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Tragédie du camion tchadien à Maléah : un drame qui relance les débats sur la circulation des personnes et de leurs biens en Afrique

L’on se souviendra encore longtemps de cette catastrophe routière survenue la semaine dernière à Maléah, sous-préfecture de Kolenté au PK 42 de Kindia vers Mamou. Pas seulement pour le lourd bilan qui en a résulté : 07 morts, cinq blessés et d’importants dégâts matériels, ou pour les circonstances de sa survenue. Mais, pour d’autres aspects assez singuliers que nous évoquerons plus loin.

Pour rappel, c’est la compagnie sécurité routière de Kindia, dont c’est la zone de compétence, qui a dressé le constat. Les conclusions ont été claires et précises : « l’excès de vitesse et la circulation à gauche sont les infractions à l’origine de cet accident mortel de la circulation routière que nous relevons et retenons contre le sieur Mahamath ANNISSAN conducteur du camion Renault semi-remorque benne, non immatriculé. »

Comment en est-on arrivé là ?

Le chef d’escadron Jimys Niamy, commandant la compagnie sécurité routière rappelle les faits : « cet accident a intéressé le camion Renault, non immatriculé, conduit par Mahamat ANNISSAN de nationalité tchadienne contre la voiture Renault 19 immatriculée RC 1268 S, conduite par monsieur Mamadou Saliou Diallo(décédé) qui était titulaire du permis de conduire n° 107427 des catégories BCD ; la voiture Peugeot 305 immatriculée RC 8177 R conduite par monsieur Ousmane Barry.

Le 20 juin 2019, aux environs de 9 heures, dans la localité de Maléah, sous-préfecture de Kolenté, au PK 42 de Kindia vers Mamou, monsieur Mahamat ANNISSAN, en provenance de la République du Tchad pour la République de Guinée était au volant du camion Renault semi-remorque benne, ayant à bord une personne, son assistant et compatriote. Le camion était chargé d’une autre remorque et divers accessoires. Dans le cadre de ce trajet, il arrive avec une vive allure au lieu sus cité où la chaussée décrit un tracé rectiligne et où était stationné un camion non identifié dans son couloir de marche. Mahamat ANNISSAN, conduisant le camion Renault semi-remorque, voyant que son couloir est obstrué par la position du camion non identifié et sur l’effet d’une allure sensiblement vive, se déporte entièrement vers sa gauche pour le dépasser. Au moment de rejoindre son couloir, il continue sa course dans le décor droit. Le temps pour lui de reprendre sa voie, coïncide à l’arrivée des deux voitures (la Renault 19 et la Peugeot 305), lesquelles se suivaient, la Renault 19 en tête. Mahamat ANNISSAN, ayant déjà perdu le contrôle de son camion, vient heurter et rouler littéralement sur la Renault 19 qu’il draine contre la Peugeot 305 avant de s’immobiliser contre elle. De ces violents chocs désormais, les trois véhicules se sont immobilisés à leurs points de choc respectifs avec le lourd bilan annoncé plus haut. »

Cette présentation des circonstances à l’origine de ce drame routier par le chef d’escadron Jimys Niamy, ne laisse personne indifférent. On est comme meurtri, assommé. Et cela, malgré que nous ayons en mémoire d’autres cas bien pires qui ont fait des dizaines de morts. Le psychologue dirait que l’être humain est ainsi façonné : il peut subir le choc émotif le plus intense et réussir à en atténuer les effets par un phénomène ‘d’absorption’ dont le plus connu, après le sommeil, est l’oubli progressif. C’est peut-être ce qui nous permet de vivre les réalités les plus terribles que la route nous réserve quelquefois et d’être capable de les gérer. Malgré l’horreur et la peur qui nous tenaillent.

L’opinion est encore focalisée sur ce drame routier. Il en est ainsi après chaque accident grave. Avant les conclusions de la compagnie sécurité routière de Kindia, qui ont mis les choses au clair, chacun y est allé de son explication. Les avis et commentaires ont été nombreux et divergents. La presse aussi l’a relayé, largement. Très peu savaient ce qui s’est réellement passé. La seule unanimité a porté sur la réprobation de l’acte. Et c’est bien ça le plus important. Tout le monde déplore ce qui s’est produit. Cela entraine comme un moment magique où, en communion parfaite, on sent une adhésion massive des usagers à l’esprit de la prévention routière.

Ajoutons que la vitesse excessive est toujours citée dans la majorité des accidents en rase campagne. Les statistiques de la gendarmerie routière l’indiquent clairement. Depuis de longues années, elle occupe le peloton de tête des infractions répertoriées. C’est bien cette vitesse excessive qui explique les lourds bilans enregistrés en termes de victimes corporelles et de dégâts matériels.

Des questions qui interpellent

Au-delà des circonstances ci-haut décrites, certains faits en amont de cet accident suscitent quelques interrogations. Le conducteur du camion et son assistant sont des tchadiens qui sont à leur premier voyage en Guinée. Ils conduisent un énorme véhicule chargé, sur des routes qui ne leur sont pas du tout familières.  Les déclivités, les virages, les ponts, l’état des routes, le relief, la végétation, les villes et localités traversées, tout leur est inconnu, tout est différent de l’environnement qui est le leur, au Tchad. Ensuite, un autre handicap, certes mineur et facilement surmontable : le conducteur et son assistant ne parlent que français. Ils ont sans doute rencontré quelques difficultés à communiquer pleinement avec les populations, notamment celles rurales, en rase campagne.

On rétorquera que tout conducteur confirmé est apte à conduire sur des routes, même inconnues. Ce qui est vrai en soi. Des chauffeurs guinéens font le trajet Conakry-Lagos en aller et retour. D’autres viennent du Maroc, de tous les pays de la sous-région et même au-delà. Les échanges par voie routière s’intensifient à travers tout le continent. Et se passent sans incidents ou accidents majeurs.

Mais, les conditions qui garantissent l’effectivité et la sécurité de tout ce mouvement reposent sur des critères rigoureux et précis. En premier lieu, le respect du code de la route et des règlements en vigueur dans chacun des pays traversés et celles supranationales des organisations sous régionales, telle la CEDEAO.

Ensuite, les conducteurs qui entreprennent de tels déplacements ne disposent pas au préalable d’une reconnaissance de terrain établie à leur intention. Ils se rappellent alors toujours, qu’ils empruntent des itinéraires qui ne leur sont pas familiers. Aucune route ne ressemblant à une autre, ils s’adaptent au contexte de chacune d’entre elles. La seule condition qui leur fait tenir parfaitement ce pari de rouler sans accident à l’étranger est la prudence effective dont ils font preuve.

Le Tchad, un pays de l’Afrique centrale et le nôtre entretiennent des relations bilatérales qui ont permis le mouvement de ce camion benne qui est arrivé en Guinée par Kourémalé, à la frontière guinéo-malienne.

Comment ce camion, en très bon état apparent, a-t-il roulé, du Tchad à Maléyah, en Guinée, lieu de l’accident mortel, sans immatriculation, sans la carte brune CEDEAO ?

Alors que même Toto sait qu’un véhicule automobile ne roule pas sans immatriculation et sans assurance, pour ne citer que ces deux documents. Ce principe est admis dans tous les pays.

A-t-il fait tout son périple et traversé tous ces pays, dans ces mêmes conditions ? C’est loin d’être évident, connaissant la rigueur dans l’application des textes que pratiquent les services compétents des pays traversés.

A-t-il procédé à quelques changements, une fois en Guinée ? Des sources citant le conducteur indiquent que l’assurance CEDEAO aurait expiré en territoire malien. Quant aux plaques d’immatriculation que portait le camion à son départ du Tchad, elles auraient été enlevées dès le passage de la frontière de Kourémalé. Sur injonction de qui ? La question reste posée. L‘un ou l’autre du conducteur ou du convoyeur a la bonne réponse.

Nous évoquions plus haut la vitesse excessive pratiquée en rase campagne. La gendarmerie routière a déploré le comportement imprudent du conducteur tchadien qui, pour son premier voyage en Guinée, n’a pas hésité à la pratiquer sur une route qui lui est inconnue et dont le tracé est réputé difficile. S’il avait roulé prudemment et respecté les règles du dépassement, cet accident ne se serait pas produit.

Pour ceux qui vont se demander comment ce camion a pu rouler ainsi sans plaque d’immatriculation, une partie de l’explication est là. Selon la gendarmerie routière, la majorité des camionneurs qui commettent le refus d’obtempérer se comptent parmi ceux qui roulent très vite. Ils dépassent les points de contrôle, l’air de narguer et de montrer qu’ils sont gros et forts. Les agents sont sans réaction, n’étant pas outillés ou autorisés pour les poursuivre. Une telle opération s’avère même très risquée pour ne pas dire périlleuse ou suicidaire. Quand c’est la nuit, de leur position, il n’est pas évident qu’ils constatent un manque de plaques d’immatriculation sur un véhicule qui passe devant eux, sans s’arrêter.

Les questions après accident, que l’on se pose, sont les suivantes : quel va être la suite dans le règlement de ce dossier ? En somme, qui pour prendre en charge les soins et réparations consécutifs à cet accident mortel, non couvert par une police d’assurance ?

Voilà autant d’interrogations que la justice de Kindia aura à démêler, le dossier lui ayant été soumis par la compagnie sécurité routière.

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