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Soutien au Syli national : Entre célébration et désordre, une limite très ténue

Ceux qui soutiennent que le football est une religion des temps modernes ne se sont guère trompés.  Ce sport roi est des plus prenants qui soient, pour tous les peuples à travers le monde.  Il tient les individus dans une indéfectible passion qui finit par se transformer en addiction totale et profonde, source de toutes les grandeurs, mais aussi hélas, des excès les plus rebutants. L’histoire de notre pays le prouve à suffisance.

La Guinée, grande nation de football, a vu ce culte du cuir rond culminer en 1977, au stade du 28 septembre, par le sacre continental de son club mythique, le célèbre Hafia football club. Cette gloire a laissé une empreinte ineffable qui nous enorgueillit encore à ce jour. Au-delà du caractère festif qui en a découlé, cet événement exceptionnel a encore marqué les esprits par les choix historiques qui en ont découlé.  Il a permis au régime d’alors de décréter à la surprise générale, non seulement la libération de quelques prisonniers politiques du camp Boiro, mais aussi le rétablissement total des liens de coopération avec les pays limitrophes (Sénégal et Côte d’Ivoire) et la France, ancienne métropole, avec lesquels notre pays était séparé par une longue brouille idéologique. Ce revirement extraordinaire est une parfaite illustration  de la forte imbrication entre sport et politique, ou pour mieux dire de la grande incidence du football dans la vie des états et des nations. Cela se vérifie encore de nos jours.

L’inverse est aussi possible. Au lieu que ce soit de l’apaisement et un renforcement de liens, le football peut aussi susciter des contradictions appuyées entre les individus, mais aussi entre les états. Pour rester dans nos limites, nous rappellerons la tension qui a existé dans les années 1970, entre notre pays et la Côte d’Ivoire. L’un des moments forts, parmi les plus symboliques de cette brouille conjoncturelle, a été le match ASEC-Hafia. C’était en 1976, à Bouaké, si nos souvenirs sont exacts. Nous avions ressenti, jeune auditeur de la ’Voix de la Révolution’ que nous étions, à travers les reporters qui ont couvert la rencontre, l’environnement tendu, l’ambiance électrique, le défi à relever et l’immense pression sur chacune des deux équipes. Ce fut une rencontre épique d’une intense charge émotionnelle. Le risque d’embrasement était très élevé et on s’inquiétait de la survenue d’un quelconque incident sur le terrain. Mais, voilà, c’est du passé. Au delà de la grande angoisse, rien de grave ne survint.

En matière de sport, surtout le football, il n’y a pas que les nations à connaitre des crises cycliques. Même à l’échelle humaine, individuelle, les passions sont présentes. Pour une parole ou un commentaire de trop, pour un but marqué ou contesté, pour un sourire jugé narquois, on en vient souvent à la polémique, aux invectives, puis… à la violence, verbale ou physique. Tous les comportements, toutes les attitudes ou réactions sont envisageables pour le soutien de l’équipe que l’on ‘kife’. Hélas, les meilleurs de ceux-ci ne sont pas toujours les plus observés!

Là où l’engouement pour le ballon rond est stimulé au plus haut point, c’est lorsque sont promus, à grands coups de communication, les transferts ou salaires mirobolants de ses adeptes à l’international, ou que l’on vante la qualité exceptionnelle de leur niveau de vie. Il est facile alors de comprendre le mimétisme qui s’empare des jeunes qui font tout pour ressembler à ces modèles comblés et adulés. Dès lors, ils ne s’épargnent aucun sacrifice pour assouvir ce rêve d’une vie meilleure… même au prix d’un abandon scolaire, pour les plus jeunes, ou d’une traversée périlleuse de la méditerranée.

C’est tout le peuple qui accompagne et soutient son équipe nationale. Les mendiants même ne sont pas en reste. Cette année encore, ils ont tenu à verser un montant symbolique dans la tirelire du comité national de soutien institué par les autorités.

Mais, allons plus loin pour dire que le Chef de l’Etat en personne a toujours donné l’exemple le plus illustratif à citer. Il reçoit l’équipe dont il arbore le maillot, l’encourage et lui remet le tricolore national à  défendre. Le symbole est là, à son plus haut niveau !

Ce soutien à l’équipe nationale se traduit par un engouement général qui touche toutes les strates socio professionnelles de notre pays. A chacun de ses  engagements sur le terrain, c’est tout le peuple qui réagit à la fois. Ce qui entraîne de facto, un arrêt quasi total des activités. Pendant le temps que dure le match, le pays tourne au ralenti et l’économie, forcément, s’en ressent. Mais, personne pour s’en plaindre. Ce sacrifice, tout le monde le consent, de bon gré et de bon cœur.

C’est le moment sacré où toute contradiction cesse entre les citoyens. Même les malfaiteurs s’abstiennent de commettre des méfaits. Il n’y a plus, ni ethnie, ni parti politique, ni religion qui vaille. Seule la Guinée résonne dans le cœur de tous ses fils, tendus à l’idée de voir leur équipe nationale gagner, au nom de la patrie commune.

Cette formidable dynamique, porteuse de paix, d’unité et de progrès pour notre pays est entrain d’être travestie et foulée aux pieds par des individus dont le comportement est tout, sauf civique et responsable. Au nom d’un soit disant soutien au syli national, les voilà qui barrent la route aux gens, empêchent la circulation à grands renforts de cris et d’agitations. Ils poussent l’audace au point d’exiger des droits de passage et dépouiller quelquefois les usagers de leurs biens et numéraires. Tout cela occasionne des embouteillages monstres à travers la ville et crée de l’émoi chez les usagers qui se sentent en insécurité.

Le comble est atteint lorsque des mineurs des deux sexes s’en mêlent. Ils viennent apprendre tout, sauf de bonnes leçons, auprès de leurs aînés occupés à faire gratuitement du tord aux autres citoyens dans la rue. Au nom d’une cause noble qu’ils galvaudent et ternissent.

Sans aucune retenue, on les voit qui courent après les véhicules, s’y agrippent de tous les côtés, montent dans l’habitacle ou le coffre, s’asseyent sur le capot ou le toit et parfois réclament directement de l’argent au conducteur et aux occupants ou utilisent un euphémisme pour le faire, en parlant de ‘prix de l’eau’.

Chaque fois que nos dignes représentants doivent jouer, c’est ce spectacle désolant, soutenu par des coups de sifflets stridents et des cris et hurlements aigus, que nous vivons dans la capitale. Pendant ce temps, partout, le tricolore national flotte au vent, brandi à bout de bras, ou accroché sur les véhicules en circulation.

Mais, le problème ne se limite pas qu’à cette réalité. Il y a aussi les réactions après match qui sont en général imprévisibles. Que le jeu engagé se termine par une victoire ou une défaite, le risque est souvent le même. L’euphorie ou l’amertume peuvent conduire à tous les excès. Pire, si dans l’intervalle une coupure de courant se produit, l’anarchie s’installe aussitôt et l’émeute suit. Avec toutes les conséquences qui en découlent, si les forces de l’ordre tardent à intervenir.

Nous devons bannir tout cela de nos habitudes. Parents, autorités, responsables à tous les niveaux, chacun est interpellé. Notre jeunesse doit être  éduquée et sensibilisée.

Le soutien à notre équipe nationale doit se faire dans la dignité et la responsabilité, dans la discipline et le respect de l’ordre public. La recherche de toute victoire et de tout idéal national doit passer par là.

C’est cette dynamique empreinte de civisme que nous devons insuffler à nos jeunes. Pour qu’ils comprennent que c’est par ce biais que triomphe le syli national, cette équipe  pour laquelle, en notre nom, l’hymne national ‘Liberté’ résonne à travers le monde.

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