Comme souvent, les manifestations de protestations sociopolitiques sont réprimées dans le sang le long de l’autoroute Le Prince à Conakry, notamment dans sa partie ouest. Une visite dans le quartier Cosa ce jeudi a permis à Guinéenews de constater les séquelles de ces exactions qui se sont abattues sur les populations de la zone entre lundi et mercredi.
A l’intérieur de ce quartier, c’est une autre réalité qui n’a rien à voir avec le traditionnel affrontement ente agents en uniforme et jeunes protestataires. L’émotion est à son comble. Le choc est grand. La désolation est totale. La famille de Mamadou Aliou Diallo, 28 ans, tué par balle le lundi après-midi est un des nombreux exemples. C’est seulement aujourd’hui que les parents du défunt sont parvenus un tant soit peu à dompter leur douleur en recevant les condoléances d’usage.
Dans la concession, les hommes avec le père « malade » d’un côté et les femmes d’un autre avec la mère du défunt. Madame Kadiatou Diallo, visiblement affligée sort de la modeste maison familiale et trouve la force nécessaire pour faire un témoignage au micro de Guineenews.
« Ils me l’ont pris… C’est le choc que je vis. Parce que c’est lui qui m’assistait dans mes activités commerciales. Il faisait tout pour moi. Même les achats, c’est lui qui allait les faire pour moi. Cela peut faire un an voire deux sans que je ne me déplace (voyage à l’intérieur du pays ndlr)… », confie la mère qui sait qu’elle doit se passer pour de bon de ces services de son fils qui ne l’a «jamais désobéit ».
Plus loin dans son récit, la mère de feu Mamadou Aliou Diallo revient sur les derniers moments qu’elle a partagés avec son fils sorti pour toujours. Personne ne le savait, mais c’est désormais connu de tous. Quand il est reparti de la maison après son retour de la mosquée où il aurait fait la prière de quatorze (14) heures, ce n’était pas pour aller aux nouvelles d’un de ses amis blessés par balle comme il le pensait. Il était parti pour toujours. Hélas !
Toujours sous le choc, madame Kadiatou Diallo veut quand même voir le bourreau de son fils. Avec insistance, elle demande que le meurtrier soit retrouvé pour que ce dernier lui dise la raison de son acte.
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Surtout que, selon ce qui lui aurait été rapporté, son fils n’aurait pas été tué par erreur, encore moins par hasard. Elle dit être curieuse donc de savoir « pourquoi il (le bourreau ndlr) l’a tué », après en avoir déclaré l’intention. D’autant plus qu’à ses dires, son fils n’avait de problème avec personne. Elle persiste et signe : « jamais quelqu’un n’est venu se plaindre de lui chez moi, pour vol, cambriolage ou endettement…»
Plus loin, dans ce vaste quartier dont l’intérieur est totalement enclavé, au bout d’un labyrinthe, une autre modeste maison parmi tant d’autres. Là, rapporte-t-on à Guinéenews, vivait Thierno Mamadou Kalilou Diallo, tué le mardi 15 octobre vers les rails. Non loin de l’école publique du quartier, près des rails…
Là aussi, le frère de la victime, Mamadou Kalidou Diallo et les voisins sont unanimes : « Thierno » comme on l’appelait en famille, n’avait rien à voir avec les manifestants, encore moyen des loubards. D’ailleurs, il était souffrant ce jour-là, apprend-on. Et c’est pour aller aux toilettes que l’intéressé serait sorti de la maison, la bouilloire dans la main. A son bourreau qui lui aurait posé la question de savoir ce qu’il faisait là, il aurait répondu être chez lui. Et qu’il venait juste de sortir du lit, parce que souffrant d’un mal de dent.
Mais, rapporte les témoins, cela n’a pas suffi. Son bourreau qui était venu pour le tuer lui aurait tiré dessus, quand il était à l’intérieur de toilette. Le sang reste encore visible au sol.
De façon unanime, le défunt est décrit comme un homme sans problème. Le prototype d’un médecin en devenir. Mais dont la jeune carrière est stoppée net par un tueur « en uniforme » et muni « d’arme de guerre ». Pendant ce temps, les autorités civiles et militaires du pays jurent par tous les dieux que les agents chargés du maintien d’ordre le font avec les « armes conventionnelles » non létales.
Même si avec des douilles retrouvées partout dans la zone prestement, les nombreux blessés par balles et les témoignages concordants sur le port d’armes de guerre par les agents, cette thèse devient de plus en plus indéfendable. D’où le virage à 180 degré des autorités qui, hier mercredi, admettaient finalement le chiffre de 9 morts au lieu de deux, avant d’annoncer l’ouverture des enquêtes.