L’histoire de la Guinée est aussi marquée par une réalité singulièrement guinéenne comparée à certains de ses voisins de la sous-région : l’indisposition de ses élites politiques à s’employer en faveur du développement local de leurs régions d’origine.
Alors que le premier président du pays avait tous les pouvoirs en mains, à une époque où la simple affirmation d’une idée de bipartisme était considérée comme un crime de lèse-majesté, Sékou Touré pourtant ressortissant de la préfecture de Faranah, n’avait rien fait pour drainer une partie des ressources du pays vers le financement projets de développement en direction de cette région de la Haute Guinée.
Fait somme toute très curieux quand on voit qu’à la même époque, son voisin de la Côte d’Ivoire, l’ex-président Félix Houphouët-Boigny, engageait d’importants projets d’infrastructures (routes, ponts, adduction d’eau, construction de bâtiments publics, etc.) en faveur de sa ville natale, Yamoussoukro. Et l’on se souvient en particulier, de cet ouvrage gigantesque qu’il avait fait construire dans cette ville, la basilique Notre-Dame de la Paix, considérée être à l’époque comme la plus spectaculaire au monde. Évidemment, il va sans dire que sous le premier régime, le président Sékou Touré n’ayant fait cela lui-même, on ne pouvait imaginer un autre membre du gouvernement révolutionnaire guinéen le faire, tant les risques encourus étaient grands et suicidaires. On ne peut ignorer quand même qu’à sa mort en 1984, il avait laissé beaucoup d’acquis en termes d’unités industrielles, d’agriculture, de respect de l’autorité de l’Etat, de décentralisation, citoyenneté, d’enseignements…qui ont été rasés par le comité militaire de redressement national (CMRN) au profit d’un libéralisme irréfléchi après la prise du pouvoir par l’armée.
Suite à la mort de Sékou Touré en 1984, le nouveau gouvernement qui a été mis en place par le CMRN ne s’est pas non plus illustré comme un exemple dans ce domaine. Le général Lansana Conté lui-même ne s’était pas très distingué en la matière, mis à part quelques petites interventions sur l’axe national Conakry-Boké, notamment la construction d’un pont sur Fatala, où antérieurement, le franchissement de ce fleuve était assuré par un traversier (bac). Même si, par la suite, Conté s’est investi à développer un domaine agricole dans son village situé à Gbantama, préfecture de Boffa, on ne peut pas vraiment dire qu’il avait eu l’ambition de développer sa région natale en y affectant d’énormes ressources budgétaires en vue de financer des infrastructures importantes, créer de l’emploi pour les jeunes et femmes en vue de garantir leur autonomisation.
Aussi, on n’a pas vu non plus se distinguer certains de ses ministres par rapport à lui, en portant eux-mêmes des projets de développement en faveur de leurs régions d’origine. Sous les régimes de Sekou Touré, militaires de Conté, du CNDD (conseil National pour la démocratie et le développement) du capitaine Moussa Dadis Camara et Du général Sekouba Konaté et celui d’Alpha Condé, on a par exemple connu différents premiers ministres ressortissants de différentes régions de la Guinée dont la Basse Côte (Sidya Touré, Mohamed Saïd Fofana, Mamadi Youla, Kassory Fofana), le Fouta (Cellou Dalein Diallo), la Haute Guinée (Lansana Kouyaté, Kabiné Komara), la Guinée Forestière (Lansana Beavogui, Eugène Camara et Jean Marie Doré). Mais nous n’avons vu aucun de ces premiers ministres s’investir particulièrement en faveur du développement de leurs régions d’origine. Il suffit encore aujourd’hui de parcourir le pays pour voir concrètement quel est le niveau de développement des villes natales des principaux dignitaires des régimes que notre pays a connus.
Certaines de ces villes sont inaccessibles tant la qualité des infrastructures routières d’accès reste à désirer. D’autres n’ont toujours pas d’eau potable, ni d’électricité et encore moins de centres de santé. Mais est-ce vraiment étonnant tout cela, quand on voit que nos gouvernants n’ont même pas été capables de restructurer adéquatement la capitale du pays, où les habitats insalubres prolifèrent encore, où il manque toujours des infrastructures d’assainissement, des centres sanitaires adéquats, des routes urbaines praticables, de l’électricité courante, etc., mêmes si des efforts ont été constatés ces derniers années ?
Par exemple, à un moment donné de sa gouvernance, Lansana Conté, dans la nomination des préfets et gouverneurs avait misé sur les natifs de chaque région dans le but de les pousser à développer leurs contrées, sans succès. Car ces derniers étaient tous attirés par l’enrichissement illicite et personnel à cause du manque de redevabilité et d’imputabilité comme principes d’une bonne gouvernance.
Par ailleurs, au cours des dix années de la gouvernance d’Alpha Condé, on constate toujours que les élites politiques de notre pays n’ont pas encore fléchi face à cette tentation de favoriser de manière incontestable le développement de leurs villes ou villages d’origine par rapport aux autres contrées du pays. C’est vrai que parfois, on a pu voir quelques initiatives éphémères du président de la république en faveur de son fief militant. La ville de Kankan a par exemple connu quelques bricolages ces dernières années pour des fins politiciennes. Mais on ne peut pas comparer cela à un véritable engagement en faveur de la transformation de cette ville magnifique. Le développement de Kouroussa, la ville d’origine du président guinéen, laisse à désirer.
Pareil pour les ministres du gouvernement. Aucun ne peut être cité pour avoir voulu drainer les ressources du pays pour développer sa région natale. À cet égard, le cas de la Guinée Maritime est spectaculaire. Cette région a connu trois premiers ministres ces dix dernières années. Mais le cerveau d’aucun n’a été effleuré par la moindre idée de négocier quelques contrats en faveur du développement de sa région. L’analyse des raisons de « l’engagement en politique » dans notre pays nous permet d’affirmer que nos élites n’ont rien à faire du développement de leur pays et encore moins de quelques régions ou parcelles de son territoire.
Ce qui ambitionne les cadres guinéens, du moins pour la plupart, c’est l’accaparement des richesses et l’investissement des sommes acquises à l’étranger par des méthodes peu recommandables, dans des pays où il y a un minimum de droit. Convaincus d’avoir détruit leur propre pays et compromis son avenir, ils ne veulent y prendre aucun risque. Ils préfèrent donc exporter leurs avoirs souvent mal acquis pour les condamner dans les banques des nations bénies. Après leur mort, toutes ces richesses deviennent propriétés de ces banques lesquelles souvent, refusent même de les restituer à leurs familles. Quel gâchis ! « Le bien mal acquis ne profite jamais », dit un proverbe.
Quelle solution pour en sortir ?
Évidemment, une révolution des esprits et des consciences malades, une reprise en mains des responsabilités, un changement de notre philosophie pour la gestion de la chose publique. Un renforcement de l’éducation et de la morale républicaine, une assimilation de l’idée du « sentiment national ». Bref, une culture de l’amour de la patrie.
C’est dans cette perspective que les associations de ressortissants de plusieurs préfectures de la Guinée s’engagent à s’investir pour le développement des leurs. Une initiative que même Baidy Aribot, le deuxième vice-gouverneur de la Banque centrale de la République de Guinée et certains nouveaux députés dont Zenab Camara (Boffa), Bill Sylla (Matoto) et Kassapa Touré (Forécariah) qui ont eux aussi compris. Ils veulent s’investir désormais pour le développement à la base via des activités génératrices de revenus en faveur de leurs communautés et de leurs régions respectives qui sont la risée des autres de la Guinée. C’est ce qu’a indiqué ces personnalités politiques à Guinéenews qui ont effectué une prise de contact à Forécariah, la semaine ce qui constitue selon elles la première étape d’une série de visite de détersion de ce genre dans les prochains jours. Réussiront-ils ?
En tout cas, c’est par cette voie seulement qu’il sera possible pour les Guinéens et les Guinéennes de voir le firmament.