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Que sont-ils devenus ? Sur les traces de Mamadou Camara ‘’MC’’, de l’orchestre Kaloum Star de Conakry 1

Il s’appelle Elhadj Mamadou Camara ‘’MC’’, guitariste soliste de l’orchestre Kaloum Star de Conakry 1. Il a débuté ses études primaires au petit lycée dans la commune de Kaloum près de Sékhoutouréya. Il a poursuivi le secondaire au 2 octobre, ensuite au collège technique, puis le lycée technique de Donka pour être enfin orienté après le bac, et sur recommandation du chef de l’Etat feu Président Ahmed Sékou Touré, à l’Ecole des PTT de Kipé pour une formation de 3 ans. Cette recommandation était due à son génie créateur, puisqu’il avait fabriqué une guitare électrique (dont il ne reverra plus après présentation aux autorités), œuvre qui avait été présentée dans le quotidien national Horoya. Il terminera à l’Ecole des PTT, avec le grade d’Aide Ingénieur Télécom.

Assoiffé de connaissances et non satisfait du grade obtenu (Aide Ingénieur), il va se recycler pour 3 autres années de formation, pour enfin être élevé au grade de contrôleur général des PTT.

C’est après son stage effectué au ministère des PTT dans les sections colis postaux, cabines de chargements, caisse d’épargne et aux chèques postaux, qu’il sera titularisé. Désormais fonctionnaire en service, Mamadou Camara ‘’MC’’ va fournir ses services aux contentieux, à la cabine de déchargement et au service de réglementation et de normalisation.

Il sera retraité en 2005, après de loyaux services rendus à la nation.

Après de longues hésitations, mises au compte d’occupations abondantes, de nature timide, Mamadou Camara alias ‘’MC’’, a reçu votre site électronique Guineenews à son domicile, situé au quartier Dabondy, dans la commune de Matam.

Dans cette interview, cet anodin et sobre guitariste raconte comment, à l’âge de 8 ans, il s’est lancé dans l’apprentissage de la musique. Il relate son passage au ‘’Star Band’’. Une jeune formation du collège technique à partir de laquelle, il sera découvert et recruté par les autorités de la Fédération de Conakry 1 pour le compte de l’orchestre fédéral, le Kaloum star.

Membre fondateur du Sextet Camayenne, Mamadou Camara ‘’MC’’ nous parle de ses services rendus au dragon de la chanson africaine feu Aboubacar Demba Camara, dans la première version du célèbre titre Temtemba, son appartenance au groupe musical de Maitre Barry et la mise en place de son propre groupe dénommé ‘’Novo jazz’’, qui a animé pendant 7 ans au Novotel-Conakry.

Il nous présente l’ossature de son nouveau groupe appelé ‘’Afro jazz’’, qui réunit en son sein de célèbres musiciens de la capitale. Pour ses beaux et mauvais souvenirs très pathétiques, ‘’MC’’ attristé, parle avec regret de son premier groupe de jazz et exprime sa profonde douleur, suite aux décès de ses deux élèves musiciens au piano et à la guitare solo, feu Cheick Smith et feu Ansoumane Camara ‘’Petit Condé’’.

Mamadou Camara ‘’MC’’ expose dans cette interview, ses différents projets réalisés et ceux qui dorment dans ses tiroirs par manque de moyens et de soutiens. De l’absence des relations de travail entre lui et l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Guinée (ISAMKG), l’invité de la rubrique, témoigne aussi de ce que la musique lui a apporté, éclaircit ses sources de revenus et donne son point de vue à la question de savoir, s’il y a de l’espoir pour ressusciter le Kaloum star de Conakry 1

Guineenews : pouvez-vous nous dire quand et comment vous êtes venus à la musique ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : j’ai commencé très jeune à aimer la musique. A l’âge de 8 ans, je touchais déjà des instruments de musique en forme de jouets, que la maman nous offrait comme cadeaux, pour nos différents résultats de fin d’années scolaires. J’essayais toujours d’assembler des notes pour trouver des harmonies. Tout petit, je jouais à l’accordéon et j’animais au primaire les fêtes de fin d’années scolaires. J’avais aussi appris le piano à travers un oncle, qui était le pianiste organiste de l’Eglise. J’avais eu beaucoup de notions avec lui et à l’âge de 15 ans, je ne me débrouillais pas mal au piano.

A l’âge de 16 ans, les parents m’avaient acheté une guitare et je jouais incessamment à la guitare. Pour anecdote, pendant les fêtes de Tabaski et de Ramadan, à l’époque, feu Kèmo Kouyaté accompagnait sa mère à la guitare. Ils sillonnaient tout le quartier. Arrivé chez nous un matin de fête, le portail était fermé et derrière la cour, j’entendais les notes de guitare. Ce matin-là, je l’avais accompagné et nous avions ensemble soutenu sa mère aux guitares et ce fut le début d’une longue et durable amitié entre nos deux familles.

Au collège technique, un groupe fut formé autour de moi par El hadj Kanfory Bangoura, ancien directeur de l’Ecole et un bon musicien. L’Ecole fournira deux autres guitares. Mon jeune frère que j’ai formé était à l’accompagnement et Bossely Keita (ex-bassiste de Kèlètigui et ses tambourinis) à la basse et le groupe fut appelé ‘’Star Band’’. De succès en succès, les autorités de la Fédération de Conakry 1 ont eu vent de la présence de cet orchestre dans leur territoire. Immédiatement la décision fut prise de nous jumeler à la formation déjà existante, dirigée par Maitre Barry. Voilà comment, j’ai intégré le Kaloum star en qualité de guitariste soliste.

Guineenews : L’on peut affirmer que votre vie artistique est intimement liée à celle de la formation orchestrale du Kaloum star. Vous avez néanmoins effectué des transits au niveau d’autres groupes ou formations orchestrales. Peut-on en savoir plus ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Sans modestie, je vous dirai que j’étais très sollicité à l’époque, vu mon style très émancipé. Feu Miriam Makéba avait souhaité me recruter un moment. En compagnie de feu Papa Kouyaté, Salia, de Justin Morel Junior, Ange Miguel, Jean Baptiste Williams, nous avions formé le Sextet Camayenne. Cet ensemble a produit un album de 45 tours avec syliphone. Là aussi, nous avions été menacés par Conakry 1. Vous savez entre Conakry 1 et Conakry 2, la concurrence était de taille partout. Et finalement, nous avions quitté le sextet camayenne qui est devenu plu tard le Camayenne Sofas.

Je rappelle aussi que j’ai accompagné feu Aboubacar Demba Camara dans la première version de Temtemba.  Un enregistrement, qui passe encore au niveau de la Radio nationale et d’autres radios privées. C’est une production de syliphone. J’ai appartenu également au groupe de Maitre Barry Mamadou Aliou. Il faut rappeler, que j’avais créé le Novo jazz qui a animé environ 7 ans au Novotel Conakry. Présentement, j’ai créé mon propre groupe dénommé ‘’Afro jazz’’, au sein duquel, évoluent Max Salam Cocorico au chant, Mamby Youla à la guitare d’accompagnement et au chant, Mamadou Yaya Diallo à la basse, Tanly de nationalité Burkinabé au piano, Diabaté Fodé à la batterie et moi-même à la guitare solo et au synthé.

Guineenews : Vous trainez derrière vous un parcours élogieux dit-on. Ce qui du coup a dû engendrer des inoubliables beaux et mauvais souvenirs. Pouvez-vous nous en relater quelques-uns ?

 Mamadou Camara ‘’MC’’ : Il y en a plein de beaux et de mauvais souvenirs. L’un des plus beaux, c’est quand j’ai formé un groupe de jazz avec feu Momo Wandel. Ce groupe dénommé ‘’MOSEMBO’’, portait l’initial des noms de tous les musiciens qui composaient le groupe. Il y avait feu Momo Wandel, feu Sékou Kora, feu Morciré, Bossely Keita et moi-même Mamadou Camara ‘’MC’’. Ce fut le premier groupe de jazz. C’est à la fois un très beau et douloureux souvenir, quand je réalise que Momo Wandel, Sékou Kora, Morciré sont tous rappelés à Dieu (pleurs). Paix à leurs âmes.

J’ai deux plus mauvais souvenirs qui m’ont marqué. Le premier concerne le décès de Cheick Smith.

Pour souvenir, je venais donner très souvent des cours de guitare aux enfants de feu Seydou Conté à Coléah. Cheick Smith venait souvent me voir et il voulait apprendre la guitare. Il était tout maigrichon, tout mince ; ses doigts étaient flegmatiques. J’avais essayé de lui faire plaquer des accords et c’était impossible. Je lui ai dit qu’il sera bien au piano. C’est ainsi que je l’ai amené chez moi, où j’ai commencé à l’initier au vieux piano en meuble qui y était. Il captait très vite et il avait une bonne base et après, on s’est séparé et il a continué son chemin. Le plus mauvais souvenir, c’est quand il est revenu me voir et demander le même piano qui était presque foutu. Il a promis de m’amener avec le piano et nous montrer au public mélomane de la Côte d’Ivoire. C’est à son retour là, qu’il fera cet accident qui a couté sa vie. Paix à son âme et je pense régulièrement à lui.

Le deuxième mauvais souvenir, c’est la mort de Petit Condé. Voilà un garçon que j’ai vu et orienté dans le solo. Il jouait dans l’Atlantic mélodie. J’ai encadré cet ensemble et j’ai même joué avec eux. Un jour, je l’ai vu passer avec sa guitare, très remonté suite à une bagarre, qui l’avait opposé à un de ses collègues musiciens. Il a été renvoyé de l’orchestre et je lui ai proposé de venir jouer avec moi dans le Kaloum star. Je l’avais déjà repéré et il était mélodieux à l’accompagnement et j’ai compris qu’avec les accords, quelques techniques, il pouvait s’en sortir. Je lui passais la main la plupart du temps et c’est comme ça qu’il est venu petit à petit au solo. Il était déjà assez performant quand il a demandé à nous quitter. Sa mort continue de m’attrister et je suis conscient qu’il lui restait énormément de choses à donner sur le plan musical. Je prie Dieu qu’il lui réserve le paradis céleste.

Guineenews : Vous avez certainement des projets pour l’avenir à court, moyen ou long termes. Qu’envisagez-vous mettre à disposition dans le domaine culturel ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Mon premier projet était de former un groupe musical et cela est déjà concrétisé par l’existence du groupe Afro jazz. J’ai matérialisé un autre projet, celui d’avoir un studio d’enregistrement. Je reçois et aide beaucoup les jeunes du quartier et d’ailleurs, qui n’ont pas les moyens de faire leurs albums. Je dirais Dieu merci de ce côté. Mon projet à long terme était celui d’ouvrir une école de musique. J’avais fait toutes les ébauches ; le projet est sur papier et malheureusement, je n’ai pas eu de soutien ni au niveau du département encore moins au niveau des mécènes. Dans ce projet est inclus la confection des instruments de musique. J’ai encore en tête toutes les technologies pour fabriquer une guitare électrique, élaborer un balafon-piano, accordable sur tous les instruments et pourquoi pas la Kora électrique. Ce sont les moyens qui me manquent pour faire face à ce gigantesque projet porteur.

Guineenews : Vous possédez toutes ses connaissances théoriques et pratiques en matière de musique, peut-on savoir quelles sont les relations qui vous lient avec l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Guinée (ISAMKG) ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Pratiquement, il n’y a jamais eu de relations sur le plan théorique et pratique. L’institut avait sollicité me rencontrer et cela est resté jusque-là sans suite. Dans tous les cas, j’attends.

Guineenews : Qu’est-ce qui vous empêche d’aller vers les autorités de cet institut, pour mettre à la disposition de ces nombreux apprenants, vos connaissances théoriques et pratiques ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Je ne connais pas les raisons qui ont empêché d’établir le contact entre nous. C’est vrai que je suis une personne ressource et c’est à eux d’exprimer le besoin et mon offre sera là en bonne et due forme. Autres choses à signaler par rapport à la confection des instruments, je crois qu’ils n’ont pas des sections appropriées.

Guineenews : Plus de 4 décennies de pratiques musicales, qu’est-ce que la musique vous a-t-elle apporté ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : La musique finalement m’a ouvert le monde. J’ai voyagé un peu partout dans le monde et ce sont généralement des tournées lors desquelles, j’ai effectué des échanges culturels, contracté des relations et je me suis fait un important carnet d’adresses.

Guineenews : De l’argent, des maisons ou des voitures, vous n’en avez pas eu ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Je n’ai pas eu encore cette chance d’avoir villa ou voiture. Quant à l’argent, de quoi passer le temps, je continue à l’avoir à travers mes prestations et l’insignifiant montant, qu’alloue le BGDA comme droit d’auteur. Par ailleurs, je regrette la répartition de la manne financière octroyée aux anciennes gloires dit-on, par l’ex Président Alpha Condé.

J’ai été omis de cette liste par rapport aux fallacieux critères qui ont ceinturé cette répartition. Ce n’est pas à moi de me considérer comme ancienne gloire. Dans tous les cas les œuvres en disent long. Beaucoup d’artistes, musiciens et sportifs sont frustrés à cause de ce problème.

Guineenews : Vous n’êtes pas sur la liste des anciennes gloires qui ont bénéficié des 5.000.000 FG mensuel, quelles sont alors vos sources de revenus ? 

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Franchement, je vais prier pour mes enfants qui constituent ma retraite. La retraite elle-même, n’est pas bien rémunérée et c’est une maigre somme. Une très maigre somme. C’est tellement petit et j’en ai honte d’en parler. A comparer un fonctionnaire du même grade que moi au Sénégal, l’argent converti, il ne peut pas prendre 440.000 FG comme pension. A part cette pension, je vis à travers mes doigts, c’est-à-dire la guitare. Avec nos soirées, nous parvenons à joindre le bout avec notre groupe de musique. C’est pourquoi, bien que je sois El hadj, vraiment je ne peux pas laisser ce métier qui me fait vivre.

Guineenews : Pourtant il se dit qu’après la Mecque, il y a multitudes de choses qu’il faille arrêter. Comment vous interprétez cette position ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Moi je trouve cela absurde. Je suis aujourd’hui musicien. Et si j’étais gynécologue ? (Rires). Je suis allé la même année qu’Alpha Blondy à la Mecque. Il subit les mêmes reproches. Mais en réponse il a toujours dit, que c’est grâce à la musique il a pu effectuer son pèlerinage. Il y ‘en a plein d’artistes, qui sont passés par là, et continuent leur chemin dans la musique. Soyons seulement un bon et pratiquant croyant.

Guineenews : Revenons sur le Kaloum star. Y at-il aujourd’hui un espoir de faire renaitre cet orchestre de ses cendres ?

Mamadou Camara ‘’MC’’ : Oui, l’espoir est là, mais il est minime. Cela s’explique par le fait que près de 70% des sociétaires ne sont plus vivants. Il y a M’Bady Soumah (saxo), qui après avoir rejoint le Bembeya, Léno Thomas (saxo), Lopis Pierre (saxo), Mamadouba Camara ‘’Söri’’ (batterie), Jean Marais (Tumba), Bob Tanou Cissé (chant), Sékou Verel Sylla (chant), Malick Mozesky (chant), Soriba Bangoura (chant), Morciré (tumba). Je prie Dieu de les recevoir au Paradis. Vous comprendrez un peu, le démembrement qui s’en est suivi après tous ces décès. Aujourd’hui vivants, je peux citer Maitre Mamadou Aliou Barry (Chef d’orchestre, saxos, flûte), Bossely Keita (guitare basse), Pachéco (batterie), Mohamed Kouyaté (chant) et moi-même.

Je sais que certains ensembles ont pu renaitre de leurs cendres à travers une réorganisation, en recrutant des jeunes ou autres musiciens disponibles. C’est le cas du Bembeya, des Sofas de camayenne. De notre côté, je pense que c’est la concertation entre membres vivants qui manquent, et qui devrait prédominer pour atteindre cet objectif.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews

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