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Que sont-ils devenus? Odia Fanta de Benso Sodia ou le destin d’actrice comédienne d’une mordue du théâtre

Fanta Béréte plus connue sous le nom de Wodia Fanta ou Odylle Fanta, est une actrice-comédienne de la troupe Benso-Sodia. Fanta Bérété est née en 1970 à Kankan. Elle est fille de feu Sékou et de feue Wodia Kaba. Elle était mariée à un collègue acteur-comédien de la même troupe Benso Sodia du nom de feu Bengazi. De ce mariage, naîtra l’unique garçon, qui sera aussi rappelé à Dieu, à l’âge de 15 ans. Remariée depuis, Madame Diallo née Fanta Bérété, réside au quartier Lansanaya Barrage.

Très éloquente avec une diction bonne à écouter dans une émission de langues, à la grande surprise, on découvre que notre invitée, n’a jamais franchi le seuil d’un portail d’une cour d’école, à plus forte raison la porte d’une salle de classe. Wodia Fanta a très tôt rejoint Conakry, et a vécu sous le toit de sa grande-sœur Hadja Doussou Kaba, qui dès l’arrivée de Fanta, va l’orienter vers l’apprentissage de la couture. Ce n’était pas de son goût la couture, finalement c’est le théâtre qui domina, Wodia Fanta par la force du destin et l’amour qu’elle éprouvait pour le théâtre, à l’orée de ses 17 ans, devint actrice-comédienne au sein de la troupe Benso-sodia, par le biais de l’artiste Amadou Sodia Doumbouya. Un début très difficile, avant que les parents ne s’accordent sur ce choix, Wodia Fanta accrochée et persévérante, trouvera le chemin qu’elle s’était tracé.

Guinéenews a rencontré l’actrice comédienne Wodia Fanta et dans cet entretien, elle nous parle de son abandon de la couture après 5 ans d’apprentissage, au profit du théâtre. Elle évoque les raisons de son choix, les difficultés rencontrées à ses débuts au sein de la famille et de la troupe. Persévérante, Wodia Fanta, nous parle de son parcours, ses projets, ses sources de revenus, le ‘’carnet de santé’’ actuel de la troupe Benso Sodia. En fin d’interview, elle nous fait savoir son point de vue sur le théâtre en Guinée, réitère dit-elle, et lance un appel poignant aux dirigeants en charge de la culture.

Lisez !    

Guinéenews : Bonjour madame, et merci de nous recevoir chez vous. Peut-on parler de votre carrière d’actrice-comédienne et savoir comment vous êtes arrivée dans l’art ?

Wodia Fanta : Bonjour monsieur et avant de répondre à votre question, je vous remercie tout d’abord de l’effort fourni pour me joindre à mon domicile. Je suis née à Kankan, et c’est à partir de là-bas, que j’ai été récupérée par ma grande-sœur Hadja Doussou Kaba pour venir à Conakry. J’étais très jeune et directement, elle m’a orientée vers la couture. Je n’ai jamais fréquenté l’école. Néanmoins, avec les contacts, je me débrouille tant bien que mal dans le parler en français. J’avoue que le métier de tailleur ne m’a jamais plu, et bien que je suis restée un bon moment dans l’apprentissage. Pour répondre à votre question, j’avais environ 17 ans, quand le destin m’a conduite vers le théâtre et cela, par le biais de Tonton Amadou Sodia Doumbouya, qui faisait partie de la troupe ‘’Benso-Sodia’’. Je l’ai aperçu un jour dans notre cour, et sans hésiter, je lui ai manifesté mon désir de faire le théâtre. Du coup, il m’a proposé de faire une demande et de l’adresser à la direction de la troupe. J’ai bondi sur l’occasion et tout est parti de là.

Guinéenews : Auparavant aviez-vous eu une idole, ou qu’est-ce qui a motivé votre engagement pour vous lancer dans le théâtre ?

Wodia Fanta : Sincèrement, c’est à travers les productions de la troupe Benso sodia à la télévision, que j’ai été motivée. Je citerai surtout le film intitulé ‘’Franyira’’, que j’ai beaucoup aimé. Je n’ai pas eu une idole, et c’est seulement par amour et passion que je me suis retrouvé là. Quand j’ai fait ma demande, Amadou Sodia m’a indiqué le lieu de répétition, qui était situé en ce moment, dans l’enceinte de l’école du lycée de Coléah.

Guinéenews : Racontez-nous vos débuts à l’âge de 17 ans, évoluant parmi de très grands acteurs comédiens qui composaient la troupe Benso sodia. N’aviez-vous pas eu des difficultés ?

Wodia Fanta : J’ai eu des difficultés dans ma famille d’abord, ainsi qu’au sein de la troupe à cause de mon âge. Aucun membre de ma famille n’était d’accord pour mon choix de pratiquer le théâtre. Je me cachais pour aller assister aux répétitions, et au tournage des films. Je dissimulais mes accoutrements, jusqu’au jour, où ils m’ont vue à la télévision. Malgré les interventions de plusieurs personnes, difficilement, j’ai été pardonnée. Imaginez, il y a eu une rupture de communication durant 2 mois, entre mon grand frère et moi, à cause de mon intégration dans le théâtre. Au début, dans la troupe, j’ai rencontré une difficulté liée à mon âge. Avant d’être recruté, j’ai été soumise à un test, pour jouer le rôle de ‘’N’na Doussouba’’, une femme hypocrite entre deux coépouses. J’avais réussi à bien interpréter ce rôle, sous des applaudissements nourris. Sauf d’après la remarque bien fondée ce jour de feu Djibadian, mon âge ne pouvait pas coller à l’interprétation de ce rôle. Sur le plan diction, gestuel et de l’occupation scénique, j’avais la maîtrise du sujet. Bien que je n’aie pas eu le rôle proposé à l’audition, c’est à partir de ce moment, que j’ai été retenue dans la troupe Benso-Sodia.

Guinéenews : Citez-nous quelques numéros dans lesquels vous avez joué dans la troupe Benso Sodia ?

Wodia Fanta : J’ai joué dans plusieurs numéros notamment ‘’N’na Kanin ni Wanka’’, ‘’Bily ni Bébé’’, ‘’Bangaly Bengazi ’’, ‘’N’na ta’’, ‘’Abou nin Minata’’, ‘’Fadala’’ entre autres.

Guinéenews : Aviez-vous tenu des rôles d’actrice principale dans quelques numéros présentés par la troupe ?

Wodia Fanta : Bien évidemment, j’ai joué le rôle d’actrice principale dans plusieurs numéros. Je peux citer : ‘’Bangaly Bengazi’’, ‘’N’na ta’’, ‘’Fadala’’ et plusieurs autres.

Guinéenews : Vous reconnaitrez avec moi, que c’est après le casting que l’on procède au choix de l’acteur ou de l’actrice, qui convient le mieux dans l’interprétation d’un rôle donné. Dans quels types de personnages vous vous sentez le mieux dans les interprétations des rôles ?

Wodia Fanta : Je me sens bien dans la peau de plusieurs personnages. Déguisée en méchante, gentille, dramatique femme entre autres, je sais m’adapter et jouer sous plusieurs facettes dans le théâtre.

Guinéenews : 37 ans au service de la troupe Benso Sodia (1987-2024), au compte de l’art guinéen en un mot. Quels sont les avantages, que vous avez pu tirer durant votre présence dans cette troupe ?

Wodia Fanta : Il est difficile d’affirmer que je n’ai rien gagné durant tout ce temps. Mais il est évident aussi, que je ne peux pas confirmer avoir construit une maison, ou acheter une voiture du fait d’avoir appartenu à cette troupe. Je vous dis sincèrement, que j’ai eu des tas de relations à travers cette troupe, par le biais de l’art. J’ai une adresse, qui démontre à suffisance l’acquisition d’une certaine notoriété. Partout où je passe, mon nom est clamé et ça, c’est une autre richesse. Que cela soit à l’hôpital, au sein de l’administration et partout d’ailleurs, j’ai de la facilité pour arranger rapidement, ce pourquoi je suis venue. Alhamdoulilahi rabilalamina, je suis en bonne santé, je continue d’exercer mon art et je rends grâce à Dieu.

Guinéenews : Dites-nous quelles sont vos sources de revenu ?

Wodia Fanta : Présentement je n’ai aucune ressource émanant de la troupe Benso Sodia. La troupe est à l’arrêt et cela est indépendant de notre volonté. Je travaille présentement sous un contrat, avec un français du nom d’Alexandre, qui fait passer toutes nos productions sur YouTube. Je m’associe avec d’autres comédiens de la place, pour produire des numéros de théâtre, qu’il filme à partir de ses cameras et les montages aussi sont assurés par ses techniciens. C’est un contrat qui me rapporte 50% du montant total, qui découle de chaque prestation. C’est à partir de Paris qu’il a visionné mes prestations en compagnie de Benso Sodia, et mon collègue Billy a procédé à la présentation et depuis ça marche. N’eut été votre présence ici, je serai déjà parti, car nous sommes en tournage présentement. Ces tournages me rapportent des sous, je suis affilié aussi au Bureau Guinéen des Droits d’Auteurs (BGDA), bien que le montant soit dérisoire, je perçois régulièrement mes droits. Je perçois aussi les droits de mon défunt époux (feu Bengazi). Par ailleurs, je me débrouille aussi dans le commerce, et voilà en somme mes différentes sources de revenus, sans oublier que mon actuel mari me vient régulièrement en aide.

Guinéenews : Comment se porte aujourd’hui la troupe Benso Sodia ?

Wodia Fanta : Honnêtement dans l’ensemble, la troupe Benso Sodia est confrontée à d’énormes difficultés, tant matérielles que financières. Nous ne disposons ni de cameras, ni de moyens de locomotion, et nous n’avons même pas un espace, pour assurer nos répétitions. Actuellement, nous sommes complètement absents sur la chaîne de la production artistique.

Guinéenews : Quelles sont les raisons qui pourraient expliquer votre absence sur la scène théâtrale, dont vous aviez eu le monopole un moment, en compagnie des autres troupes Lewru dyéré, Pèssè, Nil Palawu, Bènda entre autres ?

Wodia Fanta : Je vous dirai simplement que la raison principale, est ce manque de moyens. Comme vous venez de le dire, un moment donné, nous étions soutenus et pris en charge par la Radiotélévision Guinéenne (RTG). La RTG mettait à disposition les techniciens, le matériel de tournage, le moyen de locomotion, ainsi que le montage de nos films. Tout cela d’un coup a pris fin. Toutes les troupes réunies, nous avons rencontré la Direction d’alors de la RTG, qui n’a pas fait suite à nos requêtes, en nous faisant savoir, qu’il n’y a plus de possibilités, de nous insérer dans la grille des programmes. Nous sommes là aujourd’hui abandonnés à nous-mêmes, et nous ressemblons à ce ‘’citron qui a été bu, vidé de son contenu et jeté par terre’’. A part cet aspect moyen matériel et financier, il faut dire que nous sommes affectés en plus, au niveau des moyens humains. Il y a eu plusieurs décès, et d’aucuns sont actuellement malades alités. Plusieurs femmes parmi nous, ont perdu leurs époux, et elles ont toutes ces charges à assumer au niveau des familles. En conclusion, il faut que l’Etat s’emploie pour aider les artistes, la culture guinéenne.

Guinéenews : A titre personnel, avez-vous des projets en vue ?

Wodia Fanta : Pour l’instant, à part ce contrat de prestations sur YouTube, je n’ai pas autres projets. Il arrive que je sois sollicitée de temps en temps, par d’autres troupes de la place, et ce fait est réciproque entre nous. Je signale aussi que les artistes vedettes chanteurs, me sollicitent aussi pour des sketchs, pendant la réalisation de leurs clips. Dans tous les cas, je compte m’investir considérablement à l’avenir dans le secteur des arts inchallah.

Guinéenews : Aujourd’hui avec la prolifération des troupes de théâtres dans le pays, quel constat faites-vous à propos, et quels conseils avez-vous à prodiguer à la nouvelle génération ?

Wodia Fanta : Je crois qu’il faut revoir à ce niveau la création, la mise en place de ces troupes. Chacun se lance, et parfois sans agrément, les troupes produisent des films de tout genre, sans aucune censure à l’avance. A notre temps, il y avait de la rigueur partout et même sur le plan vestimentaire. Nos accoutrements concordaient avec les sujets dans les scénarii développés. Mais aujourd’hui, on tend à imiter les autres, et pourtant nous n’avons pas les mêmes cultures. Il y a de ces histoires, qui sont bonnes à raconter de façon orale, puisque mise en scène, le côté impudence va apparaître. Ce qui n’est pas permis dans nos coutumes, d’aborder des sujets qui portent atteinte à nos valeurs culturelles. Je conseillerais aux jeunes, d’éviter de plonger dans les emprunts. Ils n’ont qu’à révisiter  nos anciennes productions. Il faut que les jeunes consultent la vieille génération. A notre temps, on le faisait, et ça nous a beaucoup instruit, puisqu’on était entouré de grands griots tels, Amadou Sodia, feu Freddy Taxi t’adore, feu N’Koro Mamoudou, feue N’nakanin, qui connaissent nos mœurs et nos coutumes. Je demande aux jeunes de s’adosser au baobab pour mieux grandir.

Guinéenews : Vous parlez de l’utilité de ces anciens comédiens qui ont été rappelés à Dieu. Leur absence ne représente-t-il pas un autre sérieux handicap pour la troupe Benso Sodia ?

Wodia Fanta : Cela est indéniable, pour ceux qui savent les importants rôles que jouaient ces artistes disparus en tant qu’acteurs comédiens, coordinateurs ou véritables conseillers au sein de la troupe. Ils étaient là, puisqu’ils savaient le faire et rendaient heureux ces nombreux spectateurs et téléspectateurs. Ils ont laissé des trous difficiles à combler, chacun d’eux incarnait un personnage, qui collait à sa peau. Je prie Dieu de leur accorder le paradis céleste (Amen). Leurs disparitions constituent assurément un autre handicap pour la troupe Benso Sodia.

Guinéenews : Quelles types de relations, votre troupe entretient-elle présentement avec le ministère de tutelle ?

Wodia Fanta : Les relations entre nous et le ministère de tutelle, ne sont pas celles auxquelles nous nous attendions. Avec le cabinet de l’ex-ministre Bantama Sow, nous avions eu une lueur d’espoir, et malheureusement il y a eu un bouleversement au niveau gouvernemental. Ceux qui lui ont succédé, ont catégoriquement fermé la porte. Nous attendons de voir ce que le nouveau ministre va apporter, comme changement positif au sein de notre corporation.

Guinéenews : Vous avez certainement un appel à lancer aux autorités en charge de la culture ?

Wodia Fanta : Nous avons lancé trop de messages, nous concernant, à l’endroit de nos autorités de tutelle et à tous les niveaux. C’est la sourde oreille, que nous recevons et percevons comme retour. On ne se fatiguera pas jusqu’à satisfaction. A votre micro, nous réitérons la même demande, celle de venir en aide à la culture guinéenne en général. Nous avons travaillé pour ce pays, et nous pouvons encore le faire, si tous les moyens sont réunis. Laissez-moi vous dire, que ces troupes théâtrales sont marginalisées dans ce pays. Nous avons souffert pour ce pays, et parmi nous, plusieurs sont décédés dans l’anonymat, il y a des malades, qui ne peuvent même pas se déplacer aujourd’hui. N’attendons pas le pire, pour venir recouvrir nos cercueils du drapeau national, et tenir de beaux discours en témoignages de nos œuvres accomplies. Occupez-vous de nous à notre vivant, et c’est un devoir suprême qui vous incombe. Bientôt 66 ans d’indépendance, essayons de quitter maintenant ce registre d’insatisfactions à tous les niveaux. Si toutefois, j’ai heurté la sensibilité de qui que ce soit à travers mes propos, je mets les mains au dos pendant que j’assume sincèrement mes points de vue. Wassalam.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews

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