« L’argent c’est un temps et l’être humain c’est tout le temps. Vous me voyez larmes aux yeux, je pleure le sort de Bangoura Batafon et je prie Dieu qu’il recouvre sa santé »
Kèlèfa N’Diaye est artiste, acteur et comédien de la troupe Batafon de Boké. Il est né dans la commune urbaine de Boké précisément dans la sous-préfecture de Kanfarandé (Bobali). Ce talentueux comédien est marié à deux femmes et père de dix enfants.
Kèlèfa N’Diaye a fait ses études primaires à Boké au C.E.R Limaniya, le secondaire, il l’a passé au C.E.R 14 mai, actuel établissement appelé Filira. Il obtiendra son bac unique au lycée Yomboya pour enfin être admis en 13ème année de l’époque et orienté à la faculté zootechnique de Gaoual, où ils furent les premiers étudiants à fréquenter cette nouvelle faculté de la zone.
Affecté au niveau des FAPA (Ferme Agro-Pastoral d’Arrondissement), Kèlèfa N’Diaye obtiendra finalement son diplôme d’Etudes Supérieures en qualité d’Ingénieur Agro zootechnicien.
En collaboration avec le correspondant de Guineenews dans la préfecture de Boké, Kèlèfa N’Diaye artiste, comédien de la troupe ‘’Batafon’’ de Boké, s’est prêté aux questions de votre site électronique Guineenews.
Dans cette interview, Kèlèfa N’Diaye nous dépeint ses premiers pas dans le théâtre et indique le nom de ses quelques idoles qui l’ont impressionné et l’ont conduit vers cette route.
L’histoire de la Pièce de théâtre ‘’OUMOU INI GABOURI’’ de la troupe ‘’Batafon’’, qui a fait le succès de ce trio d’acteurs composé de Kèlèfa N’Diaye, Bangoura Batafon et de Mohamed Biaye alias Sory (paix à son âme), est relaté dans cette interview.
De sa polyvalence, en passant par sa solidarité envers Moussa Keita dit ‘’ Moussa Kofoé’’, Kèlèfa N’Diaye fonctionnaire à la retraite, nous parle de son unique maigre source de revenus, de son amère actuel souvenir qui n’est que la maladie de son alter-égo Bangoura Batafon.
Il se dit coupé de toutes ses ailes artistiques à cause de l’état de santé de son frère et ami Bangoura Batafon, malade et alité.
Par ailleurs, sollicité sur la liste des invités pour la fête des 60 ans de carrières de l’éminent comédien SOW Bailo, Kèlèfa N’Diaye reste pessimiste et attend l’accord de son ami pour répondre à cette invitation. Quelle amitié prouver à l’endroit de son associé de scènes malade et alité. Et enfin, il nous livre aussi son regard sur l’actuel théâtre guinéen. Lisez
Guineenews© : Comment êtes-vous venu au théâtre ?
Kèlèfa N’Diaye : Mes premiers pas dans le théâtre furent difficiles. Il fallait d’abord m’initier aux élémentaires pas de danses. J’avoue, que c’est par courage et très tôt par passion que je suis monté sur scène en 4ème année de l’école primaire. J’ai joué dans le ballet intitulé ‘’Bingo’’.
C’est à partir de ce ballet qu’à commencer à se déterminer ma carrière d’artiste. Progressivement, j’ai été recruté comme artiste au sein du quartier, de la section et de la fédération. C’était au temps du feu Ministre Abraham Kabassan Kéita qui était gouverneur de la région de Boké.
Sur le parcours, j’ai été aussi acteur principal du ballet de la fédération de Boké intitulé ‘’Tiambo’’.
Guineenews© : Auparavant, aviez-vous eu des idoles sur le plan théâtral ?
Kèlèfa N’Diaye : Effectivement, j’ai eu des idoles qui m’ont beaucoup inspiré à mon jeune âge. Je peux citer feu Amadou Diouldé Diallo des Ballets Africains, Marie Pethiou Camara qui vit actuellement en Allemagne et qui a été une artiste de renommée, sans oublier Fodé Camara et pour ne citer que ceux-là. Je me suis toujours inspiré de plusieurs artistes, depuis mon bas âge.
Guineenews© : ‘’Oumou ni Gabouri’’, un titre, une célèbre pièce dans laquelle vous avez été l’un des acteurs principaux. Dites-nous comment tout cela a été concocté depuis Boké ?
Kèlèfa N’Diaye : Je ne cesserai de le dire et de reconnaître que c’est par la suite d’une compétition artistique intersection, que j’ai été repéré par mon frère Bangoura Batafon en compagnie de plusieurs autres artistes, notamment Aly Italo Bangoura alias ‘’Aly Nyinnè’’, qui est toujours le Directeur artistique de la troupe, et feu Mohamed Albert Conté (paix à son âme).
Cette troupe Batafon a été créée à l’image de la célèbre troupe Fatala de feu Fodé Conté (paix à son âme). Ils se sont inspirés de cette grande icône du folklore de la Basse Guinée, qui a laissé ses impérissables œuvres folkloriques dans la culture guinéenne.
Le mot Batafon est une déformation linguistique landouma. ‘’ A Bata a pon’’, qui signifie ‘’l’encre du caïman’’. Ce nom est devenu historique à travers ce cours d’eau situé à Boké et plus précisément à Tamakènè, qui fournit en eau potable la cité industrielle de Kamsar.
De la rivalité entre trois candidats qui voulaient épouser l’unique dame, finalement le plus patient a gagné. Il s’agit de Mamadou Biaye feu Sory (paix à son âme).
Nous étions tous talentueux dans cette pièce et chacun a joué son rôle dans cette comédie.
Guineenews©: Dans une seconde version de la même pièce de théâtre, l’on a constaté la présence de Moussa ‘’Kofoé’’ de Kindia à la place de feu ‘’Sory’’. Pouvez-vous nous expliquer ce recrutement au sein de la troupe et qui vous a aussi valu un succès au compte de la troupe ?
Kèlèfa N’Diaye : Cette pièce a intéressé d’autres acteurs comédiens qui ne soient pas seulement de la préfecture de Boké. C’est le cas de Moussa Kéita dit ‘’Moussa Kofoé’’. Cet acteur a prouvé son amitié pour la troupe. Il a aimé nous autres acteurs qu’il a trouvés talentueux. Il se déplaçait de Kindia à ses propres frais, pour venir nous rencontrer à Boké. Il était toujours à côté de nous. Au besoin, et que cela soit sur scènes ou pour des raisons sociales, Moussa ‘’Kofoé’’ nous a signifié son attachement. D’ailleurs c’est ce qui m’a permis de prendre la décision en qualité de Directeur artistique, tout en priant l’acteur principal du rôle gagnant et turbulent dans cette pièce, Mohamed Biaye alias Sory, de récompenser Moussa ‘’Kofoé’’, en lui léguant ce personnage dans le film.
Guineenews© : Assez souvent vous êtes présent au sein de la troupe ‘’Batafon’’, ainsi qu’au niveau des différents numéros de Ballets, d’ensembles folkloriques, du ‘’ Sorsornet ‘’orchestre moderne, qu’est-ce qui explique votre polyvalence ?
Kèlèfa N’Diaye : Dans tout ce que nous entreprenons dans la vie, il faut avoir l’amour et la passion de la chose. J’ai eu cette chance à travers Dieu, car et mon père et ma mère furent tous des artistes.
Mon père fut artiste conservateur et il est décédé dans cette danse folklorique dans le ‘’Nalotaye’’. Son masque préféré s’appelle ‘’Banda’’, qu’il a vénéré jusqu’à sa mort.
Ma mère fut une aussi remarquable danseuse folklorique de la forêt-sacrée Baga.
En somme, je dirai que cette polyvalence est héréditaire ou un don. C’est un don de Dieu et je peux dire que je suis né dans ce domaine et je n’improvise rien qui ne soit à l’encontre du réel.
Le fait aussi d’avoir été intellectuel a bien contribué à développer les sens. Donc je réfléchis, j’analyse, je synthétise, je classe et je trouve que cela plait à tout le monde. Tout ce que nous faisons dans la comédie doit être instructif.
Ma polyvalence s’explique ainsi et j’en suis très fier de ressembler à mes parents.
Guineenews© : Etes-vous fonctionnaire de l’Etat oui ou non, et de quoi parvenez-vous à nourrir votre famille ?
Kèlèfa N’Diaye : J’ai été fonctionnaire et j’ai servi mon pays durant 32 ans. Actuellement, je suis à la retraite depuis 2015. Je remercie mon pays, ma préfecture natale et partout où je suis passé. Aucune tache noire ne subsiste sur mon parcours. Je vis présentement de ma maigre pension et Dieu merci.
Guineenews© : Un beau ou mauvais souvenir à relater sur votre parcours ?
Kèlèfa N’Diaye : Je ne vous parlerai pas de beaux souvenirs. Je suis atteint au profond de mon cœur par ce qui est arrivé par la grâce de Dieu à mon frère, mon binôme, mon alter-ego, Bangoura Batafon. Son état de santé est critique et c’est ce mauvais et continuel fait qui perdure en souvenir, dont je suis en train de vivre.
Si aujourd’hui, toutes mes activités artistiques sont bloquées, c’est à cause de mon frère, mon ami Bangoura Batafon qui est malade. Je ne peux pas m’exhiber sur scène, bien qu’il y ait eu d’énormes offres pour prestations qui se sont présentées. Je partage donc sa douleur car c’est la volonté de Dieu.
L’argent c’est un temps et l’être humain c’est tout le temps. Vous me voyez larmes aux yeux, je pleure le sort de Bangoura Batafon et je prie Dieu qu’il recouvre sa santé.
Guineenews© : Sow Bailo, éminent et doyen comédien doit fêter ses 60 ans de carrière. Sur la liste d‘artistes invités, le duo Kèlèfa N’Diaye-Bangoura Batafon fait partie. Vous seriez de la partie ?
Kèlèfa N’Diaye : Une question difficile à répondre. Le doyen Sow Bailo nous a entourés de toutes ses affections et de tous les conseils dans l’exercice de ce métier. C’est un honneur pour nous de figurer sur cette liste d’invités. Je vais consulter mon frère Bangoura Batafon avant toute prise de décisions.
Guineenews© : Quel est votre regard sur l’actuel théâtre guinéen ?
Kèlèfa N’Diaye : Vous savez, je ne peux pas parler de la musique moderne, ni de celle traditionnelle, tout au moins, je peux parler du théâtre ou de la comédie.
Il faut reconnaître qu’à notre époque, toutes nos inspirations traduites en pièces de théâtres étaient censurées. De nos jours, chacun fait ce qu’il veut pendant que ce domaine doit être instructif et avoir des messages porteurs.
Reconnaissons qu’il y a ce phénomène d’aliénation culturelle, qui s’abat sur cette génération actuelle et que cela soit dans le domaine théâtral que musical. Il y a parmi cette nouvelle génération de comédiens, qui tiennent bon et qui suivent la bonne ligne. Je ne veux pas faire de jaloux en citant les noms.
Nos jeunes acteurs doivent se mirer sur les attitudes et comportements des anciens. Je peux oser le dire, Kabakoudou et Grand Devise sont en train de faire du bon travail. D’autres sont aussi en train même d’organiser des festivals au compte du théâtre guinéen.
Je crois qu’il faut inciter tout ce monde de la culture, vers la revalorisation de nos ressources locales. C’est le moment pour moi d’encourager tout ce monde culturel, à revenir à la source.
Entretien réalisé par LY Abdoul en collaboration avec Compo Alpha Oumar au compte de Guineenews.