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Sortie d’Alpha Condé, 3e mandat, ses liens avec le RPG : l’ex-patron de la cellule de com. du gouvernement se confie à  Guinéenews

Souleymane Camara est un jeune cadre et soutien discret jusque-là du RPG ARC-EN-CIEL dont il continue de se réclamer et fièrement. Ancien Coordinateur de la Cellule de Communication du Gouvernement, il a également été Conseiller principal au Ministère de l’Information et de la Communication. Dans une interview accordée à Guinéenews, M. Camara salue la sortie d’Alpha Condé du pays pour des soins et dresse son regard sur la conduite de la transition en cours. 

Aussi, il rappelle ses rapports avec le RPG Arc-en-ciel, non sans évoquer ses souvenirs avec la Cellule de communication du gouvernement dont il a eu à assurer la coordination générale. Lisez plutôt !

Guineenews : l’ancien président de la république vient de quitter le pays pour des raisons de santé. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Souleymane Camara : à titre personnel, cette libération est un soulagement. Après plusieurs dizaines de jours sans nouvelles, ça a été réconfortant de le revoir ; même si par ailleurs, on l’a senti assez affaibli mais qu’importe au final, l’essentiel est ailleurs, j’ai envie de dire. L’histoire des coups d’État sur notre continent, et même ailleurs, nous enseigne que la fin aurait pu être toute autre.

Guinéenews : justement, 4 mois après la prise de pouvoir par l’armée, comment jugez-vous cette transition ?

Souleymane Camara : comme beaucoup, je reste sur ma faim, sur sa conduite mais surtout sur la direction dans laquelle nous allons. Il y a encore plusieurs zones d’ombre qu’il conviendrait de lever au plus tôt selon moi. Cela éviterait de créer des tensions inopportunes avec les différents acteurs. Je m’explique.

Tout d’abord, à ce jour, on ne sait toujours pas quelle sera la durée de cette transition. Ce manque de clarté, au Mali voisin, a finalement abouti à une proposition de 5 ans de transition qui a précipité le pays dans une situation dont on néglige trop peu les conséquences. A mon sens, plus tôt nous aurons cette donnée – assortie d’un chronogramme réaliste – mieux ce sera pour tout le monde. 

Ensuite, souvenons-nous que la charte stipule qu’aucun membre du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), y compris son président, ne pourra se présenter « ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées. Seulement, à ce jour, on ne sait toujours pas qui sont les membres du CNRD, donc par ricochet, nous ne savons pas quelles sont les personnes qui ne pourraient potentiellement pas prendre part aux joutes électorales à venir. Nous connaissons le président du CNRD mais pas qui sont les membres de la structure sur laquelle il exerce son autorité. Avouez que c’est tout de même curieux, non ?

Autre problème, la junte s’est donné plusieurs missions, à travers cette charte, parmi lesquelles la refondation de l’État, l’engagement de réformes économiques, politiques, électorales et administratives, l’élaboration d’une nouvelle Constitution et l’organisation des élections. Il convient de s’interroger si ces missions, d’un exécutif issu d’un coup d’État et dont la légitimité peut être remise en cause demain, sont de son ressort. Ne serait-il pas plus judicieux de s’en tenir à l’essentiel et laisser le soin à un régime plus légitime de mener ces batailles ? Je pose la question.

Enfin, quelle sera la composition de l’organe législatif de la transition que représente le CNT ? Sur ce point, d’autres l’ont dit avant moi, la junte doit prendre ses responsabilités et trancher. Des listes ont été déposées, des noms proposés, il faut prendre le taureau par les cornes et aller de l’avant. Ce n’est pas du ressort des autres acteurs de faire cet exercice-là. En tout cas, si l’on veut réellement faire avancer les choses.

Parmi les points au crédit de la junte, je salue la décision de mettre en place la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Je pense que, malheureusement, la gouvernance précédente aurait dû aller encore plus loin dans la lutte contre la corruption. Si la junte militaire n’en fait pas un instrument de règlement de comptes, et si les mis en cause bénéficient de tous les moyens légaux pour se défendre, cela pourrait créer un précédent positif pour notre pays.

Guinéenews : quels sont vos rapports avec le RPG Arc-en-ciel ?

Souleymane Camara : disons que j’en suis un fier partisan et cela, c’est de famille. J’ai pu modestement contribuer à certains travaux lorsque cela était nécessaire depuis mon retour en Guinée en 2014. Je reste persuadé que ce parti saura se relever et transcender les difficultés actuelles, pour se repositionner sur l’échiquier politique national.

D’ailleurs, les récents événements dramatiques que nous avons vécus en septembre dernier – et leurs conséquences – ont fini de me convaincre de la nécessité d’en faire davantage pour les prochaines décennies. La conviction je l’ai. J’espère avoir la force de la constance maintenant.  Je pense d’ailleurs que notre parti regorge de plusieurs talents qui ne demandent finalement qu’à émerger. C’est justement l’occasion de s’impliquer.

Guinéenews : le président du parti étant plus près de la fin de sa carrière politique que du début, comment voyez-vous l’avenir au sein de cette formation politique ?

Souleymane Camara : j’entrevois un avenir plein de défis à plusieurs niveaux mais radieux pour notre pays. On l’oublie souvent mais on parle très certainement d’un des plus grands partis de notre jeune histoire. A la fois dans le combat pour l’instauration d’une vraie démocratie mais aussi dans l’exercice du pouvoir. Sur ce point, je regrette d’ailleurs que, durant la campagne électorale de 2020, nous n’ayons pas suffisamment mis l’accent sur les résultats concrets de notre gouvernance. Pourtant, ils sont réels et palpables quotidiennement. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’amélioration de la desserte d’électricité dans le pays, les infrastructures construites, l’attraction de nombreux investissements dans le domaine minier notamment, la modernisation de l’administration, le recul de l’extrême pauvreté, etc. Gardons toujours à l’esprit d’où nous sommes partis pour aboutir à ces résultats.

Alors, évidemment tout n’a pas été réussi, et il faut l’accepter. Il faut également assumer et embrasser fièrement ce bilan parce que ce sont là des raisons objectives de demander à nos concitoyens de nous refaire confiance à l’avenir. 

Écoutez, il ne faut pas se le cacher ; je le disais tantôt, dans notre malheur, nous avons la chance d’avoir le leader historique du parti qui est en vie. Et ça, c’est une opportunité qu’il faut saisir pour nous restructurer de la base au sommet. Nous avons besoin d’une sorte de renouveau et cela passe par l’organisation d’un congrès qui devra sanctionner le renouvellement des structures mais pas que.

Par la suite, nous devons réécrire les prochaines pages de l’histoire du parti et cela passe par la (re)définition d’une nouvelle vision commune. Sur le plan idéologique par exemple, il conviendrait de déterminer si nous sommes encore un parti de gauche ou alors sommes-nous désormais de centre-gauche, ou carrément un parti libéral. 

De prime abord anecdotique, l’offre politique que nous proposerons à nos populations devra découler de cette position. Qui mieux que l’un des fondateurs du parti et leader historique pour chapeauter cette régénération et ce repositionnement stratégique ? Je suis fondamentalement convaincu que notre parti, et au-delà, notre pays, peut encore profiter de la grande expérience du président Alpha Condé.

Guinéenews: on ne vous a pas entendu sur le changement de constitution et sur le 3e mandat. Qu’en avez-vous pensé ?

Souleymane Camara : sur la question du changement constitutionnel, j’ai une position qui pourrait peut-être en surprendre plus d’un. Ceux qui me connaissent et ceux avec qui je parle de ces sujets savent que j’étais pour ce changement de Constitution. Je vous explique pourquoi. Et, soit dit en passant, je dissocie ce point de celui du 3e mandat.

D’abord, parce qu’il fallait définitivement donner une certaine légitimité à notre Constitution qui, rappelons-le, a été rédigée par un groupe de personnes désignées/nommées (comme aujourd’hui) et sans aucune base démocratique. A mon sens, c’est d’ailleurs quelque chose qui aurait dû être fait dès après l’élection de 2010. Nous aurions probablement eu plus d’adhésions, plus de consensus autour de cette loi fondamentale plutôt que ce à quoi nous avons assisté durant la campagne du référendum constitutionnel. Toutes ces pertes en vies humaines étaient évitables. Cela est regrettable et me laisse un sentiment de profonde tristesse.

Ensuite, parce qu’il était question d’adapter nos textes à des réalités plus actuelles, plus contemporaines, au profit de nos populations. Il était important de faire évoluer le rôle de certaines de nos institutions et d’en supprimer d’autres, afin d’optimiser les quelques ressources dont dispose notre pays. Purement et simplement. Ce sont là quelques raisons qui font que pour moi ce changement de Constitution était absolument nécessaire, mais j’aurais pu en citer d’autres.

Sur la question du 3e mandat, disons que je suis plus réservé, et pour de bonnes raisons. Tout d’abord, je commencerai par dire que le Pr Alpha Condé, en sa qualité de président sortant, avait toute la latitude d’être candidat à sa propre succession en 2020 ; sur le plan de la légalité, de la légitimité, en termes de résultats économiques (comme mentionnés plus haut), etc. Une fois que l’on a dit tout ça, est-ce qu’il fallait pour autant briguer une nouvelle mandature ? Le congrès du parti a tranché et a estimé que oui. A partir de là, il est normal de se ranger derrière cette décision et de taire toute voix contraire interne. C’est ça aussi la démocratie. 

A titre personnel, j’aurais préféré que nous fassions émerger une nouvelle génération de nouveaux leaders au sein du parti et que, par la suite, ceux-ci sollicitent les suffrages des militants pour poursuivre le travail et les chantiers brillamment lancés au cours des dix précédentes années. J’espère que nous apprendrons de cela et capitaliserons sur cette expérience pour les années futures.

Guinéenews: vous êtes ancien Coordinateur de la Cellule de Communication du Gouvernement. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Souleymane Camara : c’était une sacrée expérience et j’en garde un très bon souvenir ! J’ai eu la chance de bénéficier de la confiance de l’ancien ministre Damantang Albert Camara, alors porte-parole du gouvernement, et pu modestement contribuer à la gouvernance dans une position assez stratégique. Avec le temps, on se rend compte que l’on a quand-même pu mettre en place un système d’information moderne, assez fiable, solide, qui a survécu aux changements de ministres et même à un coup d’État. C’est pas mal, non ?

Guinéenews: Pour finir, on vous a vu ces derniers mois dans un registre totalement nouveau sur les plateaux de télé et radio en train de parler de foot. Vous pouvez nous en dire deux mots? 

Souleymane Camara : c’est peut-être nouveau pour vous mais laissez-moi vous dire que je suis capable de parler foot du matin au soir avec la même énergie et le même plaisir. J’ai grandi dans un environnement dans lequel nous faisions des débriefing déjà à l’époque tous les matchs avec beaucoup d’enthousiasme (voire de mauvaise foi) et ce n’était pas si différent de maintenant, les caméras en moins. Quand l’opportunité s’est présentée de le faire de temps à autre avec la formidable équipe de CIS Média, je ne me suis pas fait prier.

Entretien réalisé par Mady Bangoura
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