Invité le 5 juin dans l’émission « Tête-à-Tête » de France 24, l’ancien Premier ministre et leader de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo a fustigé le glissement du chronogramme annoncé par Bah Oury, l’actuel Premier ministre de transition en Guinée. Le président de l’UFDG a exprimé ses inquiétudes quant à la volonté de plus en plus affichée du CNRD de ‘’confisquer’’ le pouvoir. Face à une telle éventualité, le chef de file de l’opposition aux militaires prévient que son parti et toutes les forces vives guinéennes n’hésiteront pas à demander purement et simplement le départ de l’actuel régime et son remplacement par une transition civile.
Une sortie médiatique de Cellou Dalein qui n’a pas laissé indifférent le Porte-parole du governement, Ousmane Gaoual Diallo. Dans cette interview exclusive qu’il a bien voulu accorder à Guinéenews, le ministre des Transports a apporté une repartie aux propos de Dalein qu’il qualifie de ‘’malheureuse’’. Lisez !
Guineenews.org : face à l’annonce du glissement du chronogramme par le Premier ministre Bah Oury, le président de l’UFDG, Cellou Dalein exige du Général Mamadi Doumbouya le respect de son engagement à la prise du pouvoir en organisant les élections en 2024. Si toutefois si ce refus est avéré, il menace de demander le départ du régime actuel et son remplacement par une transition civile. Quelle est votre réaction à cette sortie de monsieur Cellou Dalein Diallo ?
Ousmane Gaoual Diallo : disons que c’est une sortie malheureuse. Mais ce n’est pas la première. Et j’imagine qu’elle ne sera pas la dernière. Dans la mesure où, depuis un certain temps, le président de l’UFDG a régulièrement fait des sorties visant à discréditer ou à chercher à discréditer la Guinée, qui est son pays. C’est regrettable ! Il faut rappeler que l’engagement moral que chaque acteur politique a envers le peuple de Guinée, est de travailler pour son bonheur, à maintenir la quiétude sociale et la paix. Cela, c’est l’engagement moral pour lequel chacun d’entre nous doit agir avec beaucoup de prudence pour que cela soit une réalité.
Donc, toutes les menaces proférées, toutes les phrases prononcées, qu’elles soient de nature à exacerber les tensions sociales, trahissent cet engagement moral que nous avons vis-à-vis du peuple de Guinée. Et, je pense que c’est vers cela que tend ce type de discours. Alors qu’on attend de lui un discours plus conciliant, plus constructif, plus proche de ce que les Guinéens attendent de leurs leaders. Non pas des tensions, mais la paix. Non pas de l’incompréhension, mais la recherche continue d’accords politiques qui permettent de faire avancer notre société. C’est regrettable de sa part.
Guineenews : au cours de la même sortie, il a aussi dénoncé les tueries dans les manifestations et le récent retrait des agréments de certaines radios et télévisions privées, tout en rejetant les arguments avancés par le gouvernement. Des signaux qui font dire à Dalein également que la Guinée est devenue un pays de dictature. Que dites-vous de cette critique de Cellou Dalein à l’endroit de l’actuel régime ?
Ousmane Gaoual Diallo : alors, plusieurs choses. Oui, il faut dire que c’est toujours regrettable. Le gouvernement, en premier, a condamné, lorsque cela s’est produit. Toutes ces victimes qui ont été enregistrées et a déclenché des enquêtes judiciaires.
Je pense que c’est le rôle d’un État respectueux des principes démocratiques et des droits de l’Homme de faire en sorte que ces situations soient évitées. Mais au cas où elles se produisent, c’est d’agir pour trouver les auteurs et les commanditaires pour mettre fin à cela. De toute façon, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Amadou Oury Bah peut dire que depuis l’avènement du CNRD, l’impunité n’est plus garantie, puisque quelques éléments des forces de défense et de sécurité présumés impliqués dans ce type de violence ont été mis aux arrêts et certains sont devant les tribunaux. Donc, cela montre que quand ça se passe, l’État ne garantit l’impunité à personne. Et ça, c’est très important. Maintenant, quant à dire que la Guinée est une dictature, je pense que chacun devrait balayer devant sa porte avant de dire cela. Car, il préside tout de même un parti politique qui n’a pas connu de congrès depuis 2020. On peut dire que c’est un parti, mais c’est aussi une violation des principes qui régissent le fonctionnement de cette institution qu’il dirige. Il devrait donc, par l’exemple, montrer son souci du respect démocratique en respectant les textes fondateurs qu’on lui a confiés en tant qu’entité politique.
Guineenews.org : dans le même ordre d’idée, il a dénoncé l’instrumentalisation de la justice qui se traduit aujourd’hui, selon lui, par l’incarcération des responsables politiques. Qu’en dites-vous ?
Ousmane Gaoual Diallo : non, je pense que c’est de l’imagination. Je ne pense pas qu’il y ait des prisonniers politiques en Guinée aujourd’hui. Ce n’est pas parce qu’on est acteur politique, quand on a des difficultés avec la loi, qu’on peut être systématiquement considéré comme prisonnier politique ou d’opinion. Il n’y a pas de prisonnier politique en Guinée. Je ne pense pas, et toutes les chancelleries, toutes celles qui sont accréditées en Guinée, toutes les organisations internationales, personne ne dénonce de prisonniers politiques en Guinée. Je pense que c’est quelque chose qui est trop loin par rapport à la réalité de notre pays.
Guineenews.org : par ailleurs, Cellou Dalein annonçait son retour imminent en Guinée. Est-ce que le gouvernement va s’opposer à ce retour ou va-t-il le laisser rentrer et déclencher l’action publique contre lui dans le cadre du dossier Air Guinée ?
Ousmane Gaoual Diallo : alors, il faut distinguer deux choses. D’abord, le départ de Cellou Dalein de la Guinée vers l’extérieur n’est pas suite à une demande ou à une menace de l’État. Il est parti. Au début, on nous a dit qu’il allait faire une tournée internationale pour représenter son parti. Et c’est plus tard qu’il a commencé à arguer des risques pour sa personne. Je ne pense pas que l’État guinéen envisage de s’opposer à ce retour. J’ai répondu à plusieurs reprises, quand ce sujet nous a été posé, nous avons indiqué qu’il n’y a aucun obstacle à ce retour. C’est son pays, il peut librement venir en Guinée. Et ce n’est pas parce qu’il revient que l’action judiciaire sera ou ne sera pas déclenchée. Elle n’est pas déclenchée par rapport à son retour. Je pense que cela doit être clair. S’il doit répondre à des faits de justice, il est libre de l’apprécier. Mais, je ne pense pas qu’on puisse associer son retour à une quelconque menace. Cellou Dalein est chez lui en Guinée, il est libre de revenir. Je ne pense pas que l’État guinéen s’opposerait ou ferait quoi que ce soit pour l’empêcher de rentrer dans son pays.
Guineenews.org : globalement qu’est-ce que cette dernière sortie médiatique de Dalein vous inspire ?
Ousmane Gaoual Diallo : disons que c’est une sortie de quelqu’un qui donne le sentiment d’être désespéré et qui, peut-être, cherche par tous les moyens à jeter l’anathème sur la Guinée, sur les dirigeants actuels de notre pays, alors que sa position politique devrait être plutôt plus conciliante pour faire en sorte que le dialogue, qui est tout le temps demandé, réclamé, auquel sa formation politique est régulièrement invitée, puisse prospérer vers la recherche de l’équilibre entre les positions qu’il défend et les positions du gouvernement.
Je pense qu’aujourd’hui les dirigeants guinéens, et l’écrasante majorité des leaders politiques de notre pays, sont inscrits dans cette dynamique-là, de travailler avec la transition pour rechercher un dialogue et un équilibre dans l’exercice du pouvoir. C’est un ancien Premier ministre, donc il sait bien que les charges de l’État ont des contraintes qui nécessitent, de temps en temps, l’ouverture du dialogue régulièrement avec la classe politique. C’est ce que nous essayons de faire et pour cela le gouvernement est engagé. Comme l’a souligné encore récemment le Premier ministre, à faire en sorte qu’il y ait un dialogue dynamique et fécond pour notre pays et pour le bonheur de nos populations.
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Une interview réalisée par Mamadama Sylla et Sékou Sanoh