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Said Djinnit se prononce sur la transition en Guinée. Qu’en est-il de la crédibilité de ce médiateur dans les crises africaines?

Youssouf Sylla, analyste.

Dans son édition du 9 avril 2022, Jeune Afrique publie une interview exclusive de Said Djinnit sur la transition en Guinée. Diplomate algérien, ancien commissaire pour la paix et la sécurité de l’Union Africaine et médiateur de l’ONU dans la région des Grands Lacs et dans le dialogue inter guinéen dans les années 2010, Said Djnnit vient de publier un livre sur la crise politique guinéenne en 2013, intitulé « Le dialogue à tout prix: Au coeur de la crise politique de 2013 en Guinée ».

Dans cette interview, il invite à une transition éclair en Guinée et regrette la récusation par les autorités guinéennes du médiateur ghanéen, Ibn Chambas, son ami, confie t-il dans les colonnes de J.A. Il estime en outre, que l’irruption des militaires sur la scène politique est une mauvaise solution aux vrais problèmes de la Guinée.

Le ton utilisé par Djinnit dans cette interview, convient-il de le remarquer, rompt avec le devoir de reserve reconnu chez un diplomate chevronné, surtout dans un dossier non encore refroidi dans lequel il a auparavant joué un rôle. Le ton rompt également avec la circonspection qu’exige de la part d’une personnalité de son rang, l’analyse d’un dossier malgré tout complexe.

Mais qu’en est il de la crédibilité passée de Said Djinnit dans les dossiers chauds de médiation en Afrique? C’est une crédibilité du moins sulfureuse dans certains cas, comme l’atteste son rôle trouble dans la crise burundaise. Il a été purement et simplement éjecté du dossier burundais à cause de son attitude jugée trop partiale par l’opposition. De son vivant, Jean Marie Doré lui fera la même remarque en Guinée. Dans sa défense, Said Djinnit dira dans un entretien accordé à Jeune Afrique, le 24 juin 2015, que « M. Doré ne représente pas l’opposition guinéenne. Il n’est pas un acteur essentiel dans le processus de transition ». Ce qui est de toute évidence une contre-vérité, lorsqu’on sait que M. Doré était, en sa qualité de Premier ministre du gouvernement de la transition qui avait permis en 2010, le transfert du pouvoir aux autorites civiles élues, une pièce essentielle de la transition. Preuve est ainsi donnée dans ces deux précédents, burundais et guinéen, que Djnnit s’était illustré par sa partialité et le mensonge. Deux vilains défauts qui affectent forcément la crédibilité de tout médiateur digne de ce nom.

Toutefois, en Guinée et ailleurs en Afrique, le recours à la médiation internationale doit être une option extraordinaire pour permettre aux acteurs internes, en cas d’un déficit important de confiance, de surmonter leurs difficultés dans la résolution d’une crise majeure. Pour accroître les chances de succès d’une médiation, la recette est bien connue, le médiateur choisi doit avoir la confiance des parties. C’est l’essence même de la mediation.

En effet, si la transition militaire a pour vocation de permettre le passage d’un état d’exception à un autre état de normalité constitutionnelle, cette transition devrait être conduite à l’intérieur d’un délai raisonnable pour rencontrer à la fois la ferveur populaire et l’accompagnement de la communauté internationale. Il convient donc, en interne, de discuter, de définir consensuellement et en toute responsabilité ce délai pour plus de visibilité. Mais vouloir l’écourter à tout prix comme l’indique Said Djinnit, sachant au préalable que l’état d’exception est en réalité le résultat de l’incurie du pouvoir civil déchu, revient à recréer tout le contexte qui a prévalu à la prise de pouvoir par l’armée. Said Djinnit, malgré son expérience, élude cette analyse et invite plutôt à un saut lapidaire dans l’inconnu.

En prenant une telle position, Djinnit confirme qu’il est le prototype de ces fonctionnaires internationaux des organisations africaines (UA, CEDEAO), en rupture totale avec les réalités africaines et sévèrement critiqués aujourd’hui pour leur familiarité avec les pouvoirs autocratiques, qui n’ont que faire des revendications légitimes des peuples en faveur de la democratie et de la bonne gouvernance.

Pour être en phase avec l’evolution des mentalités en Afrique, il est temps, pour être pertinents, que les médiateurs africains s’interrogent sur les rapports personnels qu’ils entretiennent avec les parties en conflit, qu’ils repensent les outils qu’ils utilisent dans leur médiation et surtout, qu’ils revoient leurs grilles de lecture des crises politiques en Afrique

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