Dans nos précédentes éditions, votre quotidien électronique, Guinéenews©, a révélé un recrutement de 136 enseignants à la fonction publique sans l’organisation d’un concours pour, dit-on, des nécessité de service. En réaction, le syndicat de l’éducation est monté au créneau pour fustiger ce qu’il qualifie de « recrutement fantaisiste » et le ministère de tutelle s’est justifié.
Cependant, en analysant ces deux réponses, il est difficile de dire, aujourd’hui avec certitude, qui dit vrai ou faux, tant les réponses des uns sont en contradiction avec les réserves des autres.
Tenez, pour ce cas particulier des fonctionnaires recrutés et ventilés dans cinq départements, le secrétaire général du ministère de la fonction publique, Eugène Yomalo, a sa version toute faite. Pour lui, le gouvernement a recruté ces jeunes sans concours pour régulariser la situation de leur collectif, dont les membres étaient en attente d’être engagés entre 2005 et 2010.
Archifaux, répond le syndicat de l’éducation contacté par Guinéenews. « Ce recrutement ne répond à aucun critère légal. Or, la loi L028 est claire : Ne peut officiellement intégrer la fonction publique, que tout admis à un concours de recrutement organisé dans les règles de l’art. Mais tel n’est pas le cas pour ce cas précis. Aujourd’hui, on veut se cacher derrière un prétexte, selon lequel ce recrutement concerne des candidats en attente entre 2005 et 2010. »
Première preuve que ce recrutement semble douteux, le syndicat de l’éducation donne des détails. « La vérité, ils ont recruté ces enseignants pendant la dernière grève syndicale pour suppléer nos absences. La plupart des recrues sont des militants du RPG-Arc-en-ciel ou des assistants et des substituts. Nous connaissons des admis dans le quartier, qu’ils disent être en attente entre 2005 et 2010, qui, au moment des faits, devaient être sur les bancs d’école », note le syndicat.
Deuxième preuve, c’est le Secrétaire général du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SECG), Aboubacar Soumah, qui a dénoncé un « recrutement fantaisiste » sans aucune base légale. « Ces nouvelles recrues affectées à l’Education ne sont ni des sortants de l’Institut Supérieur des Sciences de l’Education de Guinée (ISSECG), encore moins de l’Ecole Nationale des Instituteurs (ENI). Pire, elles n’ont aucun niveau. Certains parmi elles sont incapables d’écrire leurs propres noms. Nous sommes contre ce recrutement », a-t-il dénoncé en substance.
Des recrues incapables d’écrire leurs propres noms ? « Oui », a confirmé un responsable d’une école de Kipé. « Ils nous ont envoyés ici des enseignants, mais je ne peux pas les accepter. D’abord, ils n’ont pas de niveau. Mais plus grave, en les acceptant, je risque d’avoir des problèmes avec les titulaires parce qu’ils sont mieux payés et d’une hiérarchie élevée. Nous avons des assistants qui n’ont que deux heures de cours. Ceux-là chôment faute de place », dit-il.
Outre ces recrues, il y a une catégorie d’enseignants qui ont obtenu leur arrêté d’engagement mais qui ne sont pas opérationnels pour l’heure. C’est par exemple, le cas d’un des propagandistes du RPG, affecté à Ratoma, qui vient de bénéficier d’une liberté provisoire après une nuit à la maison centrale. Il passe son temps à lancer des messages de haine sur les réseaux sociaux. Et ce sont ces propagandistes, qui seront appelés demain à former nos élèves.
En tout état de cause, si comme le dit le ministère de la fonction publique, ce cas particulier des enseignants a été engagé, sur la base d’un accord signé entre les différents partenaires, en violation des règles en la matière, pourquoi n’ont-ils pas communiqué auparavant ? Pourquoi avoir recruté en pleine grève syndicale, alors que les écoles étaient fermées ? Si une commission a examiné les diplômes, comment a-t-on recruté ces enseignants de faible niveau ?
Le hic, dans ce recrutement est que le ministère de la fonction publique n’a pas communiqué. Pourtant, en pleine transition militaire, en mai 2010 plus précisément, le premier ministre d’alors, Jean Marie Doré, par souci de transparence, était passé devant la presse pour annoncer la libération d’une centaine de mineurs, illégalement détenus dans les geôles de Conakry, faute de jugement. Les uns avaient fait deux ans de prison de plus. D’autres trois ans.
Si Jean Marie Doré n’avait pas le souci de transparence, il aurait pu, lui aussi, libérer ces détenus sans en informer la presse. Et il avait des raisons puisqu’il s’agissait des mineurs en détention illégale.
Prochainement, nous reviendrons sur les explications détaillées du ministère de la fonction publique et nos enquêtes dans un lycée de Conakry, suspecté d’être à la base de ce recrutement.