On avait voulu conserver le secret jusqu’à la parution d’un livre intitulé « Guinée, les grandes galéjades de l’histoire », mais la situation est critique, il est temps d’éclairer la lanterne des générations montantes. La haine entre Peuls et Malinkés est si attisée en ce moment qu’il faut sortir la vérité bien dissimulée par certains intellectuels et falsificateurs de l’histoire pour empêcher l’apaisement et la concorde nationale. Sans apaisement social, les générations actuelles et celles qui montent endureront le même calvaire sinon plus que celui des générations qui se sont succédé depuis 1958.
L’histoire d’aucune grande nation ne s’est écrite seulement qu’à l’encre. La Révolution Française de 1789 a mis fin à l’autorité absolue de la monarchie pour permettre à la république française de devenir ce qu’elle est actuellement, une grande nation unie et forte. On l’a vu lors de l’hommage touchant rendu au lieutenant-colonel Arnaud Belmane, colonel à titre posthume. Mais avant d’en arriver au point où est la France, que des choses se sont passées sur son sol !
Dans l’histoire de la Révolution française de Michelet, il est dit dans la préface de Claude Mettra ; « Ce qui se passait à La Bastille dépassait l’imagination en matière de violations des droits humains. Tous les moyens de torture étaient entre les mains des Jésuites et des administrateurs des départements des prisons d’Etat, aux grands supplices des protestants, des Jansénistes et de ceux qui ne faisaient pas partie de la noblesse… »
Peut-on assimiler cela à ce qui s’est passé au Camp Boiro ? La cruauté étant le propre de l’homme, ce qui lui est intrinsèque, c’est-à-dire sa spéciéité, ce n’est pas l’ingéniosité des tortures, qui dépassait l’entendement à la Bastille, qui est à souligner, mais la facilité avec laquelle on embastillait les hommes.
« On dit que Saint Florentin, le chef du département des prisons d’Etat a donné généreusement 50000 lettres de cachet en blanc à son entourage (si vous voulez des blanc-seing ou des visas d’entrée gratuite à la Bastille). Le roi aussi ne refusait pas de donner ces lettres de cachet en blanc à un seigneur ou à un courtisan qui en voulait à quelqu’un d’autre ou à une dame capricieuse, ou à une dame de la haute société qui en voulait à quelqu’un … » (et comme la femme peut être… on va s’arrêter là pour ne pas être taxé de macho par la reine en blanc (Alice au pays des merveilles …)
« A La Bastille, les Jésuites et les aumôniers en soutane de la spiritualité se payaient du bon temps avec des prisonnières qui avaient eu le toupet et l’outrecuidance de refuser des faveurs à un seigneur. «
Si on revient en Guinée, au Camp Boiro, on se demanderait pourquoi Nènè Kassé, une belle fille de Dixinn-foula ( que Dieu elle était belle), une hôtesse de l’air, a été enfermée en état de famille jusqu’à l’accouchement, parce qu’elle avait préféré un Béninois à un Guinéen ?
« A la Bastille, celles qui ne cédaient pas étaient affamées. Des enfants y étaient nés, raconte-t-on, des enfants des Jésuites et des aumôniers. »
L’Eglise s’est trop longtemps tue sur les effets pervers de ses serviteurs. Le pape François ne sait à quel Saint se vouer pour réparer les dégâts.
On ne peut pas parler de la période des terreurs et de tout ce qui s’est passé en France, mais quand les paysans et le peuple de la rue ont pris le pouvoir, ils ont exigé la tête de la monarchie et ils ont obtenu celles de Louis XVI et de Marie-Antoinette… Cela n’a pas empêché les Français de former une république.
Voilà l’origine et l’inspiration du fameux chiffre de 50000 morts du Camp Boiro, chiffre spécieux qui a intoxiqué l’opinion nationale et internationale pendant des décennies, une épine dans le pied du PDG, qui ne savait comment l’ôter. Il faut reconnaître que l’esprit subtile qui a trouvé ce chiffre avait vu bien des similitudes entre La Bastille et le Camp Boiro, qui avait aussi son « Saint Florentin ». L’association des parents et victimes du camp Boiro ne sait pas comment ce chiffre est tombé, elle une liste qui n’atteint pas 200 noms, mais elle cite ce chiffre 50000 à tout vent.
Même dans la douleur des deuils non encore élucidés, non encore entamés, il faut garder une certaine grandeur. Les descendants de Sékou Touré n’en étaient et n’y étaient pour rien, ils n’en savaient rien. On peut dire que même Madame André n’en savait pas tout. Sékou Touré n’était pas homme à mêler ses proches aux affaires de l’Etat, à supposer qu’il savait tout, lui aussi. Il y a eu des règlements de compte en sourdine, l’on a torturé certains pour qu’ils dénoncent d’autres. Tout le monde savait cela, ce qui fait dire que des gens pouvaient être envoyés au Camp Boiro sans que les autres membres du BPN ne soient au courant. Le cas d’Emile Cissé et de Fatou Aribot est une démonstration éloquente que le système du PDG était un panier de crabes dans lequel l’on se donnait des coups de pinces méchants…
Si le peuple français s’est relevé, le peuple de Guinée le pourrait, également, mais tant que la rancune perdure parce que rien n’est élucidé, rien ne sera élucidé s’il n’y a pas une réconciliation et tant que la politique politicienne véhiculera le manichéisme dans chaque camp, la Guinée sera un vide dans la continuité, un vacuum dans le continuum. Nous en avons pâti, si nos enfants le devront aussi, ce ne sera plus le Supplice de Tantale mais la malédiction dans le pays de cocagne..
Ceci dit, qui n’a pas été victime des abus de la Révolution de Sékou Touré ? Le vieux Sidibé, le seul qu’on respectait, a passé toute la journée exposé au Palais du Peuple pour rien, dans l’affaire SOCOTAL (société de commerce des tabacs et allumettes). Le vieil avocat Bachirou vit toujours. Votre narrateur a fait 3 fois la taule. Une fois à la PU, en 1975, pour 9 jours, brrrr !! (police urbaine, l’actuelle commissariat central), une fois au commissariat de Cameroun pour 3 jours, l’actuel CMIS et une fois encore au commissariat du 11ème de Dabondy, pour 5 jours. Il y a eu une trêve sous Lansana Conté, elle sera rompue sous Dadis Camara, en 2009, encore pour 9 jours dans les locaux des Services spéciaux. Le colonel Tiégboro est témoin.
Le pardon doit animer les Guinéens pour que leurs enfants se développent en harmonie. Qu’ont servi toutes ces guéguerres pendant tout ce temps ? Mourir dans la haine et sans vengeance ou partir avec le pardon afin de réclamer la miséricorde de Dieu pour les devanciers ? Qui ne pardonne pas ne peut pas implorer le pardon.