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Sociétés de gardiennage : quand le mauvais traitement salarial réduit les vigiles à la mendicité

Ils sont dans le quotidien des populations et des entreprises. Les vigiles sont sur les sites miniers, devant les bâtiments abritant des entreprises privées, des édifices publics, des établissements bancaires, dans les marchés, bref, partout dans le pays. Certains commencent dans les écoles de formation, d’autres directement sur le terrain où finissent pour les moins chanceux à l’hôpital (blessés graves), en prison ou dans la mendicité. Immersion dans ce monde où une sorte de loi du silence est en conflit permanent avec la volonté de dévoiler les insuffisances et de redorer l’image d’un secteur où se côtoient misère, amertume et espoir.

Vingt quatre heures sur vingt quatre, ils sont au travail ici à Kaloum (au quartier Manque-Pas) devant un magasin d’habits où démarre une nuit de travail pour le binôme Alkhaly et Souleymane. Il est 23 heures 30. Quand il est minuit, l’étape clé commence pour leur travail. Le portail est fermé, Alkhaly sa patrouille. Il fait la dernière vérification et prend position. La famille du vigile a appris à vivre avec ces nuits lourdes à la maison « Nous avons droit à 48 heures chez nous à domicile ». Avec la famille, ça se passe bien. Salaire ? Quand on aborde ce sujet, on se heurte à un mur. Face au sommeil, on fait du thé. Autour de ce thé, on entretient des rêves de s’en sortir un jour. Les rêves pleins la tête, Alkhaly et Soul vont poursuivre leur garde jusqu’au petit matin.

Quartier Dabondy2 (au quartier Makya Touré). Quartiers précaires aux habitations peu reluisantes. C’est ici que Mohamed C. vigile depuis 7 ans a pu louer un modeste appartement. Après 12 heures de garde, il retrouve sa maisonnée. Ce moment avec sa famille est le seul brin de soleil de bonheur dans son quotidien assombri par la souffrance et la misère d’un boulot difficile, sous payé et peu valorisant. « Je ne suis pas encore payé…Il faut faire avec. On vit mal… Vu notre misère par rapport au salaire. 500.000 à 800.000 francs guinéens…Avec toutes les charges à la maison !… C’est une triste réalité qui s’impose à nous ».

Pour Mohamed, les vigiles n’occupent pas que le bas de l’échelle sociale, ils sont les gens oubliés. Comme quoi, personne n’est sensible à leur cri de cœur, à leur souffrance qui les oblige souvent à faire la mendicité.

« Au travail, à nos différents postes, nous sommes réduits à la mendicité. On quémande de l’argent aux clients, aux visiteurs et aux passants parce qu’il y a la famille qui attend quelque chose à la maison. Nous sommes obligés de mendier pour arrondir les fins du mois…Il faut dire que les vigiles et les mendiants sont des collègues. Aucune différence entre ce que les mendiants font devant les mosquées, devant les bureaux ou dans les carrefours et ce que nous les vigiles faisons sur nos lieux de travail. Où est la dignité 

Il plaide pour leurs conditions de vie et le respect de leur droit. « Après les beaux discours des différents ministres du Travail et de l’Emploi, aucune action. Nous subissons de l’esclavage. Le mot n’est pas fort hein ! Menez vos enquêtes de façon très rigoureuse pour voir et comprendre l’enfer que vivent les vigiles. 12 ou 48 heures au péril de notre santé, de notre dignité pour avoir en retour un salaire de misère…Où est la dignité devant nos femmes et nos enfants 

Cette situation que vit Mohamed est commune à tous les vigiles du pays. Ce sont des travailleurs pauvres, qui vivent d’une précarité matérielle et sociale, caractérisée par des salaires très bas et irréguliers et en l’absence de toute couverture médicale. Entre la peur de perdre le peu qu’ils gagnent à la fin du mois et la volonté de voir changer leurs conditions de vie, certains vigiles ont fait le choix de solliciter en cachette des avocats et certains membres de la centrale syndicale.

Kamano F vigile pendant vingt ans. Après 21 jours en prison, il vient de recouvrer la liberté. Et quand on connaît la réclusion, l’enfer de la geôle comme lui, on respire chaque minute de liberté comme un privilège, comme une grâce. «Je suis très heureux …La liberté n’a pas de prix…ça n’a pas été facile pour moi. J’ai été arrêté suite à un braquage à mon service…J’étais innocent mais  bon… Que voulez-vous ? C’est le risque du travail. Être vigile, c’est être exposé à la prison, aux accidents, à toute sorte de danger».

En devenant vigile, Kamano voulait se défaire de la chaîne du chômage pour être indépendant, digne, mais le choix de ce métier l’a conduit tout droit derrière les barreaux. Si Kamano est libre, son ami, lui, croupit toujours en prison. La justice va-t-elle l’innocenter ou sera-t-il un autre oublié de notre système judiciaire ?

Selon notre enquête, la Guinée compte plus de 150  sociétés de vigiles. Le secteur est devenu l’un des principaux pourvoyeurs d’emploi du pays. Un emploi qui ne n’exige pas de qualification exceptionnelle. Il suffit de savoir lire et écrire. Pour les entreprises les plus exigeantes, le niveau minimum de 10ème année est demandé. Un bémol cependant, une entreprise sur cinquante dispose d’un agrément lui conférant la reconnaissance de l’Etat. Toutes ces entreprises bénéficient des marchés publics et infligent un traitement salarial en dichotomie avec le code du travail. Les agents de sécurité privée apparaissent comme des travailleurs au noir, qui ne bénéficient d’aucune protection. Dans ce cas là, les entreprises agréées subissent fortement les effets négatifs de cette concurrence déloyale sur leurs activités et sont obligées d’aligner leurs salaires au plus bas possible.

Il ressort que ce secteur d’activité, quoique réglementé en théorie, fonctionne en pratique dans le désordre attentatoire au droit du travailleur, toute chose qui démontre que dans ce secteur il y a des problèmes.

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