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Que sont-ils devenus ? : tout sur le parcours musical de Dioubaté Alhousseiny, ancien chef d’orchestre du ‘’Sumba jazz’’ de Dubréka (suite et fin) 

« Nous devons valoriser cet Institut des Arts, il est précieux pour la sauvegarde de notre identité culturelle. La jeunesse d’aujourd’hui doit faire la différence entre la vitesse et la précipitation »

Guinéenews : revenons à la musique guinéenne en général. Enseignant et musicien, quel regard portez-vous sur cette musique guinéenne, qui a longtemps occupé une place de choix sur le plan africain et international ?

Alhousseiny Dioubaté : j’avoue que j’ai des inquiétudes face à la musique guinéenne. Il y a plus de chanteurs que d’instrumentistes. Ces instrumentistes qui sont là à foison, sont des guitaristes, des batteurs qui n’ont pas fréquenté des écoles de musique et qui, dans la pratique, sont d’excellents musiciens. Ces différents musiciens doivent être encadrés, disciplinés, apprendre la musique pour qu’ils soient plus célèbres.

Il y a assez d’instrumentistes sauf qu’il y a peu de ventistes. Le dernier célèbre souffleur, polyvalent, vient de nous quitter et paix à l’âme de Maitre Mamadou Aliou Barry. Après lui, je crains que ce ne soit le déluge. Mais il revient aux décideurs, de mettre des camisoles de force, ou de les faire porter à une certaine couche, afin de créer une horde de souffleurs. Au niveau des fanfares, plusieurs jeunes adhèrent aux instruments à vent. Il est temps de les récupérer et les former sérieusement. A l’institut des Arts, vous trouverez assez de guitaristes, de pianistes, de chanteurs, mais vous allez compter au bout des doigts les souffleurs.

Guinéenews : est-ce que les instruments à vent existent en nombre suffisant au sein de l’Institut pour mieux faciliter l’apprentissage ?

Alhousseiny Dioubaté : tous les instruments à vent existent à l’Institut des Arts. Il s’agit de s’organiser et projeter des formations, afin de garantir l’avenir. A défaut, c’est la Guinée qui sera perdante, et l’on serait obligé de faire venir des souffleurs de la Sierra Léone, du Sénégal ou même peut être de l’Europe.

Guinéenews : feu Maitre Barry disait ‘’la section vent doit être au début, au milieu et à la fin de la musique. C’est le fil conducteur, la courroie de transmission de la mélodie entre toutes les autres sections d’un orchestre…’’ Que pensez-vous de ce point de vue sur la section vent ?

Alhousseiny Dioubaté : c’est la réalité pour celui qui connait, ce que c’est tout d’abord un orchestre, la musique, une orchestration, un arrangement. C’est dommage aujourd’hui, que la jeunesse ne s’intéresse pas beaucoup à la section vent. Tous sont à la conquête de la ligne d’arrivée. C’est d’ailleurs ce message d’engagement, que je continue de lancer à l’endroit de la Direction générale de l’Institut et son département de musique, à l’endroit du ministère de la Culture et à celui de l’Enseignement supérieur. Il est temps de ramener les jeunes, vers l’apprentissage et l’adoption de la section vent et l’Institut des Arts est là, pour satisfaire tous les besoins en matière de musique. Je le dis toujours et l’assume, la plus grande école que l’Etat ait créée aujourd’hui, c’est l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Guinée (ISAMKG). Je maintiens ma position, à condition que l’on ouvre les yeux pour dire, que c’est de l’or que nous avons dans la main. Mais quand tes yeux sont fermés et tu reçois de l’or dans tes mains, tu penseras que c’est un morceau de cailloux que tu détiens, et du coup tu vas le jeter pour ne pas t’encombrer. Il nous faut ouvrir grandement les yeux, pour voir l’or que nous possédons et qui est un acquis. Nous devons valoriser cet Institut des Arts, il est précieux pour la sauvegarde de notre identité culturelle.

Guinéenews : vous êtes toujours accroché à la préfecture de Dubréka. Peut-on s’attendre un jour au retour d’un autre ‘’Sumba jazz’’ par votre engagement ?

Alhousseiny Dioubaté : c’est mon souhait le plus ardent. J’ai 80 ans et par la grâce de Dieu, je tiens encore et je continue de jouer à la musique. J’aurai voulu réaliser ce dessein-là, si Dieu m’en donne la force et l’occasion. La force, je pourrai peut-être l’avoir. L’occasion c’est d’avoir les moyens humains et matériels. Ces deux conditions réunies, je pourrais accomplir cette mission à satisfaction, parce que, les orchestres dignes de ce nom aujourd’hui, il y en a plus et on peut les compter au bout des doigts. C’est donc mon souhait le plus ardent de revoir aujourd’hui le ‘’Sumba jazz’’ sur scène.

Je prie Dieu que ce message tombe dans les oreilles des bonnes volontés. Pour les moyens humains, la besace est pleine et c’est bien au sein de l’Institut. Le plus difficile concerne l’acquisition du matériel et surtout la volonté et l’engagement politique. Nous avions tous vécus le temps du premier régime pendant lequel, tous les orchestres nationaux, fédéraux et même universitaires étaient dotés d’instruments de musique et l’engagement des musiciens aidant, le reste ne venait que tout aisément.

Guinéenews : quels conseils avez-vous à prodiguer à cette jeune génération de musiciens ?

Alhousseiny Dioubaté : La jeunesse d’aujourd’hui doit faire la différence entre la vitesse et la précipitation. Comme on aime à le dire, avant de se coucher, on s’assoit d’abord. L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maitre. Les jeunes doivent revenir à nos sources. Je regrette qu’au niveau de l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Guinée (ISAMKG), on n’a même pas une sorte de conservatoire, pour pouvoir récupérer tout ce qu’il y a d’anthologie en matière de musique dans le pays. Ce sont ces morceaux-là, cette musique qui devrait servir de bréviaire au département de musique, au lieu de s’aventurer dans les emprunts. On parle de ‘’symphonie Beethoven’’, c’est bien beau. Mais qui peut nier, que notre pays est un autre réservoir de symphonies ? Des symphonies peuvent être travaillées dans toutes les régions naturelles du pays. Prenez un morceau comme ‘’Boloba’’, arrangé à partir du solfège, sur la base des règles musicales, j’avoue que vous sortirez une symphonie de dimension internationale. Je vous dis, qu’il est impérieux de mettre l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut. Je l’affirme ici, haut et fort car, la musique guinéenne se meurt à petit feu. Comme le disent les autres « ima fura a kha tofan…a lan tè nan ma », littéralement traduit en français « dépêche-toi pour que ce soit beau… cette pratique ne réussit qu’au feu », est un adage qui ne tient pas dans la pratique. C’est un travail de longue haleine, qui doit être entrepris dans ce secteur. Nous avons encore des musicologues en vie dans ce pays, qu’on peut mobiliser, et qui peuvent conseiller, diriger en donnant des orientations incontournables.

Les jeunes doivent aller à la rencontre des anciens pour apprendre, afin de hisser haut le drapeau guinéen sur le plan culturel.

Guinéenews : dans le domaine de l’enseignement, confirmez-vous que vous n’êtes pas à la retraite encore ?

Alhousseiny Dioubaté : actuellement, je dirige le département d’Electrotechnique à l’université de Mercure International Technopole ‘’ MEINTECH’’, dont je suis aussi le Directeur des Etudes. Cette université compte près de 150 étudiants, qui sont formés en Electrotechnique. Je suis aussi chargé des cours principaux pour la formation des jeunes.

Guinéenews : ingénieur, enseignant, musicien, peut-on connaitre vos sources de revenus qui sont  certainement diversifiées ?

Alhousseiny Dioubaté : évidemment, mes sources de revenus proviennent d’un peu partout. Il ne faut pas oublier d’abord, quand on est Ingénieur, on est ouvrier. Je glane quelques fois des chantiers par-ci par-là, j’ai formé des jeunes à Dubréka qui font le travail, que je supervise, on se partage la cagnotte.  

Guinéenews : avez-vous une entreprise en place ou une Petite Moyenne Entreprise (PME) en fonction ?

Alhousseiny Dioubaté : oui j’ai une petite entreprise d’installation électrique qui me rapporte, il y a aussi l’émolument qu’on me verse mensuellement au niveau de Mercure International, et sans oublier aussi puisque ce n’est pas insignifiant, j’ai formé plusieurs cadres, qui de temps en temps, de façon inopinée, pense au maitre. (…) Donc c’est tout cela associé, qui constitue mes sources de revenus.

Guinéenews : n’êtes-vous pas affilié au BGDA qui peut être une autre source de revenus ?

Alhousseiny Dioubaté : je vous poserais aussi la question de savoir, depuis combien de temps le ‘’ Sumba jazz’’ existe ? Nous avions aussi travaillé pour le pays. Combien de festivals, combien de chansons avons-nous et qui continuent de passer à la radio, nos œuvres sont encore là déposées. C’est tout récemment et il y a 3 ans de cela, que je me suis battu pour inscrire le ‘’Sumba jazz’’ au Bureau Guinéen des droits d’auteurs (BGDA). Nous percevons depuis et à chaque année, nos droits d’auteurs et grâce à l’appui d’une personne, dont je tais le nom, que notre affiliation au BGDA a vu jour.   

Guinéenews : vous êtes présentement très attaché aussi au groupe African groove de feu Maitre Barry. Quel rôle jouez-vous au sein de ce groupe, et qu’est-ce qui vous motive à tel point, que vous assistez à toutes les soirées de ce groupe ?

Alhousseiny Dioubaté : je le fais pour la mémoire en l’honneur, à l’hommage de feu Maitre Mamadou Aliou Barry (paix à son âme). J’ai commencé à côtoyer cet homme depuis 1967, et notre amitié s’est solidifiée jusqu’à sa mort. Voici un homme, qui ne m’a jamais dit non pour quoi que ce soit. Alors cet ensemble, je voudrais le couver, demander à toutes les bonnes volontés, d’apporter leurs soutiens à ce groupe.

C’est un groupe musical, qui est sur la voie de la conservation de notre patrimoine musical. Mon souhait, est de pouvoir me battre de tous les côtés, afin de trouver pour ce groupe, un créneau solide, viable qui va les propulser au-devant des scènes africaine et internationale. C’est dans ce sens, que je me suis engagé, pour les suivre partout en prodiguant des conseils à l’ensemble des musiciens.

Guinéenews : quel est votre mot de la fin?

Alhousseiny Dioubaté : je suis très satisfait de cet entretien. Après Jean Baptiste Williams dans son émission  « Les merveilles du passé » sur Radio-Guinée,  où mon interview a été rediffusée plusieurs fois, vous êtes la seconde personne à pouvoir délier ma langue de la sorte. Vous avez touché assez de coins cachés. J’apprécie les points discutés, et je ne peux que vous remercier, et par ricochet le site Guinéenews, que je lis souvent. Donc, c’est une autre occasion qui m’a été offerte, pour encore rester fidèle à votre site.

Guinéenews : merci à vous, et surtout pour votre disponibilité

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews.

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