Mamady Kouyaté alias Dyélikè est musicien guitariste, auteur compositeur et chef de groupes musicaux. Il est né le 1er mai 1956 à Douako dans la Préfecture de Kouroussa. Il est le fils de feu Mamy et de feue Dyéfadima Douno. Il est marié et père de neuf enfants dont 5 filles et 4 garçons.
Mamady Kouyaté a fait ses études primaires et secondaires à Douako et le lycée à Kouroussa. Après son admission au bac, il est orienté à la Faculté d’Agronomie de Kouroussa 1er degré, pour terminer le second degré à l’institut Agronomique Bordeaux de Kankan. Il a ensuite bénéficié d’un stage de formation de 6 mois en Economie agricole à Cuba, avant de présenter sa thèse de mémoire, pour être élevé au grade d’Ingénieur en Economie agricole.
En l’an 2000, Mamady Kouyaté a bénéficé d’une bourse d’études pour le Doctorat offerte par la République du Japon. Après 3 années d’études et une année de mémoire à Alexandrie (Egypte), il retourne en Guinée avec le grade de Docteur en Agroéconomie.
Fonctionnaire de l’Etat, il sera affecté à la Direction nationale de l’Agriculture en qualité de chargé d’études des projets. Vu le favoritisme, dit-il, qui surplombait la valeur intrinsèque, il se cramponnera à la musique qui le conduira plus loin. Qui l’eut cru, malgré ses connaissances acquises à l’école, affirme-t-il.
Votre site électronique Guineenews a rencontré Mamady Kouyaté ‘’Dyélikè’’ dans l’enceinte de la Paillote, où il s’est prêté aux questions.
Dans cette interview, le musicien guitariste, griot de souche aborde sa venue à la musique et parle de feu Lansana Condé, ex-guitariste soliste du Horoya Band national, qui l’a encadré et qui est son idole.
‘’Dyélikè’’ décrit son parcours depuis l’orchestre sous-préfectoral de Douako (Kouroussa), à partir duquel, il a gravi les échelons pour être recruté en tant que guitariste accompagnateur du Dioli Band de Kouroussa et finalement chef d’orchestre.
Dans le même parcours musical qui se poursuivra à Conakry, Mamady Kouyaté ‘’Dyélikè’’, raconte en tant que musicien-politicien, militant du RPG, comment il a subi les exactions à Kouroussa. Emprisonné et libéré, il va fuir sa contrée natale pour rejoindre Conakry. Il créera son propre groupe de musique appelé les ‘’Dyéliden’’. Et, il sera recruté guitariste accompagnateur du Bembeya Jazz national, et appelé comme encadreur technique de l’orchestre les Amazones de Guinée.
Très relaxe, il poursuit et nous expose ses beaux et mauvais souvenirs et dévoile les divers motifs, qui l’ont poussé à s’exiler aux Etats Unis, où il vit depuis près de 18 ans. Au pays de l’oncle Sam, il dirige un groupe de musique qu’il a formé et dénommé ‘’Mandingo Ambassador’’ (Les Ambassadeurs du Mandingue).
Fervent politicien, dans cette interview, Mamady Kouyaté ‘’Dyélikè’’ nous éclaire sur sa position actuelle, observateur, dit-il, de la vie socio-politique du pays. Il compte prendre de l’élan avant d’amorcer une nouvelle plongée dans la politique.
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Guineenews : Quand et comment ce virus de la musique vous a atteint ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : La musique est toute ma vie. Pratiquement, j’ai choisi la musique quand je ne connaissais même pas son importance. Dans le Sankaran, dans ma famille et surtout dans notre concession, le balafon, la kora en plus la guitare sont des instruments traditionnels connus depuis des temps reculés. Dès mon jeune âge, j’ai commencé à jouer le balafon. Jouer le balafon est une obligation dans ma famille. J’ai néanmoins choisi la guitare et c’est pendant des vacances passées chez mon frère, que j’ai appris les premières notes à la guitare. C’est au collège que j’ai accordé tout le sérieux dans l’apprentissage de la guitare.
Guineenews : aviez-vous eu une idole à travers qui vous avez gardé ce penchant pour la guitare ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Oui ! celui qui m’a inspiré à la guitare, c’est mon grand frère feu Lansana Condé ex guitariste soliste du Horoya Band national. Il m’a aimé et m’a considéré comme son premier fils. Il m’a tout donné et tout ce que je voulais au niveau de la guitare, il me le procurait.
En somme grâce à lui, j’ai eu la facilité d’apprendre et de jouer sur note. Autre idole, c’est arrivé au lycée à Kouroussa, que je l’ai rencontré. Il s’appelle Odilon Michel Pesé et il était le guitariste soliste du Dyoli Band de Kouroussa. Il a aussi beaucoup contribué à ma formation. C’est ainsi, qu’une seule vacance m’a suffi pour faire mes premiers pas sur note. Je me formais aussi en écoutant et en reprenant les notes à la guitare.
Guineenews : Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Pour mon parcours, je commencerais par Douako où j’avais formé un groupe musical entre 1970 et 1973. Ce groupe représentait l’orchestre de la sous-préfecture de Douako et qui s’était fait illustrer comme meilleur groupe musical sous- préfectoral de Kouroussa. C’est d’ailleurs lors des quinzaines artistiques, que je fus découvert par les autorités de la J.R.D.A (Jeunesse de la Révolution Démocratique Africaine) de Kouroussa.
Pratiquement, j’ai été recruté en qualité de guitariste accompagnateur en 1973 au sein du Dyoli Band, l’orchestre fédéral de Kouroussa. Malgré qu’après le bac, je fus orienté à Kankan, j’ai toujours tenu à ce que l’orchestre de Kouroussa soit opérationnel.
A la fin de mes études et après la formation idéologique, je fus muté à Fria. Cette mutation n’avait pas plu aux autorités de la Fédération de Kouroussa. Le secrétaire fédéral feu Ansoumane M’Bemba Keita effectuera le déplacement, pour rencontrer à propos le Président feu Ahmed Sékou Touré. Notre promotion regorgeait les meilleurs sportifs et musiciens de la Fédération de Kouroussa.
Toutes nos premières affectations furent annulées au profit de Kouroussa et nous étions au nombre de 14, toutes disciplines confondues. Nous avions été tous mutés par arrêté à Kouroussa bien que les faveurs étaient plus abondantes au niveau des autres Fédérations.
J’ai été nommé Chef service développement rural et parallèlement chef d’orchestre du Dyoli Band. Après le décès du feu Président Ahmed Sékou Touré, on a constaté que les orchestres raccrochaient progressivement pour faute de moyens et de suivi. J’avoue que j’ai tenu avec le Dyoli Band jusque vers les années 1995.
C’est suite à une rencontre entre le Président feu Général Lansana Conté et les artistes, que j’ai pris la décision de m’engager dans l’initiative privée. Aussitôt, j’ai proposé à mon frère feu Lansana Condé, la création d’un orchestre au niveau de la famille. L’idée fut bien accueillie et j’ai commencé à acheter de ma propre poche et de mes maigres moyens et petit à petit du matériel pour l’orchestre. J’ai formé enfin un orchestre appelé ‘’Sankaran Express’’. Toutes nos familles profitaient de ce groupe pour animer les cérémonies de réjouissances (baptême, mariage et autres).
Guineenews : Un moment vous êtes revenu à Conakry et vous avez formé et dirigé le groupe dénommé ‘’Les Dyélidens’’. Parallèlement, vous avez été pour un bon moment, l’accompagnateur attitré du Bembeya Jazz national et encadreur technique des Amazones de Guinée. Comment tout cela s’est jumelé ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Avant de répondre à votre question, laissez-moi vous expliquer les raisons qui m’ont fait quitter Kouroussa. En 1988, l’ex Président Alpha Condé avait effectué une tournée à Kouroussa. C’est pendant cette visite, qu’Alpha Condé a demandé à ce que je lui vienne en aide au sein du RPG. J’ai lié amitié avec lui et j’ai assuré sa campagne dans toute la région forestière. Partout où je passais, on m’appelait ‘’Alpha Condé la Dyélikè’’ (le griot d’Alpha Condé). La politique s’étant mêlé, j’ai été par deux fois, suspendu de mes fonctions administratives par le Préfet, qui était à Kouroussa du nom de Charles André et qui ne voulait pas sentir Alpha Condé.
J’ai même fait la prison arbitrairement pendant 19 jours, une incarcération au cours de laquelle, je recevais chaque matin comme déjeuner, de sérieux coups de bastonnades. Quand je fus libéré, j’ai décidé de quitter Kouroussa en 1995 et je suis revenu à Conakry.
Arrivé à Conakry, j’ai obtenu une autre affectation pour Dubréka. A Conakry, j’ai réuni tous les frères de la confrérie pour former ‘’Les Dyéliden’’. Feu Maitre Kèlètigui Traoré et feu Lènkè Condé ont eu confiance, et nous ont cédé l’espace de la paillote, pour animer les soirées dansantes. En ce moment, franchement la Paillote était l’incontournable lieu d’attraction des mélomanes. Le répertoire du groupe était vraiment riche et une kyrielle d’artistes défilaient à tour de rôle pour des prestations. Voilà comment le groupe ‘’Les Dyéliden’’ a vu jour.
J’ai été encadreur technique des Amazones, suite à une proposition de feue Niépou Haba qui, après la retraite avait formé un groupe de musicienne. Elle a voulu solliciter mon encadrement. Vu que je travaillais à Dubréka, mes occupations ne me permettaient pas de m’occuper et de mon orchestre et celui de Niépou. C’est ainsi que feu Niépou et son groupe sont allés rencontrer le ministre Jean Paul Sarr, patron du département de l’Agriculture d’alors, qui a facilité mon affectation pour Conakry et à la Direction nationale de l’Agriculture.
Un jour, les Amazones ont encore fait appel à feue Niépou pour la guitare solo. Finalement, la décision de jumeler les deux formations féminines viendra des hautes autorités de la gendarmerie nationale. Les Amazones ont refait surface et j’ai été officiellement désigné, encadreur technique.
Pour mon intégration dans le Bembeya, tout est parti du fait que j’interprétais une bonne partie des répertoires de tous les orchestres nationaux. Feu Mory Condé ‘’Mangala’’ m’a introduit au sein du Bembeya, il m’assistait très souvent lors des répétitions. L’absence de Sékou Bembeya jouait énormément sur l’orchestre.
Donc pour une première fois, ‘’les dyéliden’’ ont accompagné Sékou le Gros à Banankoro, pour honorer un contrat au nom du Bembeya jazz. Ce fut un éclatant succès. Le 2 octobre 1997, j’ai accompagné le Bembeya et le Horoya Band ainsi que les Amazones pour les festivités de la fête de l’indépendance. Depuis, j’ai fait assez de temps et beaucoup de tournées, un peu partout dans le monde en compagnie du Bembeya Jazz national à la guitare d’accompagnement.
Guineenews : De Douako à Kissidougou, de Kouroussa à Conakry, en plus des tournées effectuées un peu partout dans le monde, lesquels de vos beaux ou mauvais souvenirs pouvez-vous nous en relatez ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Le plus beau souvenir s’est passé à Macenta. C’est après ma prestation lors de la campagne en faveur d’Alpha Condé. Les autochtones de Macenta m’ont offert un terrain à Kamandoukoura et ils ont demandé à ce que je sois désormais leur griot. J’ai construit une maison à Macenta et ce fut mon premier toit de ma vie. Et jusque-là ou je vous parle, 80% de ma famille réside dans ces appartements. C’est un éternel souvenir.
Le plus mauvais souvenir de ma carrière est la manière par laquelle, j’ai quitté Kouroussa. J’étais devenu un notable à Kouroussa. Et dire, que c’est puisque j’ai dédié de la musique, à Alpha Condé et au RPG que je suis allé en prison, ce douloureux souvenir reste inoubliable.
Guineenews : Dites-nous qu’est-ce qui a motivé votre départ pour les Etats Unis d’Amérique où vous vivez maintenant, depuis le 16 mars 2004 ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Depuis 2004, je vis aux Etats-Unis. Et je viens souvent en Guinée pour me ressourcer, voir la famille, les parents, les amis.
Les raisons de mon départ sont diverses. Avec le Bembeya, je ne fumais plus le même calumet et ne me demandez pas les raisons car, je ne veux pas réveiller les chats qui dorment. La déception a conduit à la démotivation, bien que je ne considérais pas cet orchestre comme étant mon tout ou la finalité.
Du côté de mon service, où je travaillais à la Direction nationale de l’Agriculture en qualité de chargé d’études, Il y a eu un appel d’offres pour le projet d’appui aux producteurs de Basse Guinée Nord. J’ai participé et élaboré mes études que j’ai déposé au bureau d’appels d’offres. Après dépouillement, c’est mon offre qui fut retenue.
J’avoue que je n’ai retrouvé mon nom nulle part sur la liste des agents retenus pour l’exécution du projet qui était financé par les Koweitiens. Finalement, le bailleur s’est rétracté et le projet n’a pas eu lieu. C’était une enveloppe de 600 000 000 de dollars. Le personnel commençait à douter de moi en pensant que j’avais écrit et envoyé un rapport au bailleur qui sollicitait effectivement ma présence dans ce projet.
Partout on m’appelait saboteur. Et imaginez-vous, reconnu au temps du Général Conté, comme RPGiste de surcroit, il fallait sauver la situation. J’avais reçu deux convocations de la gendarmerie nationale. Ceux-là même de la Gendarmerie n’y croyaient pas, puisqu’ils me connaissaient guitariste, encadreur des Amazones et non Ingénieur Agroéconomiste.
C’est quand j’ai répondu aux convocations, que j’ai su qu’il s’agissait du cas de ce projet d’appui aux producteurs de la Basse Guinée-Nord. Je fus aussi convoqué à la Direction des Antigangs. C’est là où mon informateur m’a renseigné sur ce qui m’attends pour la suite. Il était prévu de venir me choper une des nuits pour une destination inconnue.
Ma chance fut que je revenais d’une longue tournée avec le Bembeya. Financièrement, j’avais encore des ressources et dans mon passeport il y avait aussi des visas non expirés. Notamment celui du Canada, de la Suisse, de l’Angleterre, celui Schengen et le visa d’an encore valide pour les USA. Comme j’avais compris ce qui m’attendais, j’ai payé précipitamment le billet d’avion pour New Jersey et j’ai quitté Conakry le 16 mars 2004.
Guineenews : Vous êtes ingénieur Agroéconomiste et musicien guitariste. Arrivé aux Etats-Unis, parmi ces deux fonctions, laquelle vous avez pu mettre en exergue pour assurer votre survie ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Quand je suis arrivé et c’est à travers des carnets d’adresses que j’ai eu un tuteur qui m’a hébergé. J’ai émis l’intention de postuler pour l’asile politique et ce qui n’était pas du goût de mon tuteur, qui ne voulait pas recevoir dans sa boite des correspondances pour l’immigration. Il avait une autre place qu’il m’a cédé et c’est là où, j’ai commencé mes démarches.
Un jour j’avais branché ma guitare sur un petit ampli. Très nostalgique, je jouais des airs de ma Guinée natale. Un prêtre s’est approché et fut intéressé par les mélodies. Il me proposa d’aller avec lui à l’Eglise pour arranger et orchestré des chansons. Vite fait, j’ai sauté sur l’occasion et le travail fut fait. Chaque deux semaines et pendant un an et demi, je recevais un chèque de 600 dollars comme rémunération et cela m’a beaucoup soutenu. Ma demande d’asile politique faite, et le 2 février 2006, l’asile politique me fut accordé avec tous les avantages y afférent.
Quand je fus légalement installé, j’ai réuni des artistes américains surtout au niveau de la section vent et à la guitare d’accompagnement un compatriote, pour former un groupe dénommé ‘’Mandingo Ambassador’’ (Les Ambassadeurs du mandingue).
Ce groupe est encore opérationnel et nous évoluons dans plusieurs rencontres culturelles, un peu partout aux USA. Assez de projets de voyages sont en vue. Dans tous les cas, je revalorise à ma façon la culture guinéenne car, je donne aussi des cours de musique guinéenne dans les écoles et universités.
Guineenews : votre visite à à Conakry coïncide à la transition. Autrefois emprisonné et chassé de Kouroussa pour votre obédience politique, êtes-vous encore un politicien engagé ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Je dirai oui ! Tout homme qui a le souci de son pays est un politicien engagé. C’est un engagement qui exprime la volonté de servir loyalement le peuple.
Guineenews : Vous militez dans quel Parti ?
Mamady Kouyaté Dyélikè : Non ! Je n’ai pas de parti. Depuis que j’ai été déçu dans le RPG, j’ai pris un congé politique. Je n’ai rejoint aucune entité politique du pays pour le moment. Je n’ai pas raccroché et je suis en train de prendre de l’élan et d’observer la vie sociopolitique du pays, avant de prendre une décision.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews