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Que sont-ils devenus ? Tout sur le parcours de Moussa Touré alias JB du Trio Ambiance Bazooka du Bembeya Jazz national

’Avant tout, si l’homme a un logement, il s’épanouit davantage. Un artiste, un musicien sans abris ne pourra jamais être inspiré puisqu’il n’aura jamais de tranquillité dans la tête. C’est ma première souffrance aujourd’hui. Alhamdoulilahi rabilalamina, j’arrive à m’organiser à travers les 5.000.000 GNF que je perçois par mois. Je demande de l’aide pour mon problème de logement’’.

C’est un autre monument de la musique guinéenne du Bembeya Jazz National que Guineenews a rencontré à son domicile, sis au quartier Coléah Cité. Il s’agit de Moussa Touré alias ‘’JB’’ (James Brown). Moussa Touré est auteur, chanteur compositeur et remarquable danseur qui a appartenu au ‘’Trio ambiance Bazooka’’, la section chant, qui avait assuré la relève de cet autre duo, composé de feu Boubacar Demba Camara et de feu Salif Kaba.

Moussa Touré est né à Kankan en 1955. Il est fils de feu Elhadj Cheick et de feue Hadja Doussouba Konaté. Marié depuis 1975 à une femme, il est père de six enfants dont 4 garçons et 2 filles.

Moussa Touré fut scolarisé en 1963 à Kankan, où il n’a pu effectuer que les études primaires, qui seront estompées, dit-il, à cause des travaux de construction de la maison familiale, qui a pris assez de temps. C’est ce qui lui a valu ce retard accusé. Néanmoins, Moussa Touré confirme avoir suivi par la suite, des cours de franco-arabe.

Couturier de profession, c’est pour l’achat d’une machine à coudre en compagnie de son père qu’il débarquera à Conakry. Le stock épuisé au niveau des magasins d’antan, le père va laisser le fils en attente, et qui, va finalement être détourné du montant alloué et chassé par le tuteur.

Pour l’achat d’une machine à coudre, le petit Moussa devint par la force du destin, membre de la section chant du Bembeya Jazz national pour assurer la relève, le défi et la continuité de cet emblématique orchestre guinéen.

Aujourd’hui sans abris après la destruction de la paillote ‘’nid des artistes’’, Moussa Touré alias JB nous tient en haleine dans cette interview. Lisez l’interview.

Guineenews :  Vous n’êtes pas issu d’une famille griotte du coup, dites-nous comment vous vous êtes retrouvé dans la musique ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Je ne suis pas issu d’une famille griotte. C’est par le destin que je me suis retrouvé dans ce milieu. J’ai eu très tôt les aptitudes au chant. Je pouvais interpréter les chansons hindoues au sortir du cinéma. A l’aide de la flute et de l’harmonica sur lesquels je m’essayais, bon nombre d’amis me suivaient jusqu’à domicile. Malgré les oppositions du papa et de la mère, j’ai continué à m’exercer par amour et passion. Je dirais tout simplement que la musique est un don pour moi.

Mes véritables débuts dans la musique moderne remontent au décès de Boubacar Demba Camara. Mon tuteur d’antan qui gérait le cinéma Coléah du nom de Kandas Fofana était un ami à Demba. Et le plus souvent Demba m’escortait pour venir assister aux soirées de l’orchestre aux jardins de Guinée. Ce qui m’a permis de retenir beaucoup de chansons de cette formation nationale.

Avec les amis, je reprenais et imitais de temps en temps le Dragon de la chanson africaine. Après le décès de Demba, il y a eu des concours de recrutement, qui furent organisées pour appuyer le Bembeya pour sa continuité. Je n’avais jamais appartenu à un ensemble orchestral et le destin me conduisit au Palais du peuple, où plein de concurrents recrutés au sein des formations fédérales, étaient présents et passaient à tour de rôle.

Ce jour, de passage, j’ai forcé mon destin, malgré les ripostes des hommes en uniforme pour accéder à la salle de répétition. C’est bien de reconnaitre que plusieurs membres du Bembeya s’étaient opposés. Du haut de l’étage, je reconnais que c’est bien Sékou le Grow qui avait facilité mon entrée dans la salle. Plusieurs chanteurs sont passés ce jour et finalement, je fus interpellé par le même doyen Sékou le Grow.

A la demande de savoir ce que je sais faire, confiant et en candidat libre, j’ai cité tout le répertoire des 10 ans de succès du Bembeya (Paya paya, Touraman, Mami Wata, Kossè, Sènèro, Mobèni baralé, bèni danialé, etc) et tout ce monde s’est moqué.

Pour la première fois derrière un micro, et surtout ce grand orchestre qui accompagnait, j’ai pris le courage et j’ai décidé de choisir le morceau ‘’Ballakè’’. Interprété Demba dans cette chanson pleine d’onomatopées, il n’était pas facile de réussir. J’avoue que la chanson fut arrêtée par Sékou Bembeya avant la fin de mes prestations.

Après entrevue, la répétition fut arrêtée et aucun résultat ne fut donné ce jour. C’est quelques jours après, puisque j’avais quitté le quartier Coléah et errant en qualité de danseur, entre les quartiers Hemakono, Gbessia, le Bar Hanoi, etc que feu doyen Siaka Diabaté tumbiste, m’a repéré à la crémerie de Coléah.

Directement, il m’a conduit sur sa moto Vespa vers les autres membres du Bembeya. C’est là où j’ai compris que j’ai été retenu avec feu Nagnamory comme chanteurs au sein du Bembeya jazz national aux cotés de feu Salif Kaba.

Guinéenews : Vous portez le pseudonyme de ‘’JB’’ James Brown. Peut-on affirmer qu’il est votre idole dans ce métier d’artiste ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : A l’époque, il y avait de grands chanteurs tels que Tabuley Rochereau, les hindous et autres. Je confirme que James Brown fut mon idole de par sa façon de chanter et de ses exhibitions à la danse. Il avait des pas de danse difficiles à retrouver aujourd’hui. Paix à l’âme de feu Michael Jackson qui l’avait imité et réussi dans son genre. Ils étaient des chanteurs et danseurs de spectacles.

Guinéenews : Dites-nous comment est venu le nom ‘’Trio Ambiance Bazooka’’ octroyé à la section chant à laquelle vous avez appartenu ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : C’est une inspiration du doyen Sékou le Grow. Je rends hommage à ce grand homme pour sa bravoure et loyauté au service de la culture guinéenne. C’est suite un jour, à nos pas de danses derrière le micro et pour renforcer son inspiration, qu’il a dit ceci « A Cuba, il y a eu le Trio Matamoros, au Zaïre, le Trio Madjesi et aujourd’hui voilà que nait le Trio Ambiance Bazooka, vu toute la détermination qui s’échappe de ce trio par ces mouvements de danses ». Donc c’est l’explication tout court de la dénomination de cette section vent.

Guinéenews : Assez de moments passés en compagnie du Bembeya jazz national. Le public vous a vu à la touche un certain temps. Sans langue de bois, peut-on savoir quelles furent les raisons de votre expulsion de cet ensemble qui a assuré votre baptême de feu ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Ah ! mon cher ami ce n’est pas facile. Nous vivons dans un milieu très pourri. Seulement que tout passe dans la vie. Il faut avoir le courage de résister. Excusez-moi, je ne peux pas m’approfondir sur votre question. En tant que musulman, le pardon doit habiter nos cœurs. Personnellement, j’ai pardonné tout ce qui s’est passé et je demande pardon aussi à tous.

Guinéenews : Etes-vous toujours membre de l’orchestre Bembeya jazz national ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : De tous les temps, je dirai que je serai toujours membre de cet orchestre quoi qu’advienne. Ma dernière prestation remonte en décembre 2022 au Palm Camayenne.

Guinéenews : Ce qui dit que depuis fin décembre 2022 vous n’êtes plus avec le Bembeya et du coup vous êtes inopérationnel ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Je suis plus ou moins opérationnel et quand je suis sollicité, je réponds à l’appel et je fais mes prestations. Comme je vous l’ai dit auparavant, il y a trop de mesquinerie dans ce milieu artistique et c’est dommage.

Guinéenews : Présentement évoluez-vous dans la musique et de quel côté ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Je continue toujours à faire de la musique. Je joue un peu partout et le plus souvent avec plusieurs groupes de la place quand cela m’incite. Sauf que je ne preste jamais lors des cérémonies de mariage ou de baptême.

Guinéenews : Le trio ‘’Ambiance Bazooka’’ avait assuré la relève après le duo feus Demba Camara et Salif Kaba. Quel parallèle pouvez-vous établir entre ces deux époques ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Il faut reconnaitre que nos ainés ont sérieusement travaillé. Tu ne peux te rendre compte qu’à l’écoute de ces nombreux albums, produits par Syliphone. J’ai un respect religieux pour ces artistes et leurs œuvres. Sans pour autant minimiser ce que nous autres avions apporté au Bembeya. Le doyen Sékou Bembeya confirme qu’il s’est beaucoup plus lâché à la guitare à notre temps que pendant la vieille époque. Les albums ‘’ le défi et la continuité’’ en font foi. Donc les époques diffèrent mais se suivent quelque part. Je reconnais aujourd’hui que cet ensemble pendant la succession m’a apporté un plus dans ma carrière.

Guinéenews : Pouvez-vous nous citer quelques unes de vos compositions dans le Bembeya ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Je peux vous citer ‘’ N’Ganoué’’ qui fut ma première composition, ‘’Diadia’’, ‘’N’Zéma’’, ‘’Téléphone’’, ‘’Yèlèma yèlèmaso’’, ‘’Barala fisa’’. Et il y en a d’autres aussi dans les tiroirs et je suis à la recherche de producteurs car les maquettes sont fin prêtes et j’ai au moins 10 titres.

Guinéenews : Sur le plan scénique en danses, dites-nous comment tout cela se passait avec le trio Ambiance Bazooka, très virevoltant pendant les spectacles ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Sur le plan de la danse, Dieu a fait que je n’ai pas sauté les étapes au temps de la Révolution. Du ballet au cœur en passant par le folklore et l’ensemble instrumental, j’ai évolué dans tous ces domaines. Chacun de nous proposait des pas de danses et à l’unanimité, les meilleurs pas concordants aux rythmes proposés sont adoptés.  Nous nous comprenions très bien et à travers le regard ou les gestes de la main. C’était une équipe homogène en tête le regretté Salif Kaba, qui était un parfait danseur.

Guinéenews : Vous avez à votre actif en compagnie du Bembeya un célèbre tube dénommé ‘’Sinamusodyou’’. Qu’est-ce qui vous a inspiré en composant ce titre ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Comme l’indique le titre du morceau en langue vernaculaire ‘’Sinamoussodyou’’ littéralement traduit en français, signifie ‘’la mauvaise coépouse’’. C’est une longue et captivante histoire tirée de ‘’Ballakè’’. Pour expliquer le contenu de ce chant, nous prendrons assez de temps et dans ma composition et inspiration, j’ai tenté de faire apparaitre la mauvaise foi d’une femme envers sa coépouse. Limitons-nous à cela s’il vous plait.

Guinéenews : Recruté dans le Bembeya avec feu Nagnamory Kouyaté, vous avez néanmoins accueilli dans le groupe feu Youssouf Bah ‘’Youyou’’, pendant que feu Salif Kaba vous a aussi étalé le tapis d’accueil. Quels souvenirs gardez-vous de ces 3 défunts (Nagnamory, Salif et Youyou).

Moussa Touré ‘’JB’’ : Je vous dirai que je suis complètement isolé. Je ne pense pas que je pourrai trouver sur scène des complices du micro comme Nagnamory, Salif, Youssouf et Bambino qui est encore vivant. La complicité entre nous était inouïe au-devant de la scène. Ils ont été des grands chanteurs. Je ne peux que prier pour le repos de leurs âmes au paradis. Amen !

Guinéenews : Vous étiez logé à la Paillote qui est complétement détruite aujourd’hui. Peut-on dire que vous êtes sans abris à l’instant ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Mon cher frère, tu vois le réduit dans lequel je vous reçois aujourd’hui pour cette interview. Je souffre énormément pour le problème de logement. Vous voyez que tous mes effets sont exposés aux intempéries. Cela m’inquiète pendant cette saison hivernale. Je remercie tous ceux qui ont initié l’octroi de ses indemnités aux anciennes gloires. N’eut été ce geste que je perçois tous les mois, je me demande comment j’allais vivre. Grace à ce montant, je parviens tant bien que mal à me nourrir, venir en aide à ma famille et aux 5 enfants orphelins de père laissés par mon frère, et qui vivent sous mon couvert. J’ai de la famille un peu partout, à Kankan, Beyla, N’Zérékoré, Kérouané, Macenta et tous les grands parents sont décédés. Tout ce monde ne compte que sur moi. Je ne sais plus où donner la tête.

Guinéenews : Dans cette situation, quel appel avez-vous à lancer à vos fans, aux mécènes et tout court aux dirigeants de ce pays ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Avant tout, si l’homme a un logement, il s’épanouit davantage. Un artiste, un musicien sans abris ne pourra jamais être inspiré, puisqu’il n’aura jamais de tranquillité dans la tête. C’est ma première souffrance. Aujourd’hui, Alhamdoulilahi rabilalamina, j’arrive à m’organiser à travers ces 5 000 000 GNF que je perçois par mois. Je demande de l’aide pour mon problème de logement.

Guinéenews : Au vu de tous ces problèmes, regrettez-vous aujourd’hui avoir servi cette nation guinéenne ?

Moussa Touré ‘’JB’’ : Je ne regrette pas avoir servi ma nation, et c’est ce que Dieu m’a réservé comme contribution pour le pays. A travers la musique, j’ai découvert beaucoup de choses en compagnie du Bembeya. J’ai effectué plusieurs tournées à travers le monde. J’ai joué sur de grandes scènes, j’ai rencontré de grands artistes et musiciens.

Ne nous posons jamais la question de savoir ce que le peuple ou le pays a fait pour nous. Contentons-nous de ce que nous sommes en train d’accomplir ou de ce que nous avions réalisé pour la postérité.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews

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