. Tout en érigeant des stèles sur des tombes des victimes de la dictature du même Sékou Touré. Sans oublier les tournées au stade du 28 septembre, théâtre d’un massacre perpétré par la junte de Dadis. Et l’hommage rendu aux martyrs du pouvoir d’Alpha Condé. Des gestes forts, à ne pas passer par pertes et profits, pour des calculs électoralistes.
Mamadou Dian Baldé