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Quotidien des fonctionnaires à l’intérieur du pays : entre Galère et espoir 

Combien sont-ils, les fonctionnaires qui servent le pays à partir de l’intérieur ? Comment sont-ils affectés et comment vivent-ils au quotidien  dans les villages avec les communautés locales ? Quel est le plan de carrière réservé à ces « soldats » de la fonction publique ? Peuvent-ils rêver une promotion ? Enquête sur les conditions de vie de ces Guinéens qui ont accepté d’affronter au quotidien les dures réalités de l’arrière-pays.

Il faut s’enfoncer dans le pays profond sur ces pistes escarpées pour observer quelques-uns des centaines de milliers de fonctionnaires appelés à servir l’Etat guinéen, au-delà des frontières de Conakry. Les enseignants constituent la frange la plus importante de ce contingent appelé à servir l’Etat souvent dans les conditions de travail et de vie austères.

Il y a deux ans, depuiq que Mathieu Kpogomou a été affecté à l’école primaire publique de Wendou-Mbôrou, une sous-préfecture située à quatre-vingt kilomètres de la ville de Boké. Chaque matin, c’est le salut aux couleurs de cette école. L’instituteur cherche à inculquer les valeurs de la république à la centaine d’élèves de son effectif. « Les enfants doivent apprendre l’hymne national. Ça fait partie de l’éducation ». Après l’hymne, les cours peuvent commencer. Sa classe est un vieil abri de fortune construit depuis des lustres. « Regardez l’état dans lequel nous travaillons ! Regardez la toiture, quand il pleut, la salle de classe prend l’eau. Quand il y a du soleil, les écoliers le subissent. Mais que faire ? On fait avec », se résigne l’instituteur.

Dans cet environnement spartiate, deux niveaux se côtoient. A droite, la première année, à gauche la deuxième année. Le premier exploit de cet enseignant originaire de la Guinée Forestière, a été de vaincre la barrière de langue. Ici par exemple, les ethnies sont mélangées. M Kpogomou interdit à ses élèves de s’exprimer en langues nationales dans la cour de l’école. « Si je suis à côté, ils ne parlent pas les langues locales ». L’instituteur donne ainsi la chance aux enfants du bout de la Guinée d’accéder au savoir. « C’est le français qui les manque un peu. Mais ils sont bien. L’année dernière, nous avions eu des admis à l’entrée en 7ème. Et ces élèves issus de notre établissement sont aujourd’hui parmi les meilleurs dans les collèges où ils ont été affectés», nous dit fièrement l’enseignant.

Même isolé du monde, il vit son affectation comme un sacerdoce. « Si moi, je ne viens pas ici, qui va accepter de venir pour aider ces enfants-là ? J’ai accepté de rester dans ce village à cause de ces enfants. Présentement, il y a d’autres éducateurs qui enseignent à mes enfants chez moi à Karana, dans la préfecture de N’Zérékoré ! Donc moi aussi il est de mon devoir de donner mon savoir à d’autres enfants quels que soient l’environnement, le lieu, pourvu que je sois accepté par la communauté. Et je vous apprends que je suis bien ici »,, nous rassure M. Kpogomou.

Sur les six classes que compte l’établissement, on n’a que quatre enseignants. Dans plusieurs contrées, surtout dans celles qui sont enclavées, les fonctionnaires ont dû s’adapter et même réinventer leur monde jusqu’en faire leur charte.

Il y a cinq ans que Souleymane  D. est affecté à Koumbia comme infirmier. Et depuis, il n’en est jamais reparti. Il y a même bâti un chez soi sur une parcelle de 1000 m2 « Voici l’avantage de vivre à l’intérieur du pays. Je fais un peu de tout en dehors de mon travail d’infirmier. Je suis ici à Koumbia comme chez moi en Haute-Guinée ». Aujourd’hui intégré, Soul se souvient du premier jour de son arrivée dans la sous-préfecture dont l’accès a été un parcours de combattant.

«Jeune fonctionnaire de 28 ans qui est affecté pour la première fois dans une localité comme agent de santé. Il fallait venir avec le style ! J’étais sapé. Mais si je savais ! J’ai atterri dans la ville, tout poussiéreux. La route était impraticable avec des nids de poules. Je suis arrivé à destination fatigué » Dépaysé, c’est après quelques jours de réflexion qu’il prend la décision de rester. « J’avais imaginé une petite ville coquette avec l’accès facile. C’était la joie. Mais ç’a été un choc  pour moi, le premier jour. Je me suis même posé la question si je pouvais rester à ce poste. Mais après tout, je me suis dit c’est la Guinée. Partout où le devoir t’appelle, vas-y ! Et crée ton environnement »

Pour s’adapter à sa nouvelle vie, il a dû s’intégrer dans la société. Les endroits qui cadrent avec cette intégration sont les kiosques à café, les terrains de sports, les salles de télévision (pour les matches de football), les bistrots et autres lieux de loisirs. « Le charme ici , est que tout le monde se connaît. Dans les cafés on est connu  même quand ça ne va pas, tu peux contracter de petits prêts jusqu’ à la fin du mois… Ici, c’est chez moi désormais. Un fonctionnaire partout où on t’affecte, c’est chez toi », se résigne l’infirmier major de Koumbia.

Vivre en province, c’est aussi combler le vide après le travail. Depuis quelques années; le football avec les petits poteaux (Maracaña) incarne cette fonction auprès des fonctionnaires de l’intérieur du pays. « Quand vous êtes dans une petite ville, il n’y a pas d’autres types d’animation. Tu finis le travail, tu rentres, pour ne regarder que la télévision et madame, ça ce n’est pas facile. C’est monotone. Il faut le football », nous dit Cheick Soumah, douanier en poste au port de Kamsar. En plus de faire la part belle aux hommes âgés, cette discipline tient sa popularité par ses relations fraternelles de ses pratiquants.

« Ici à Kamsar je suis peinard. Je n’ai pas de problème. Il y a toutes les corporations ici. Douaniers, policiers, gendarmes, enseignants, médecins, comptables…Presque tous les corps. Et on se connaît tous. En cas de problèmes, un coup de fil suffit pour se rendre service ou résoudre un problème ». En dehors des matches locaux de Maracaña, il y a aussi une autre rencontre. Celle de la Champion’s League. A des kilomètres de Conakry, ce moment de Champion’s league, à Kamsar où l’électricité ne fait pas défaut, prend une grande allure de retrouvailles entre fonctionnaires. « En général, ici à Kamsar, nous sommes pris entre le travail et les moments de loisirs », nous apprend le corps habillé avant de continuer. « A bien d’égard, la vie à l’intérieur du pays présente des avantages. Le loyer coûte moins cher. Le transport inter urbain ne coûte pas grand chose. Pas d’embouteillage non plus ».      .

Les fonctionnaires face à la galère à l’intérieur du pays

L’arbre ne doit pas cacher la forêt. Loin de la capitale, les villes de l’intérieur et les villages ne sont pas forcément  les endroits qui font rêver. « A vrai dire, c’est  difficile de travailler à l’intérieur du pays. C’est infernal. On s’ennuie pratiquement. Si quelqu’un n’est pas prêt, il risque de péter les plombs. Ça rend fou encore si on veut vivre en autarcie. Il faut vivre avec les autres pour pouvoir supporter le stress et autres difficultés…Il n’y aucune commodité pour un fonctionnaire de s’épanouir. Ici on ne vit pas dans un confort, même sommaire. Et d’ailleurs comment ? Pas d’électricité ni d’eau potable dans certains endroits. On peut faire des jours sans entendre le bruit d’un véhicule. Pour avoir le salaire, il faut un parcours du combattant», rapporte Ismaël Kanté, Instituteur à Dabis un village  dans la région de Boké. C’est une maison au confort sommaire, construite par les villageois que vit l’instituteur. Loin de sa famille, il s’est habitué à ce confort sommaire et y mène une vie précaire. Son acclimatation n’a pas été chose facile. « C’est un monde carrément différent. J’avais voulu y retourner. J’avais même appelé ma femme pour lui dire qu’ici, ce n’est pas ma place. Mais le directeur de l’école que j’ai trouvé ici m’a rappelé la situation des enfants de ce village :  tu vois les enfants, leurs parents souffrent. Essayons de faire quelque chose pour les sauver de l’ignorance. Si ça ne va pas, l’année prochaine tu peux partir », témoigne Ismaël.

C’est difficile, il faut le reconnaître. Leur métier, leur cadre de travail et leurs sacrifices consenties pour la Guinée les distinguent. Chacun de ces fonctionnaires incarne à sa façon la continuité de l’Etat sur l’étendue du territoire national

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