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Système politique guinéen : Les avatars du centralisme exécutif

Auteur : Youssouf Sylla, analyste-juriste, à Conakry.

En Guinée, les régimes se succèdent à la tête de l’Etat avec le même excès : un centralisme exécutif centripète et irradiant.

Celui-ci rend le chef de l’exécutif dans notre pays plus fort que ne l’est le président américain aux Etats Unis, pays pourtant réputé pour son présidentialisme prononcé. L’exécutif guinéen a quasiment la main mise sur tout, ce qui n’est pas le cas du président américain qui a légalement besoin de l’approbation du congrès pour la validation de certaines nominations. De plus, ce dernier peut-être démis de ses fonctions en cas de violation grave de la loi par le biais d’une procédure de mise en accusation initiée par la chambre des représentants (chambre basse) et entérinée par le sénat (chambre haute) du congrès. Donald Trump fait présentement face à une telle procédure.
Après 60 ans, force est de constater que la suprématie du pouvoir exécutif dans le dispositif constitutionnel est intenable. Il a fait plus de mal que de bien. Combien sont morts parmi les civils et les hommes en tenue autour des enjeux liés à une élection présidentielle ? Quel est l’état de notre cohésion sociale depuis l’ouverture de la fonction présidentielle à la libre concurrence ? Autant de questions qui méritent un examen froid et clinique de notre part.

Ce qui est en cause, c’est la nature même du centralisme exécutif de notre système politique. Compte tenu de son surdimensionnement par rapport aux autres pouvoirs constitutionnels, il favorise l’apparition de deux problèmes, source de nos malheurs. Le premier est l’accès inégal aux richesses de la nation, en faisant des gagnants et des perdants du système selon le régime en place. Le second, conséquence du premier, est la convoitise meurtrière de la fonction présidentielle avec son cortège d’alternance ethnique.

Le défi que nous devons collectivement relever pour neutraliser les effets dévastateurs de notre système politique (le sentiment d’exclusion développé par certains groupes sociaux face à un régime donné et la récurrence de la violence à caractère politique), c’est de le changer. Sinon le risque d’avoir à faire aux mêmes types de personnages malgré le changement du personnel exécutif sera constant.

Le véritable combat pour l’amélioration de notre démocratie doit plus se focaliser sur le système que sur la présence ou l’arrivée d’un homme providentiel.

Le nouveau modèle démocratique à promouvoir doit donc reposer sur deux imperatifs. Le premier est la prise en compte de l’immense besoin de chaque Guinéen qu’il soit du nord ou du sud, de se sentir impliqué d’une manière ou d’une autre dans la gestion des affaires publiques. Le second paradigme est la prise en compte par les instances de gouvernance politique de notre diversité socio culturelle. Cette diversité doit cesser d’être ce qu’elle est maintenant, une source de nos divisions, pour devenir ce qu’elle doit être, la source de notre complémentarité et de notre enrichissement mutuel.

Ces évolutions nécessitent l’émiettement et la déconstruction de notre centralisme exécutif. Celui-ci doit être vidé d’une partie essentielle de sa substance, de sa sève nourricière : la compétence exclusive de décider de l’exploitation des ressources nationales, objet de concurrence fratricide. L’exécutif central doit se concentrer sur les missions régaliennes de l’Etat : la justice, la défense, la diplomatie, etc. L’objectif visé par cette déconstruction est la diminution de la pression sur l’exécutif central par la création des exécutifs régionaux (solution minimaliste) ou alors des exécutifs fédéraux (solution maximaliste). Ces nouveaux pouvoirs exécutifs, selon le modèle retenu, doivent être dotés de l’autonomie nécessaire pour développer économiquement leurs territoires, à travers notamment la maîtrise des richesses qui s’y trouvent.

Dans un tel schéma institutionnel, où l’exécutif central est plus régulateur qu’interventionniste, on assistera mécaniquement à une réduction drastique de l’intérêt pour les fonctions de l’exécutif central et à regain d’intérêt pour les fonctions exécutives régionales ou fédérales plus proches des réalités socio économiques des populations.

Pour terminer, disons que la Guinée a besoin d’un changement de de son système politique dans son essence. Mais l’état de surchauffe dans lequel se trouve nos esprits présentement ne plaide peut peut-être pas en faveur d’un débat serein sur la question sur ces terrains.

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