Nous sommes des oubliés, des frustrés qui demandent une réparation au niveau des hautes autorités.
Il est musicien, guitariste, auteur compositeur. L’invité de la rubrique “Que sont -il devenus “? est malade, immobile et alité. Il souffre à la fois de l’hypertension artérielle, de l’arthrose, du diabète et d’une gastrite à phase chronique.
Il se nomme Condé Bintou Laye connu sous le nom de Lènkè Condé. Né à Tiro dans la préfecture de Faranah, il est fils de feu Ansoumane et de Bintou Dioubaté. Bintou Laye Lènkè Condé est marié à une femme et père de 12 enfants.
Il a fait ses études primaires à Douako dans la préfecture de Kouroussa. Il a partagé le secondaire entre Faranah et Télémélé, ainsi que le lycée entre Mamou et Faranah d’où, il sera admis pour la 13ème année. Orienté une première fois à la faculté Agronomique de Foulaya (Kindia), finalement il sera réorienté à la faculté Agronomique de Kankan. Après 3 années d’études en Agronomie (tronc commun), il sera spécialisé en Elevage pour 2 années d’études. Suite à la soutenance de sa thèse, il obtiendra son diplôme d’études supérieures en qualité de Docteur en Elevage.
Du coup fonctionnaire de l’Etat dès après la soutenance, il sera affecté à Macenta pour son premier poste de travail, au niveau de la Direction préfectorale de l’Elevage où il servira pendant un et demi. C’est après ce périple en forêt, qu’il rejoindra encore sur affectation la Haute Guinée, plus précisément à Kankan, où il servira toujours au compte de la Direction de l’élevage.
Actuellement bien que malade alité, il relève du Département de l’Environnement, et il est chargé de la recherche dans la commune de Dixinn.
Votre quotidien d’informations en ligne a rencontré Bintou laye Lènkè Condé à son domicile, sis au quartier Hamdallaye dans la commune de Ratoma. Ce talentueux guitariste accompagnateur qui a fait ses preuves dans d’autres formations fédérales avant de se sédentariser au niveau du 22 band de Kankan, affiche sur son compteur 52 ans de musique. Il a bien voulu se prêter à nos questionnaires.
Lisez !
Guineenews : Certes issue d’une famille de griot a-t-on appris, dites-nous cependant comment vous êtes venu à la musique ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Vous ne vous êtes pas trompé. Je suis venu de naissance à la musique. Mon père et ma mère sont des griots. Je suis né dans la musique mais la pratique sur le plan moderne de la musique, c’est à Télémélé, que j’ai commencé à aiguiser mes armes avec le Télé jazz, en qualité de guitariste bassiste titulaire. Très jeune, j’ai joué pendant 3 ans en compagnie de cet orchestre fédéral.
De Télémélé, je suis parti à Mamou en compagnie de mon frère cousin du nom de Malto Mory Dioubaté, qui fut un guitariste de renom et soliste de l’orchestre Bafing jazz de Mamou. J’ai évolué pendant 2 ans comme bassiste dans le Bafing jazz. Après Mamou, je suis arrivé à Faranah et là, j’ai appartenu à l’orchestre fédéral le Djoli band. Tout au début, je tenais la basse et finalement, je suis devenu l’accompagnateur titulaire de l’orchestre pendant 4 ans.
Quand je fus admis pour l’université, le destin me conduisit à Kankan à la faculté Agronomique. Arrivé à Kankan et sachant consciencieusement, que la pratique de la musique impactait de façon négative sur mes études, je me suis tout d’abord abstenu de pratiquer la musique au profit de mes études. C’est quand j’ai avancé en année d’université, que j’ai intégré finalement et pour de bon le 22 band de Kankan.
Guineenews : Pourquoi et comment votre choix s’est porté sur la guitare, pendant qu’il y a d’autres instruments aussi qui fondent un ensemble orchestral ?
Bintou Laye Lènkè Condé : J’ai choisi la guitare, parce que c’est elle qui est très appropriée dans la famille des griots.
Guineenews : Jouez-vous autres instruments à part la guitare car, dans les familles griottes, généralement le balafon, la kora entre autres sont aussi des instruments apprivoisés ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Le balafon a toujours existé bel et bien dans notre famille. Seulement que je n’ai pas progressé dans sa pratique et surtout que notre père, pratiquait plus la guitare que les autres instruments. J’ai néanmoins les notions élémentaires pour jouer le balafon.
Guineenews : Aviez-vous eu un maitre à la guitare ou une idole ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Pratiquement, j’ai été très intelligent et ce n’est pas pour me vanter. Néanmoins, on ne peut pas affirmer qu’on peut venir directement, et puis maitriser un instrument. Il faut toujours quelqu’un qui t’initie, et c’est Malto Mory Dioubaté, le soliste du Bafing jazz de Mamou, qui m’a mis la main à l’étrier, donc c’est lui mon idole et mon maitre.
Guineenews : Concernant votre état de santé très critique à vue d’œil, pouvez-vous en détail, nous livrer le diagnostic posé par les médecins ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Je dirais les diagnostics, puisque je suis allé dans plusieurs hôpitaux et cliniques de la capitale. J’ai fait assez d’examens qui ont révélé l’hypertension, et récemment l’arthrose s’y est mêlée et d’ailleurs, c’est cette maladie qui me fatigue plus car, je me déplace difficilement comme vous l’avez constaté maintenant. L’année dernière, le médecin m’a confirmé que je suis tombé dans le cercle des diabétiques. Vous me voyez roter, et çà, c’est l’effet de la gastrite, qui tend à être chronique chez moi.
Donc en somme, je souffre de l’hypertension, de l’arthrose, du diabète et de la gastrite.
Guineenews : Le ministère de la culture dont vous relevez aussi est-il au courant de votre état de santé ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Personnellement je ne suis pas venu vers eux, et je suis certain de bouche à oreille ils doivent être au courant.
Guineenews : Aviez-vous souscrit à la convention BGDA-NSIA BANQUES, pour la couverture assurance maladie, signée au mois de mai 2016 ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Franchement, je ne sais rien de tout ce que vous dites là. Je vais essayer de me renseigner à propos.
Guineenews : Alors, comment faites-vous pour honorer vos frais médicaux et pharmaceutiques, face à ces multitudes maladies qui vous fragilisent ?
Bintou Laye Lènkè Condé : C’est purement et simplement à travers mon petit salaire, l’aide de ma femme et d’un de mes neveux du nom de Sékou Mohamed Condé, qui me vient régulièrement en aide.
Guineenews : N’avez-vous pas autres sources de revenus ?
Bintou Laye Lènkè Condé : A part mon salaire, je gagnais un peu d’argent pendant les soirées qu’on animait ici et là, et ce montant gagné, permettait de boucher un peu quelques trous. Depuis que je suis tombé malade, ce créneau est resté grippé.
Guineenews : Etes-vous affilié au BGDA, si oui sans discrétion, pouvez-vous nous dire le montant que vous percevez ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Je suis affilié au BGDA et je perçois régulièrement mes droits. Sans aucune discrétion et pourquoi d’ailleurs le cacher, annuellement, ce montant peut varier entre 600 000 et 700 000 GNF.
Guineenews : Guitariste accompagnateur, pouvez-vous nous décrire succinctement, le rôle que joue la guitare d’accompagnement dans une orchestration musicale ?
Bintou Laye Lènkè Condé : L’accompagnement est la base, qui soutient mélodieusement une composition musicale. Tout se repose sur l’accompagnement et c’est le support en un mot. C’est donc la source de la mélodie sur laquelle tous les autres instruments viennent poser leurs partitions. C’est l’accompagnement qui oriente une chanson. En un mot, c’est suite à la trouvaille de l’accompagnement qu’on chante dessus, et les autres instrumentistes se cherchent pour suivre la ligne mélodieuse. Autrement dit, l’accompagnement est le tapis sur lequel tous les autres viennent s’asseoir.
Guineenews : Vous avez un riche passé musical. Du Télé jazz de Télémélé, via le Bafing jazz, au 22 band de Kankan en passant par le Djoli band, racontez-nous un beau et un mauvais souvenir sur ce parcours musical, qui vous reste toujours en mémoire ?
Bintou Laye Lènkè Condé : C’est le jour où Kova Bavogui, soliste d’alors du 22 band m’a donné la chance d’élaborer le solo du titre fétiche ‘’Lannaya’’. Je n’oublierai pas ce jour, puisque ce titre a eu du succès et jusqu’en Libye lors du Festival International de la Jeunesse. J’ai été beaucoup apprécié à travers ce solo, que j’ai progressivement enrichi. C’est un beau souvenir.
Sur le parcours, je ne retiens pas de mauvais souvenirs car, je me sentais bien avec tout le monde. S’il y a un mauvais souvenir, c’est mon état de santé actuel et qui se dégrade progressivement. Chaque jour qui passe, se transforme en mauvais souvenir.
Guineenews : Suite au début de cet entretien, pourrait-on déduire que votre moral est au top ou le contraire ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Dans la vie, tant que l’homme est vivant, il faut espérer. Pour le moment, je tiens bon par la grâce de Dieu. Tous ce qui nous arrive, remettons-nous à la volonté de Dieu.
Guineenews : Après tas de loyaux et nobles services rendus à la nation, quels sentiments ressentez-vous face à votre lamentable état de santé actuel ?
Bintou Laye Lènkè Condé : C’est la désolation, je suis abandonné à moi-même et je suis très déçu. Je suis persuadé, que je ne suis pas seul, et que plusieurs autres musiciens malades subissent le même sort. Cela ne date pas d’aujourd’hui, c’est depuis la mort de feu président Sékou Touré en 1984, que nos situations ont commencé à se compliquer. Il n’y a pas eu donc de reconnaissance à notre endroit. Une infime partie se sent récompensé à travers les 5.000.000 GNF qu’ils perçoivent à chaque fin de mois. Imaginez tout ce nombre d’artistes ou de sportifs de l’intérieur du pays et même de la capitale, qui a été omis pendant la répartition de cet argent. Nous sommes des oubliés, des frustrés qui demandent une réparation au niveau des hautes autorités.
Par ailleurs, je vous remercie d’ailleurs pour ce déplacement que vous avez effectué, afin de venir me rencontrer à domicile. C’est réconfortant, et ce qui prouve qu’il y a des patriotes encore, qui pensent à nous et c’est la première fois que je suis interviewé.
Guineenews : Aviez-vous eu auparavant des projets, avant que ces maladies ne s’emparent de vous ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Oui avant que je ne tombe malade, j’avais pris la décision de sortir un album ne serait-ce que pour la postérité. Ce qui a été fait et l’album qui comporte 13 titres a été enregistré au studio d’Amos à Yimbaya. La particularité de cet album est que, c’est moi-même qui suis au chant, en même temps aux guitares d’accompagnement et solo. J’attends de récupérer et voir comment s’y prendre pour la suite.
Guineenews : Au sein de votre nombreuse famille et sur le plan musical, avez-vous pensé à assurer la relève ?
Bintou Laye Lènkè Condé : J’ai laissé chacun des enfants choisir son chemin. Je n’ai rien imposé à qui que ce soit. Il se trouve qu’il y a mon fils ainé, qui joue de la guitare et malheureusement nous n’avons pas emprunté le même chemin. Il est de la nouvelle catégorie de guitariste qui pensent, que nous sommes dépassés. J’ai tenté maintes fois de le réorienter, mais en vain, il s’accroche de l’autre côté et je n’y peux rien. Je ne peux que lui souhaiter réussite dans ce qu’il a bien voulu choisir.
Guineenews : Dans cette interview, vous avez déclaré être déçu. A partir de cette déception, avez-vous l’envie de lancer un cri de cœur ?
Bintou Laye Lènkè Condé : Ce cri de cœur ne concerne pas seulement ma personne, il s’élargit en faveur de tous les artistes aujourd’hui qui sont sans soutien. A part ceux dont j’ai cités, personne ne vient à mon aide, afin de me permettre de vaincre, cet ensemble de maladies qui m’habitent depuis près de 4 ans.
Je demande donc aux autorités du département de tutelle, au Gouvernement tout entier de se pencher sur le sort des anciens musiciens artistes et sportifs qui ont servi ce pays. Plusieurs sont décédés et dans des conditions assez lamentables. Nous qui sommes aujourd’hui encore en vie et sans aucun espoir, je demande de l’assistance pour sauver nos vies à temps.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour le compte de Guineenews