Dernières Nouvelles de la Guinée par les Guinéens
Pub Elysian

Religion: à la découverte de Saint Alexis, ce village chrétien au cœur de Siguiri

Saint Alexis est un quartier de la commune urbaine de Siguiri peuplé de plus de 6500 âmes. De son nom originel Sölouba, ce village a été fondé en 1902 par Diatéba Keita (baptisé Casimir Keita) et Doubadiabi Condé (devenu Adrien Condé), tous deux issus des sofas de l’Almamy Samory Touré.

Depuis cette date, la communauté chrétienne de Saint Alexis a toujours entretenu de très bons rapports de voisinage avec celle musulmane et autre animiste du reste de Siguiri, soit plus d’un siècle de cohésion sociale.

A travers ce reportage, Guinéenews promène dans les méandres de l’histoire de Saint Alexis et vous amène à la découverte des habitants qui le peuplent.

Claude Sidibé est un professeur de physique aujourd’hui à la retraite. Selon ce doyen de Saint Alexis, la localité était autrefois appelée

Sölouba, lui-même tirant son nom d’un arbre de la savane appelé Sö. « Et puisque toute la contrée était constituée de cet arbre, on a appelé la localité Sölouba », place-t-il d’emblée.

Les fondateurs de Saint Alexis 

Fondamentalement, le Doyen Claude Sidibé retient deux fondateurs du village,  tous des anciens sofas de l’Almamy Samory Touré et qui, après l’épopée de l’Almamy, se sont dispersés.

« Beaucoup ne pouvaient plus retrouver chez eux. Alors, les deux hommes se sont rencontrés comme ça dans cette contrée de Siguiri », rapporte M. Claude Sidibé aujourd’hui malvoyant non sans rappeler que beaucoup d’autres grands parents ou parents sont venus d’autres localités, dont Bananinkoro, Danka et Fadjogola.

Situation géographique de Saint Alexis 

Situé à environ 3 kilomètres du chef-lieu de la préfecture, Saint Alexis est entouré de deux importants villages : le premier village, c’est Kourouni, à environ 1 kilomètre et demi de St Alexis, et le second, Mpèla.

Administrativement, Saint Alexis avait le statut d’un secteur alors placé sous l’autorité du quartier Kourouni 1 jusqu’à une époque relativement récente. Il a fallu attendre 2018 pour qu’il soit enfin érigé en quartier, avec pour premier responsable M. Jules Keita.

Selon le Doyen Claude Sidibé l’un des deux fondateurs, Diatéba Keita, patriarche des Keita et alliés, était établi à Kourouni et l’autre, Doubadiabi Condé, patriarche des Condé et alliés, basé à Mpèla, à deux kilomètres.

« Déjà installés à Kourouni et à Mpèla, un jour, ils étaient en promenade, ils se sont retrouvés par hasard à Sölouba. L’endroit leur a plu et ils ont cherché à s’y installer. En ce temps, tout Siguiri était sous la coupole d’une famille : la famille des Magassouba qui règne toujours sur Siguiri et qu’on appelle Djamanatiguila (la concession du Djamanatigui, chef de la contrée de Siguiri) », rappelle notre interlocuteur.

A en croire M. Sidibé, ces deux ont eu à l’idée d’attacher les noix de kola et d’aller vers ces Magassouba qui leur ont accordé la contrée de Sölouba où ils s’installèrent en 1902.

« C’est ainsi que le village a été fondé tout au départ par les deux hommes. Et tous ceux qui sont venus après, se sont ajoutés à ces deux-là. Mais déjà, le christianisme avait commencé à s’installer », nous confie M. Claude Sidibé.

De sa venue au catholicisme et de son passage de Sölouba à Saint Alexis

Selon les informations recueillies sur place, les deux premiers catéchistes à s’installer à Sölouba s’appelaient Magloire Condé et Célestin Sidibé. Mais avant leur installation, les premiers parents allaient jusqu’à Kita à pieds, sur une distance 200 kilomètres, pour apprendre petit à petit la religion catholique. Au même moment, la communauté s’agrandit peu à peu,  comme par degré, avec le passage des missionnaires qui quittaient vers le Mali, qui passaient par Siguiri et qui terminaient à Nzérékoré.

Aux dires du Doyen Claude Sidibé, parmi ces missionnaires, il y en avait un qui s’appelait Alexis Le Maître ; un évêque. « Il était très souvent de passage par ici pour aller à Nzérékoré puis, retourner au Mali. Il a été finalement capté par le village. Il a demandé alors si on pouvait débaptiser pour faire porter désormais à Sölouba le nom de Saint Alexis. Et nos grands parents ont accepté très volontiers. Donc, Sölouba est devenu Saint Alexis. Au fil des ans, il y a eu beaucoup d’ajouts », enseigne l’enseignant à la retraite.

Du baptême des deux patriarches 

L’un des deux patriarches, Diatéba Keita, a été baptisé Casimir Keita. Et l’autre, Doubadiabi Condé, baptisé Adrien Condé. Dans l’enceinte  du premier cimetière situé un peu en bas, leurs tombes y sont encore perceptibles, ainsi que celle de l’un des premiers catéchistes de Saint Alexis. Et sur la tombe de Adrien Condé, est écrit : « Adrien Condé, premier fondateur de Saint Alexis, mort en 1935 ».

Du peuplement de Saint Alexis 

Selon nos informateurs, chaque fois que les deux fondateurs, tous des grands chasseurs, recevaient un étranger, ils l’installaient, lui donnaient un endroit pour logement et un espace pour cultiver. C’est ainsi que la communauté a grandi petit à petit, avec le catéchisme qui a continué de plus belle. Finalement, ces fidèles ne se rendaient plus à Kita, puisqu’ils avaient déjà deux catéchistes avec sur place.

Les premiers missionnaires de Saint Alexis étaient de la congrégation des Pères blancs. Ils ont été suivis d’une seconde vague de missionnaires cette fois-ci de la Congrégation du Saint esprit, autrement dit, les Spiritains.

En 1967, le premier régime a renvoyé tous les missionnaires. Une période charnière au cours de laquelle la communauté de Saint Alexis dit avoir bénéficié de l’apport très substantiel de quelques catéchistes. Parce qu’il y avait déjà quelques prêtres guinéens même si leur nombre n’atteignait pas dix pour toute la Guinée.

« Ils faisaient leurs programmes, voyageaient partout à travers le pays. Et Saint Alexis pouvait recevoir un prêtre diocésain peut-être une fois tous les trois mois sinon plus. D’où l’importance des catéchistes que la Guinée a eu à former, dont Magloire Traoré et Olivier Sidibé qui ont réussi à maintenir la communauté pendant 20 ans. Le dernier vient de décéder : Rémi Condé », explique M. Sidibé.

En 1988, la communauté de Saint Alexis assistera à l’arrivée des Salésiens dont les deux pionniers étaient le Colombien Père Humberto et le Mexicain Père Francisco qui  se sont rapprochés d’elle pour reposer les quelques prêtres que la Guinée avait.

Ces deux pionniers-là étaient à Dabadou (Kankan) d’où  se détachait chaque fois le Père Humberto, pour venir à Saint Alexis. Finalement, il a demandé à s’y installer. Jusqu’à aujourd’hui donc, la communauté est dans la main de la communauté Salésienne. Cela, depuis précisément à partir de 1990.

Le Père René, premier prêtre de Saint Alexis 

De nationalité ivoirienne, Père Raphaël Coulibaly est Curé de paroisse à Saint Alexis où il est à sa septième année. A la suite du prédécesseur, il indique que les fondateurs Adrien et Casimir, ayant entendu parler du christianisme, seront enthousiasmés et chercheront tout de suite à le connaître.

« Depuis Kita, on va leur amener deux personnes qui vont les enseigner. Puis, eux-mêmes, ils feront le déplacement sur Kita. Et parmi les prêtres qui étaient là, les Pères blancs, il y avait le Père René Basain qui sera le premier prêtre par ici. Donc, officiellement, la mission est reconnue comme implantation en janvier 1924 qui marque le début de l’évangélisation. Les incursions sont faites soit ici soit sur Kita. Une fois que les deux catéchistes ont été formés, à leur tour, ils vont former les autres et en parler à leurs amis qui seront enthousiasmés eux aussi et qui, petit à petit, vont se rapprocher. Donc, de passage, les missionnaires vont créer une petite chapelle pour pouvoir prier. Cet endroit, c’est là où habite la maman du chef de quartier. Le prêtre aussi, c’est là qu’il résidait, à côté de la chapelle. Et petit à petit, l’évangélisation va se faire. Le nombre de fidèles va augmenter. L’Église va se mettre en construction également. Et c’est en 1929 que va finir la construction et sera érigée sous le nom de Sainte Anne et Saint Joachim qui sont les grands parents de Jésus. Autant dire que le quartier, c’est Saint Alexis et l’église Sainte Anne et Saint Joachim », explique le Curé de la paroisse.

Ensuite, l’on assistera à l’arrivée des Pères de Saint Esprit. Puis, à celle des Salésiens venue en troisième position en 1986. Ces derniers sont impliqués surtout dans l’éducation des jeunes. En  2014, cette communauté, de façon canonique, s’est érigée Saint Jean Bosco où il y a actuellement quatre confrères, dont trois prêtres et un stagiaire.

Éducation 

La première école de Saint Alexis a été construite par les missionnaires, en 1929. Il s’agit d’une école de deux salles de classe, avec un internat tout petit par où sont passés beaucoup de hauts cadres de l’administration publique et privée guinéenne. D’autres bâtiments viendront bien après s’ajouter à cet édifice.

Aujourd’hui, Saint Alexis abrite une école qui intègre la maternelle, le cours primaire et le collège. A l’ouverture prochaine des classes cette année, la communauté, avec sa paroisse, entend ouvrir les deux premières classes du lycée, avant d’étendre l’action sur les autres stations secondaires jusqu’à Kourémalé, mais aussi dans la zone minière de Tintinian.

« Nous avons des communautés que nous allons animer chaque dimanche pour les aider à pouvoir briller et leur enseigner la parole de Dieu. Donc, l’évangélisation se fait de façon continuelle. Et en 2024, nous allons célébrer le centenaire de l’évangélisation ici à Saint Alexis. Ça sera un grand événement », promet le Père Raphaël Coulibaly.

Érection de Saint Alexis en quartier 

M. Jules Marie Keita est Secrétaire administratif et Vice-président par intérim du Conseil de quartier. Selon lui, Saint Alexis a été érigé en quartier en 2018. Et qu’en marge de cela, les membres du bureau auquel il appartient ont été élus démocratiquement pour un mandat de cinq ans.

« Saint Alexis compte une population de 6500 habitants (recensement de 2020). Nous vivons en harmonie, dans la paix. Nous cohabitons pacifiquement avec toutes les confessions religieuses : les musulmans, les protestants et autres animistes », énumère-t-il.

A la lumière de ce qui précède, il est aisé de savoir que les premiers à s’installer étaient des descendants des sofas de l’Almamy Samory Touré. Or, on sait que dans la région, il y a des chasseurs « donzo » qui ont une confrérie à part entière. A la question de savoir si les chrétiens de Saint Alexis font partie de cette confrérie, le Curé Père Coulibaly répondra :

Certains font partie de cette confrérie, mais par amour pour la chasse. Ils se rassemblent avec eux de temps en temps. Mais il y a certaines limites qu’ils doivent avoir. Parce que tous les sacrifices qui sont faits ne leur permettent pas de communier avec la communauté. Une fois cette barrière franchie, ils peuvent se retrouver comme excommuniés. Donc, pour ne pas franchir le Rubicon, il y a des limites qu’il doit pouvoir avoir en participant comme par plaisir ou en aimant la chasse ».

Saint Alexis réputé pour ses mangues succulentes

A Saint Alexis, chaque famille a sa plantation. Une stratégie mise en place par les missionnaires à leur arrivée dans la localité. D’abord, ils ont rempli la mission de manguiers et ont amené chaque famille à en planter. Si fait qu’au moment de la traite des mangues, ça fait des revenus pour ces familles.

Selon nos interlocuteurs, les premiers plants sont venus de Kita. Et jusqu’à récemment, quand on quittait la ville de Siguiri, à mi-chemin, l’on était accueilli par une forêt de manguiers le long de la route. Avec l’urbanisation, il fallait faire l’ouverture des routes. Et comme on ne peut pas faire l’omelette sans casser les œufs, cela a impacté beaucoup de manguiers. N’empêche ! Il y en a encore et de nombreux.

Avec des bâtiments faits en terre cuite et datant de plus d’un siècle, Saint Alexis abrite de nombreux vestiges à visiter. Il est surtout lié historiquement avec d’autres villages chrétiens de Mandiana, dont Kanifara et Kinièran. Aux dires du Doyen Claude Sidibé, le premier chrétien de Kanifara est venu de Saint Alexis Farada, en l’occurrence Gabriel Sacko.

Un reportage de Mady Bangoura, de retour du Festival sur le Milo pour Guinéenews

vous pourriez aussi aimer
commentaires
Loading...