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Témoignages de Sékou Kamissoko, l’oncle maternel de Mory Kanté : « C’est moi qui l’ai élevé »

Dans cet entretien qu’Elhadj Sékou Kamissoko, président de l’association des griots de Kissidougou et  l’oncle maternel de Mory Kanté résidant au quartier de Farako, situé dans la commune urbaine de Kissidougou, a accordé à notre reporter, il retrace la biographie du défunt, en commençant par son enfance à Kissidougou, le début de sa carrière musicale,  évoque son aventure au Mali, en Côte D’Ivoire et en France. De la relation qui existait entre lui et son neveu Mory Kanté et de leur dernière conversation avant la mort de la star.

Guinéenews : vous venez de perdre votre neveu, Mory Kanté. On vous sent affecté par cette mauvaise nouvelle. Rappelez-nous vos liens avec Mory, qui fut une star planétaire ?

Elhadj Kamissoko : Mory Kanté est né le 26 Mars 1950 à Albadaria. Il est l’homonyme de mon père Mory Sanda Kamissoko. La personne de Mory Kanté, je ne l’est pas connue à travers une personne,  vous savez la mère de Mory Kanté est l’aînée chez ma maman. Moi j’occupe la 4ème  place pour les enfants de   notre maman. Je voudrais  vous dire à cette occasion que c’est moi qui ai élevé Mory Kanté dont il s’agit aujourd’hui. Mory Kanté a été pris à son tendre enfance et il a fini par téter les seins de ma mère, parce que très tôt, il a été remis à ma maman, en tant que grand-mère. C’est moi même qui ai scolarisé Mory Kanté.  Après l’avoir scolarisé, parallèlement, moi je faisais mon giottisme. Je suis griot de naissance. Je joue à la guitare et au balafon. Je suis un instrumentiste. Au-delà de tout ça, Mory Kanté a pris à faire le griottisme par mon canal. Dans les années 1970, c’est lui qui chantait à mon compte. C’est moi qui le préparai à chanter. Notre ensemble était un ensemble très restreint. J’étais en ce moment le chef d’orchestre. Mon jeune frère jouait à la guitare et Mory Kanté était commis à la chanson.

Guinéenews : Elhadj, après votre séparation, quel fut l’itinéraire de votre neveu Mory Kanté?

Elhadj Kamissoko : ainsi en 1972, et lui et mon jeune frère Djeli Moussa Kamissoko,  sont partis à deux, au Mali, à Bamako. Ma jeune sœur qui répond du nom de Manamba Kamissoko, qui a été une griotte de renommée internationale, les deux ont rejoint celle -ci à Bamako. Manamba Kamissoko était l’épouse de l’un des jumeaux de la famille Diabaté qui habitaient à Fiabougou au Mali. Donc, Dieu faisant bien les choses, Mory Kanté a continué à jouer au balafon auprès de ces jumeaux-là. C’est ainsi que,  à côté de sa tante Manamba, il a été découvert par le tout premier orchestre de Bamako qu’on appelait « Raye bande ». Il a fait le ‘’Raye bande’’ avec Salif  Keita vers 1978. Leur guitariste émérite, c’était Djelimady  Tounkara, que nous avons déjà entendu, hier sur la RFI. C’est à Bamako qu’il a commencé sa carrière solo, après il est parti à Abidjan pour une découverte. De l’Abidjan, il est parti en France. Donc sa carrière solo s’est développée de jour en jour jusqu’à son arrivée à Paris.

Guinéenews : quels sont les actes de reconnaissance que Mory Kanté a eu à faire à l’endroit de votre personne?

Elhadj Kamissoko : en guise de reconnaissance, parce que c’est moi qui l’ai élevé, c’est moi qui l’ai scolarisé, c’est moi qui a appris à Mory Kanté à chanter, par reconnaissance, il m’a respecté. Lorsque je lui dis qu’ici c’est ma limite, il n’a jamais dépassé cette limite. C’est pour vous dire que, il a été très reconnaissant à l’endroit de ma personne. Par la même reconnaissance, il m’a amené à la Mecque avec deux de mes grandes sœurs en 1989. C’est à la même année qu’il a reçu le disque d’or par le feu président de la république, le général Lansana Conté. Mes deux sœurs, paix à leurs âmes, sa maman qui s’appelait Bamba Oulen et la jeune sœur de sa maman qui s’appelait Djeli Tenimba Kamissoko et à trois on est allés à la Mecque. Vraiment, Mory m’a respecté, il m’a grandi. Il a fait de moi son propre père et il a fait de moi sa propre maman. A cause de ce que j’ai fait pour lui à son enfance. Donc à chaque fois que j’ai lui montre mes limites, il m’a toujours respecté. Il n’a jamais dépassé  ce que je lui ai dit. En guise de reconnaissance aussi, il a toujours fait  de  Albadaria comme son village natal, bien que ça soit son village maternel. C’est pour cela, il a toujours chanté  » Albadaria! Albadaria! »

Guinéenews : quand Mory Kanté était en France, est- ce que vous étiez toujours en contact avec lui?

Elhadj Kamissoko : comme pour dire que Mory n’a pas oublié ses liens biologiques avec moi, Mory dans son aventure française, m’a encore aimé davantage. Comme il a vécu longtemps avec mon jeune frère Djeli Moussa, ils étaient devenus comme des jumeaux, sans oublier que les deux ont tété au même moment les seins de ma maman. C’est pour cette raison, il a fait appel à mon jeune frère Djeli Moussa Kamissoko jusqu’en France. Ils ont vécu ensemble un grand moment là-bas.

Guinéenews : parlez-nous des liens qui existent entre Aminata Kamissoko, la chanteuse et Mory Kanté?

Elhadj Kamissoko : le père d’Aminata Kamissoko et moi, nous sommes des frères, de même père et de même mère. Son père s’appelait Mory Kamissoko. Il occupait  le troisième rang chez ma mère et moi j’occupe le 4ème  rang. C’est la famille. Donc, Aminata Kamissoko et Mory Kanté sont des cousins. Après la mort du père de Aminata Kamissoko, c’est moi qui l’est élevée et éduquée ici.

Guinéenews : Elhadj, qu’est-ce qui vous a beaucoup marqué dans vos relations avec votre neveu Mory Kanté?

Elhadj Kamissoko: je retiens de Mory quelqu’un de très reconnaissant. Ça c’est parmi tant d’autres! Par exemple, dans son aventure à Paris, même s’il est question de faire un sacrifice, c’est moi qu’il appelait pour demander mon avis. Il me demandait toujours des conseils. Hey! Il ne connaissait aucune personne en dehors de moi. Je pense que tout Kissidougou est témoin de cela. Que c’est moi qui suis tout pour Mory Kanté. Lorsque Mory se déplaçait pour venir à Kissidougou, quand il rentrait même à 1 heure du matin, c’est dans ma chambre que Mory Kanté prenait son premier sommeil. Pourtant, il a sa propre concession ici.

Guinéenews : est-ce  que vous vous souvenez de votre dernière conversation avec lui?

Elhadj Kamissoko : pas plus tard qu’avant hier, j’ai parlé avec mon neveu Mory Kanté. Il m’a envoyé 500.000 FG pour mon déjeuner en ce mois saint de ramadan. C’est jour-là, on a longuement causé. Et j’avais le plaisir d’avoir cet argent-là. Hier jeudi 22 mai 2020, je l’ai appelé très tôt, mais le jeune qui était à ses côtés, m’a dit que Mory est en train de dormir. A mon tour, j’ai dit au jeune garçon, de faire tout pour dire à Mory Kanté que je voulais juste l’entendre parler avec moi. Et le petit m’a dit qu’il fera tout pour transmettre mon message là. Donc, c’est après que j’ai dit à Aminata Kamissoko, sa cousine d’aller voir son grand frère Mory Kanté, parce qu’il ne se sent pas bien à l’heure-là. Ensuite Aminata est partie. Après trente minutes de cela, le mari de Aminata Kamissoko m’appelle pour me dire que Mory Kanté a tiré sa révérence. Mory Kanté était marié et il  laisse derrière lui quatorze enfants dont sept filles et sept garçons.

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