Tant qu’on n’a pas été victime d’un désagrément ou d’un désastre, il est difficile de croire à leurs conséquences, et quand elles arrivent, pour se dédouaner soi-même, on cherche toujours un bouc émissaire pour atténuer ses maux.
Personne ne peut être formel sur l’origine domestique, accidentelle ou criminelle de l’incendie de Madina, puisque EDG n’est pas exempte de tout reproche avec ses transformateurs qui risquent de griller les compteurs pré ou post-payés qui sont en train d’être installés partout. On suppose qu’ils seront munis de fusibles pour limiter et circonscrire les dégâts.
On a entendu un employé d’EDG dire que du poteau à la maison, EDG prend la responsabilité, pas l’inverse. Mais si le réseau laisse passer 380 volts pendant dix minutes, tous les appareils branchés et adaptés à 220 volts dans des ménages et non ignifuges vont s’enflammer.
Dans un passé, quand Energie lâchait le courant à 18 heures, parfois les étincelles et les crépitements suivaient les lignes de moyenne tension pour créer des débandades dans les quartiers dont les maisons étaient dotées de compteurs et de disjoncteurs. A cette époque, on fréquentait un réparateur de radio. Il s’y connaissait aussi en électricité, il n’avait pas de rallonge-multiprise mais des multiprises sans fil qu’il multipliait les unes sur les autres sur une prise en état douteux. A chaque fois qu’il branchait un appareil, des étincelles jaillissaient. Un jour, tout est allé en fumée.
En 2017, c’était hier, à coté de la mosquée près du groupe scolaire de Yattayah, une maison a pris feu, les propriétaires étaient absents. Les voisins avaient eu toutes les peines du monde à casser la porte tardivement pour éteindre l’incendie. L’électricien du quartier était venu nous raconter qu’il avait conseillé au propriétaire de changer certaines choses, mais l’autre n’avait rien voulu entendre. Des exemples pareils n’en finissent pas et ils concernent toutes les ethnies, c’est le mot qu’il faut sortir vertement ici.
Les incendies de Conakry ne choisissent pas une ethnie. Quand on est trop souvent victime, personne ne peut nous ôter de la tête la paranoïa. Il faut revenir sur le sujet très prochainement, l’unité nationale est à bout de souffle, elle est sur le point limite de résilience…
Si pour faire une omelette, il faut casser des œufs pour déménager on ne demande pas l’avis des poussins, il faut embarquer la mère-poule. L’urgence est là, des projets bancables et l’opportunité de décaisser quelques milliards de dollars pour moderniser les marchés de Conakry tentaculaires et débordants sur la circulation. Les plans et statistiques doivent tout voir en grand. En 1963-64, le stade du 28 septembre se remplissait avec peine, qu’en est-il de nos jours ?
Un drame s’était produit au marché d’ENTA où des vendeuses s’étaient avancées jusque sur la chaussée étroite. Un camion de sable avait ramassé une dizaine de morts, cela n’a servi de leçon que pour un laps de temps, des femmes qui sont revenues parce qu’elles n’ont pas autre choix. Cela doit être pris très en compte. La pauvreté et le banditisme qui s’accompagnent ont atteint un seuil. C’est ce qu’il faut prendre en toute considération.
Pour la restructuration du marché de Madina et de tous les autres en bordure de route, un travail de fond doit être fait, à commencer par le recensement et le regroupement en corporations et coopératives et tout sera facile. Si les « tanama-télé et les tana-la-ton » se le disent tous les jours, s’ils se partagent les colas, il y a un pas positif. Mais dans le cas actuel, « chacun dans son chacun », les intérêts ne sont pas liés. Si on doit parler de boutiques de malinkés, boutiques de peuls… le chemin vers l’union est encore long. Le regroupement des commerçants en coopératives pourrait atténuer certains ressentiments, c’est ce début qu’il faudrait atteindre vaille que vaille. A quelque chose malheur est bon, l’incendie a cramé toutes les rancœurs, au même titre. Le gouvernement qui se creuse la cervelle pour trouver une voie pour la réconciliation nationale ne se devrait pas de venir à l’aide à tous les sinistrés, au même titre ?
Enfin, il est à noter qu’il ne faut pas commencer le déguerpissement des vendeurs et vendeuses des alentours du marché sans que les travaux d’extension ne commencent. On voit bien que les victimes du sinistre sont revenues dès le lendemain sur les lieux de leur gagne-pain.
La reconstruction de Madina n’a pas fini de faire couler encre et salive. On ne fait pas une omelette sans casser des œufs, l’incendie a précipité les évènements.